Le chemin d'engagement
Si cette question t’habite, commence par prendre le temps d’écouter la réponse qui montera peut-être claire et nette, mais plus souvent comme une parole murmurée, comme une prière : «Viens, suis-moi»
- Te suivre, Seigneur, mais où demeures-tu ?
- Viens et vois.
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Tu es venue. La vie monastique t’attire. Tu rencontres la sœur hôtelière et avec elle tu commences un chemin de discernement. Il s’agit de découvrir ce qu’il y a dans ton cœur et ce qui se vit au monastère.
Un jour, la sœur hôtelière te proposera sans doute de faire une plongée dans la communauté, c'est-à-dire un stage de quelques semaines. Cela te permettra de conforter ton désir de suivre le Christ.
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Après un cheminement plus ou moins long tu décides de franchir la porte du monastère ; c’est la première étape appelée le postulat.
Là, tu passes du rêve à la réalité. C’est le temps des découvertes : de la liturgie, de la Parole de Dieu, de la vie communautaire. Dans le dialogue avec la maîtresse des novices et la prière tu perçois de plus en plus clairement ton appel personnel.
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Le jour viendra où tu vas vraiment commencer l’apprentissage de la vie monastique. Cette nouvelle étape s’appelle le noviciat. Chez nous, l’entrée au noviciat est marquée par la réception du vêtement monastique et par l’appellation de « sœur ».
L’étude de la Règle de Saint Benoît, qui, depuis quinze siècles aide moines et moniales dans leur marche vers Dieu, et la pratique de la « lectio divina » sont le socle sur lequel repose la formation au noviciat. Des sœurs de communauté sont aussi impliquées dans la formation en partageant leurs savoirs, leurs passions !
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Deux années ont passé. Le Christ t’attire de plus en plus et fait grandir en toi la certitude que c’est ici, dans cette communauté, qu’il Te propose de t’enraciner pour lui consacrer ta vie. Les sœurs ont donné leur accord, car elles ont reconnu l’authenticité de ton appel. Tu vas pouvoir t’engager : c’est la profession monastique.
Au cours de l’Eucharistie, devant l’Église, dans l’Église, pour l’Église, tu dis au Christ « me voici, reçois-moi »
Faire profession, c’est dire le OUI sans condition de Marie le jour de l’Annonciation, c’est le dire avec la puissance de l’Esprit Saint.
Désormais te voilà incorporée, devenue membre du corps qu’est la communauté qui t’accueille. Ta vie et sa vie ne font plus qu’un.
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Cette profession, l’Église dans sa sagesse, demande qu’elle soit ratifiée au bout de trois ans. C’est pourquoi on l’appelle « profession temporaire ». Alors seulement aura lieu la profession solennelle, jour de l’Alliance définitive avec le Christ Époux de l’Église.
Questions plein le cœur ? Voici quelques pistes...
Beaucoup de jeunes se posent les mêmes questions. Nous en mettons en ligne quelques unes - ainsi que quelques réponses "globales", mais rien ne vaut un échange avec une sœur ; car Dieu fait rarement dans le "global" !
Comment puis-je avoir la certitude que Dieu m'attend là ?
Tu te poses cette question - comme tant d'autres. Celui qui t'éclaire c’est l’Esprit Saint. Il nous guide pas à pas. Il éclaire notre conscience, il ordonne notre volonté. C'est Lui qui - si nous sommes bien dans notre vocation - nous établit peu à peu dans la conviction d’être à notre place. Il y a des signes qui ne trompent pas : une grande paix vient inonder ton être intérieur. Tu te sens solide, de l'intérieur. Et qu'en dit ton accompagnateur spirituel ? Est-ce qu'il encourage ton projet ou est-ce qu'il le freine ? Mais ce n’est pas lui qui prendra une décision à ta place. N'oublie pas : Plus ta décision est ferme de suivre le Seigneur sur le chemin qu'Il trace pour toi, plus tu sera forte et confiante. C'est LUI qui conduit en définitive !
Je n'ai pas d'accompagnateur spirituel. D'ailleurs, à quoi cela sert-il ?
Nul n'est directement propulsé par l'Esprit Saint. Bien sûr Dieu peut envoyer un ange... mais tu ne le verras sans doute pas distinctement ! Discerner un appel, se rendre attentif à une vocation à la vie consacrée demande du temps et un dialogue spirituel avec un accompagnateur. Qu'on l'appelle guide, directeur, accompagnateur ne change rien au propos : c'est un frère ou une sœur qui t'aide à discerner la "volonté de Dieu" sur toi.
La "volonté de Dieu" - qu'est-ce que c'est ?
Dieu nous aime, Il nous a créés chacun pour être heureux. Il a un plan d'amour sur chacun. C'est fou mais c'est vrai : pour Dieu chacun a un nom particulier et un appel propre. Discerner cette vocation en ouvrant son cœur à Son appel, voilà la façon la plus sûre d'accomplir sa vie, c'est-à-dire d'être pleinement heureux. Parler de sa vie intérieure n'est pas facile, mais c'est la seule façon d'échapper aux illusions. Les "visions et révélations directes" sont tout de même rares ! L'accompagnateur spirituel est témoin de l'action de Dieu en nous. Il est mémoire des dons que chacun reçoit et que l'on oublie si facilement. En regardant le chemin parcouru, il nous indique notre propre fidélité à la grâce reçue. Il fait mémoire de notre vocation et des appels que Dieu nous adresse. Il n'a jamais vécu exactement la même situation que toi : chacun est unique et les événements ne se répètent pas. Cependant il a franchi certaines difficultés aussi. Lorsqu'on escalade une paroi, il y a des prises qui n'apparaissent pas au premier coup d'œil. Si quelqu'un d'expérimenté crie "à gauche", "à droite", "en aplomb", une force entre en toi et te permet de franchir un passage difficile. L'accompagnateur ne monte pas à ta place mais il te met sur la bonne piste .Fais confiance à l'expérience d'un accompagnateur et tu ne seras pas déçue.
Je n'ai pas fait d'études spéciales... Y a-t-il un niveau d'études requis ?
Non. Ce qui est demandé, c'est une certaine maturité humaine et un désir de se mettre à l'écoute du Seigneur, "devenir disciple". Saint Benoît a fondé une "école du service du Seigneur" ouverte aux chercheurs de Dieu. Peut-être as-tu une formation profane très poussée. En revanche, il arrive que la formation religieuse soit restée en jachère. Ce n'est pas du tout étonnant. Le temps de formation est précisément un temps d'apprentissage de la familiarité avec Dieu dans la prière et de découverte de l’Écriture Sainte, des Pères de l’Église, des Pères monastiques et d'études théologiques. Les moines sont en formation continue toute la vie. On n'a jamais fini de découvrir Dieu et d'approfondir sa vie spirituelle ! Aller à la Source, y puiser encore et toujours, et la Source ne s'épuise jamais.
Est-ce possible de faire un essai ?
Oui, c'est même une excellente idée. Mais ne remets pas facilement à "plus tard". Jésus a dit : "Viens et vois". Si le Seigneur t'appelle, à Jouarre ou ailleurs, cela vaut la peine de te mettre en marche, sans urgence bien sûr. Rien ne remplace un séjour prolongé dans une communauté pour te rendre attentive au projet de Dieu sur toi. Rester à distance à ruminer ou à fantasmer n'avance à rien. Décider de faire un stage met du réalisme dans la réflexion.Concrètement, pour faire un stage chez nous, il faut déjà connaître l'accueil et avoir noué un premier contact avec la maîtresse des novices. C'est elle qui détermine le moment propice à un tel stage, et sa durée. N'aie pas peur, elle a l'habitude et ne va pas "te mettre le grappin dessus" ! Le respect des personnes et de leur liberté est primordial. L'écoute de la volonté du Seigneur sur les personnes également !
Dois-je / Puis-je... en parler à ma famille et à mes amis ?
Une vocation religieuse est un trésor. Il y a un temps pour tout. Pour partager le meilleur il convient de discerner le temps opportun. As-tu un accompagnateur ou une accompagnatrice spirituel(le). C'est lui/elle le mieux placé pour voir le moment propice pour en parler.Ton intimité avec le Christ, c'est ton jardin secret. Ta décision est aussi belle que fragile. En parler trop rapidement peut perturber le discernement. Lorsque ta décision de suivre le Christ sur tel chemin sera prise en toute liberté, lorsque tu te sentiras prête à poser un acte personnel pleinement libre, alors tu pourras en parler avec justesse. Dans ce domaine il ne faut rien presser.L’amitié est une source d’équilibre. Nos vrais amis cherchent toujours notre bien et nous aident à vivre. Mais parfois ils se révèlent incapables de porter une grande confidence.Garde ta liberté et ton secret le temps que les choses se clarifient dans ton cœur. Surtout reste en relation avec ton accompagnateur spirituel. Dans la vie spirituelle on n'avance pas tout seul. Même quand on a 50 ans de vie religieuse !
Je voudrais apprendre à prier
Ça tombe bien… Le monastère bénédictin est justement une « école du service du Seigneur. » Celui qui arrive en disant "je sais" est mal parti ! Les disciples de Jésus lui ont demandé de leur apprendre à prier. "Nous ne savons pas prier comme il faut", dit Saint Paul. Mais l'Esprit Saint vient à notre secours, c'est Lui qui prie en nous le Père. A une jeune qui désespère de ne pas pouvoir prier, Saint Augustin répond : "ton désir c'est ta prière" ! Cela veut dire en clair : dès que tu désires prier tu pries déjà. Tu pries sans cesse dès que tu es éveillée à ce désir. Une excellente école de prière est la liturgie de l’Église. Et puis l'écoute quotidienne de la Parole de Dieu. On apprend qu'on doit toujours apprendre. Grégoire de Nysse dit qu'au ciel on continuera d'aller de commencement en commencement... Donc il y a de l'avenir ! Un jour, le Saint Curé d'Ars a demandé à un paroissien qui restait longuement devant le Saint Sacrement quel était son secret. Celui-ci répond : "Je L'avise et Il m'avise" (ancien français = "regarder"). Un long regard en somme, c'est simple. Mais simple ne veut pas dire facile... Le chrétien est à l'aise dans la prière comme le poisson dans l'eau !
Puis-je venir régulièrement sans m'engager ?
Oui bien sûr ! dans le cadre de l'Accueil. On n'entre pas si vite dans la communauté. Un apprivoisement est nécessaire. Les deux parties ont besoin de temps. Le temps est un allié et non un adversaire et, pour faire connaissance, il est indispensable.
J'ai peut-être une vocation religieuse, mais pas forcément dans une communauté monastique...
Jésus a un projet d’amour pour toi. Sous quelle forme ? Comment découvrir le projet de Dieu sur toi ? Où te sens-tu vraiment libre pour aimer ? Nous sommes libres quand nous aimons. Plus tu essaieras de connaître la volonté de Dieu pour toi et de répondre à sa Parole, et plus tu te découvriras vraiment libre.
Ton désir de te donner entièrement est la première étape, essentielle, à tout chemin de vocation. C'est déjà une grande grâce. Remercie Dieu pour cela. Et puis rester modeste et ne pas se prendre pour Moïse. Dieu ne va pas déchirer les cieux devant toi pour te dérouler un programme ... Prie simplement, mets-toi à l'écoute de ton Père dans le secret de ton cœur. La prière ouvre le cœur et les yeux pour accueillir les signes que Dieu te donne. La Parole de Dieu méditée chaque jour façonne et révèle ton désir profond. Dieu te veut heureuse dans ta vocation et pleinement libre. Il saura bien t'en donner les signes !
J'ai peur de ne pouvoir être fidèle toute ma vie.
C’est complètement normal ! Comment être fidèle toute la vie ! C'est normal que tu aies peur. Cela montre que tu es sérieuse. Être fidèle est toujours difficile, quel que soit l'état de vie. Nous sommes traversés par tant de désirs et de sollicitations. Cela prouve bien que nous sommes des personnes humaines et bien vivantes. Nous lisons dans la Bible que la fidélité de Dieu soutient notre fidélité. Seul Dieu est fidèle. D'ailleurs c'est un de ses noms propres : Quand Dieu appelle, Il donne sa grâce à mesure. Quand Dieu donne sa Parole, Il ne la reprend pas. La fidélité est une grâce à demander au Seigneur et à renouveler chaque jour. Il n'y a pas de "truc" parce que c'est une histoire d'amour et qu'il n'y a pas de "truc" en amour. Le Cardinal Newman disait une prière devenue célèbre : « Seigneur je ne te demande pas de voir très loin, juste le pas à faire pour ce jour. Un pas à la fois, c’est bien assez pour moi ! »
J'aimerais faire un stage mais je ne suis pas libre tout de suite.
La réponse est simple : tu prends contact avec la sœur responsable. Vous convenez d'une date qui convienne aux deux. Et, en attendant... tu ne lâches pas la prière ni le dialogue spirituel. Là - comme souvent dans la vie spirituelle - le temps est un allié. Pour Dieu, mille ans sont comme un jour. Cela nous donne du large !
J'aimerais connaître des jeunes qui se posent les mêmes questions que moi...
Vous êtes plusieurs à être en cours de discernement. Le plus simple est de contacter soit ton accompagnateur soit la sœur responsable. Des groupes constitués existent. L'entraide et l'émulation y sont excellentes. Dans l'aventure spirituelle, il est bon de ne pas rester seul. La vie chrétienne est une vie fraternelle. "Un chrétien qui reste seul est un homme en danger de mort", dit volontiers le cardinal Danneels. Chercher la volonté de Dieu, c'est un vrai travail. Efforts, peines et joies sont au rendez-vous.
Concrètement comment faire ?
Selon ton lieu de vie, contacter par exemple l'évêché, par le site de la Conférence des Évêques de France, ou des sites faits par et pour les jeunes internautes, par exemple INXL6. Ou encore nous contacter en indiquant ton lieu de vie, si nous pouvons t'aider à trouver des frères et sœurs chrétiens.
« La foi est une histoire personnelle, une rencontre et un dialogue entre un être humain et son Dieu. Parmi les milliards d'hommes, Dieu nous connaît par notre prénom. Il veut nous parler, nous laisser parler, nous écouter, nous rendre heureux, nous révéler un amour aux dimensions infinies. Un jour tu te rends compte que Dieu t'aime et te connaît mieux que toi-même. Cela se passe en un instant, ou bien après un événement, brusquement ou petit à petit.
A toi de te mettre en chemin.
Qui dit aventure dit aussi un certain risque : personne ne connaît les détails de ce qui va arriver. Il faut s'attendre au meilleur, mais on avance toujours dans l'inconnu. C'est le mystère de ton histoire avec Dieu. La vie spirituelle peut surgir à tout âge. On peut en prendre conscience spontanément. On peut l'oublier aussi, ou la rejeter, car elle est une œuvre de la liberté humaine ».
(Alain Mattheeuws)