« C’est l’absence traversée dans la foi qui conduit à Dieu », dit Michel Rondet. Ô combien cela sonne juste pour moi. Le Samedi saint – malheureusement trop souvent escamoté dans la liturgie catholique, tant il nous presse de fêter la résurrection – est, à mon sens, le point de jonction, le pont, le passage obligé entre la mort et la résurrection de Jésus. Sans ce temps suspendu – ce moment où Jésus a disparu du regard des hommes, où les espoirs mis sur lui, les projections diverses et variées dont il a été gratifié disparaissent, s’effondrent –, rien ne peut exister.
Je suis comme chacun de nous, les mains nues et l’âme vulnérable pour dire, à partir de ma seule expérience, la rencontre avec le plus humain dans l’Homme, Dieu lui-même. Chaque évangéliste est un témoin unique, porteur d’une rencontre unique avec le Christ. Pour chacun de nous, maintenant, il en est de même et nous témoignons de là où notre rencontre singulière, avec lui, se vit. Pour moi, aujourd’hui, le Dieu des abîmes est le seul que je connaisse finalement. Vertige de nouveau. Ce Dieu-là ne descend pas dans les entrailles du mal pour faire de l’effet sur une carte de visite. Difficile de prendre davantage de risques, de s’enfoncer plus loin dans l’ardente fournaise de nos géhennes. Il descend avec nous parce qu’en fait il y est déjà. Il connaît par cœur ces ruelles sombres et ces forêts touffues qui nous habitent. Il connaît et n’a de dégoût pour aucune parcelle de ces terres humaines.
Dieu est l’espérance, l’espérance est Dieu. L’être-là de Dieu est l’espérance.
Notre être-là dit cette espérance.
Extraits de « le Dieu des abimes, à l’écoute des âmes brisées », Isabelle Lebourgeois, Albin Michel 2020