(suite de l'épisode précédent !)
Du XVIIIème au XIXème siècle
Le début du 18e siècle est une époque de stabilité, sous le sage abbatiat de trois abbesses de la famille de Rohan, qui gouvernent près d'un demi-siècle.
Le dernier abbatiat avant la Révolution est celui de Madame Catherine-Henriette de Montmorin, durant 53 ans. On lui doit d'importantes constructions de bâtiments, qui forment aujourd'hui la majeure partie des bâtiments conventuels. Elle meurt en 1792, très âgée, la veille de la dispersion des cinquante-huit religieuses de la communauté.
Dès 1790, les terres de l'abbaye avaient été confisquées par le Comité révolutionnaire. Le domaine était vaste : 17 fermes couvrant presque 1000 ha, plus de 600 ha de bois, étangs, moulins et pressoirs… Inventaires et ventes se multiplient. On attend 1792 et l'expulsion des religieuses pour mettre la main sur l'abbaye, divisée et vendue en 34 lots d’habitation.
On trace des rues dans les jardins pour desservir les logements nouvellement créés : la rue Montmorin coupant le corps de bâtiments du 18e siècle témoigne de cette évolution. L’église sert de carrière de pierres, entre autres pour construire le pont sur la Marne, à la Ferté sous Jouarre. Le cloître et le chapitre sont détruits.
Pour les préserver des dégradations, la population transporte à l’église paroissiale cloches, châsses et statues. A Jouarre, on ne trouve nulle hostilité envers la religion et la communauté, au contraire, vingt-huit sœurs peuvent demeurer dans le village et se réunir à l'église paroissiale pour célébrer les offices.
Dès 1821 les survivantes rachètent le Pavillon abbatial et y installent un petit pensionnat. Soutenues par Monsieur Villecourt, vicaire épiscopal de Meaux, elles adressent une requête à Madame de Bavoz, fondatrice et première abbesse de Pradines (Loire) en vue d'une Restauration. Mélanie Gilquin, jeune fille de La Ferté sous Jouarre, entre au noviciat de Pradines dans l'espoir d'une renaissance de Jouarre.
En 1837 cinq religieuses bien âgées, les dernières de la communauté dispersée en 1792, accueillent onze moniales de Pradines. Elles sont rapidement rejointes par des moniales de différents monastères réfugiées à Meaux. Madame Sainte Symphorose Bagot est la première abbesse de l'abbaye restaurée. Madame Athanase Gilquin, la fameuse Mélanie, lui succède.
Au prix de grands efforts, la communauté rachète progressivement les bâtiments et reconstruit l'église en 1863. Partout la vie monastique refleurit. L'abbaye est en lien avec Solesmes, d'abord avec Dom Guéranger puis la jeune Cécile Bruyère, fondatrice des moniales, vient quelques temps à Jouarre. D'autres liens s'établissent avec le Père Muard, fondateur de La Pierre qui Vire. Une élève du pensionnat, Marie Cronier, fonde un monastère à En-Calcat.
Le XXème siècle
Sous l'abbatiat de Madame Benoît Bernier, le 20e siècle débute par la loi sur la liberté d’association en 1901, et en 1903, la communauté repart pour 16 ans d'exil en Belgique, puis aux Pays-Bas, où elle est décimée par la maladie et les carences alimentaires.
Durant la Première Guerre mondiale, les bâtiments deviennent hôpital militaire et quatre religieuses, quittant l'exil, sont envoyées pour soignent les blessés.
La fin de la guerre est temps de la réconciliation et la communauté revient en 1919, augmentée de quelques sœurs hollandaises. Avec courage et foi elles réparent et construisent. En 1921, Jouarre accueille Madame Bénédicte Delmas qui, après avoir reçu sa formation monastique, fonde les bénédictines missionnaires de Vanves. En 1933, pour relever le titre de l’abbaye de Soissons l'abbaye fonde le prieuré d'Oulchy le Château, devenu plus tard l’abbaye de Venière (Saône et Loire).
En 1940, pendant la Seconde Guerre mondiale, nouvel et bref exode, pendant que le monastère est occupé.
Deux fondations prennent naissance à partir de Jouarre : le prieuré de Flée (Sarthe) en 1946 et l'abbaye de Regina Laudis (USA) en 1948. Les liens entre monastères de moniales s'intensifient et aboutissent en 1953 à la création de la Fédération du Cœur Immaculé de Marie, un groupement de monastères de France et d'Afrique (Côte d'Ivoire et Guinée).
Mère Aguilberte de Suremain fait évoluer la communauté dans le souffle du Concile Vatican II qui touche tous les domaines de la vie monastique. Le renouveau liturgique entraîne un nouvel aménagement de l'église, le retrait des grilles et l'introduction progressive du français dans la liturgie. L'aménagement des hôtelleries permet un accueil spirituel plus diversifié et un groupe d'Oblats séculiers est crée.
C'est un temps d'échanges et l'abbaye participe aux organismes post-conciliaires tels que l'AIM, Alliance Inter Monastères, pour la croissance et le développement de la vie monastique partout dans le monde, le DIM, Dialogue Interreligieux Monastique, rencontre avec le monachisme non chrétien, l'ATC, Aide au Travail des Cloîtres, association pour l'aide et la vente de produits fabriqués par les monastères. Au niveau du patrimoine, l'association des Amis de l'Abbaye est créée en 1950 pour aider à l'entretien et à la restauration des bâtiments anciens. En 1991, un cloître est construit, remplaçant celui qui avait disparu à la Révolution.
L' aujourd'hui
La communauté poursuit son chemin dans la même grande aventure de foi et d'espérance à la suite du Christ afin d'être, en église, témoin de son amour. (voir "Les grands évènements" et "les chroniques")