Joyaux de l'histoire
Le patrimoine historique de l'abbaye est assez extraordinaire. Ses deux 'monuments' principaux sont la crypte mérovingienne et la tour romane. Toutes deux sont ouvertes au public et peuvent être visitées.
Nous vous partageons ici un premier regard sur ces 'joyaux'...
LA TOUR ROMANE
Edifiée à la fin du XIème siècle, à l'ouest de l'Abbatiale carolingienne "Notre Dame", la Tour fut incendiée à la Guerre de Cent Ans, et fut dotée à la Renaissance de trois splendides salles intérieures voûtées d'ogives.
La Tour invite aujourd'hui le visiteur, gravissant l'escalier à vis médiéval, à découvrir, dans les espaces restaurés et ornés de vitraux, un parcours de la vie de l'abbaye des origines jusqu'à nos jours. Entrée dans la salle basse de la tour où les visiteurs trouvent un espace de silence avec, au centre, une statue du "Libera me" symbole de la liberté.
Au fond à droite, accès à une salle audiovisuelle où un diaporama de 20 mn, gratuit, vous fera partager la vie de la communauté.
A gauche, accès au magasin des artisanats monastiques, et départ de la visite de la Tour pour les personnes qui le désirent. On accède par un escalier à vis dans la salle historique du premier étage, qui vous retracera 13 siècles de la vie du monastère. Au centre, un magnifique Christ aux outrages vous attend et vous accueille !
A côté, une salle évoquant les différents aspects de la vie monastique actuelle par de belles soies peintes. Vie fraternelle de prière et de travail. En continuant à monter l'escalier à vis, on arrive au deuxième étage de la tour. Chacun des visiteurs est alors invité à méditer un texte dans le silence et la paix du cœur.
Alors, à très bientôt la joie de vous proposer ce "Parcours Monastique" !
LA CRYPTE MÉROVINGIENNE
Pour connaître la crypte, mieux vaut commencer par y entrer. Vous voyez d’abord qu’elle est en contrebas, il y a des marches à descendre : à l’origine, il y avait une basilique au-dessus. Elle a été détruite au IXème siècle, lors des invasions normandes.
Avant de descendre les marches, au-dessus de la porte, vous voyez une statue de St Paul Ermite, flanquée de deux lions à ses pieds, issue de l’artisanat des sœurs de l’abbaye. La crypte est dédiée à cet ermite du désert d’Égypte, mort en 345, dont la vie a été écrite par St Jérôme. La légende nous dit que St Antoine étant venu pour l’ensevelir, et se trouvant dépourvu d’instruments pour creuser sa tombe, deux lions surgirent du désert pour le faire avec leurs griffes ! On le montre ainsi dans l’iconographie.
Une fois à l’intérieur, si vous avez la chance d’être seul ou en petit groupe, faire silence et s’imprégner de l’atmosphère du lieu : les visages que l’on peut voir sont sereins, on entend beaucoup moins les bruits de l’extérieur. Laisser un temps, juste un moment, tout ce qui nous oppresse. Commencer par faire une grande expiration dans lesquels on met tous ses soucis, puis une grande inspiration pour faire entrer justement la paix qui ressort de ce lieu. Au besoin, sentir ses pieds par terre : vous êtes ici et maintenant, rien ne nous menace, et vous êtes dans un lieu qui a franchi les siècles, et qui en a vu d’autres. Il a beaucoup de choses à nous raconter si nous ouvrons bien nos cinq sens.
C’est un lieu chargé d’histoire et de spiritualité, on nous demande de ne pas toucher la pierre car elle est fragile. Ne pas toucher, mais plutôt se laisser toucher, voire émerveiller.
Cela fait, commencer par regarder : que voit-on ?
Il y a d’abord le mur mérovingien dit « réticulé ».
Vous voyez d’abord des rectangles, des losanges, taillés régulièrement et formant comme un réseau, ou les cases d’un damier. Ce sont des pierres de 25-30 cm de long, posées les unes sur les autres et tenues par un mortier. C’est la partie la plus ancienne, les maisons romaines aisées décoraient ainsi leurs murs. On retrouve ce genre d’appareil à l’ancienne Abbaye de Lorsch en Allemagne.
Vous voyez aussi deux rangées de colonnes de marbre antique surmontées de chapiteaux en marbre blanc des Pyrénées. Ils datent de la construction de la crypte au VIIe siècle. Les colonnes de marbre viennent de temples gallo-romains voisins et à l’abandon, on dit que ce sont des remplois.
Il y a aussi un tombeau qui semble occuper la place centrale, celui de l’abbesse Telchilde, première abbesse de notre monastère. La crypte a été construite pour elle, à cause de la grande vénération dont était entourée sa sainteté. Elle n’a pas fondé le monastère, mais elle en a été la première abbesse. Le monastère a été fondé par Adon, l’aîné de sa fratrie, bénie par Saint Colomban, lorsque celui-ci s’arrêta à Ussy-sur-Marne en 610, à quelques kilomètres d’ici.
Sur son cénotaphe on peut voir deux choses :
- d’abord deux rangées de coquilles de chaque côté : elles peuvent représenter des lampes puisque l’inscription parle de cette parabole des vierges sages dans l’évangile de Mathieu, au chapitre 25. Depuis des temps très reculés, en bien des lieux du monde, on découvre aussi des coquilles pour décorer des tombeaux. En contexte païen, on dit qu’elles symbolisent une renaissance. En contexte chrétien, on dit qu’elles symbolisent notre propre résurrection à la fin des temps. Car la crypte n’est pas un hommage à la mort de ceux qui ont été enterrés ici, mais un hommage à la Résurrection du Christ, et au paradis où nous espérons tous aller.
- ensuite une inscription sur les deux côtés du tombeau : elle dit que Telchilde « de naissance noble et éclatante de mérites, mère de ce monastère, a voulu enseigner à ses filles à courir au-devant du Christ avec leurs lampes allumées », telles les vierges sages de la parabole. « Maintenant, elle exulte de joie dans le paradis »
Si vous regardez le tombeau de Telchilde de face, et si vous tournez la tête, vous voyez à droite au fond un enfeu, c’est-à-dire une niche funéraire creusée dans le mur. A gauche au fond, il y en a un autre.
- Celui de droite abrite le tombeau de sainte Aguilberte, deuxième abbesse de Jouarre, qui était la cousine de Telchilde. Vous voyez qu’il est richement décoré avec deux sortes de sculptures : sur le côté, ce sont des dessins avec des SVASTIKA, symbole universel antique de prospérité, de mouvement et de bonheur, que l’on retrouve en bien des religions du monde, en particulier en Inde. Les autres décorations, sorte de « fleurs de lys » (mais qui ne sont pas des fleurs de lys !) se retrouvent sur des tissus sassanides de Perse du VIe siècle. On retrouve les décorations du sommet sur des mosaïques de Grèce, à Ephèse en particulier. On voit donc l’influence de l’Orient dans la crypte.
- Celui de gauche abrite deux tombeaux : si vous montez deux marches, vous voyez le beau gisant de sainte Osanne, princesse Écossaise ou Irlandaise du VIIe siècle. Le gisant lui-même est du même ciseau que ceux de la basilique St Denis, donc du XIIe-XIIIe siècle. D’habitude, on montre les gisants avec les mains jointes. Ici, on voit Osanne tenir un livre et le montrer : c’est le livre de l’Évangile, dont parle déjà l’inscription de Telchilde. A ses pieds est couché un chien, dont le museau a été cassé : il symbolise la vigilance et la fidélité.
Derrière le tombeau d’Osanne a été retrouvé, lors des travaux de la crypte en 1978, le crâne d’Adon, le fondateur du monastère au VIIe siècle : une plaque indique son emplacement.
Perpendiculairement au mur mérovingien se trouve le tombeau de Saint Agilbert : c’est lui qui a fait construire la crypte pour sa sœur Telchilde. Agilbert a été évêque de Dorchester en Angleterre, puis évêque de Paris. Son tombeau est, lui aussi, richement orné : sur le côté, une frise en fort relief représente le Christ et les élus. Le Christ est assis sur un trône, au-dessus de lui, on voit la tête et l’aile d’un ange. Il tient à la main un rouleau déplié, le livre de Vie, sur lequel sont inscrits les noms des élus, le nôtre peut-être si nous voulons bien garder nos lampes allumées, comme il est dit sur le cénotaphe de Telchilde et « nous laisser sauver par pure grâce ». Ainsi écrivait Bossuet, évêque de Meaux au XVIIe siècle, à une sœur de Jouarre.
Les « élus » ont les mains levées pour louer Dieu, mais aussi pour acclamer la victoire du Christ, assis sur un trône comme un empereur romain qui a gagné la bataille : c’est Lui l’empereur véritable. On voit aussi deux anges, l’un devant qui tire et un autre derrière qui semble pousser. La frise est très abîmée, mais elle garde son mouvement.
Accolée à la crypte St Paul que nous venons de décrire, se trouve la crypte St Ebrégésile, cousin de Telchilde et d’Aguilberte, évêque de Meaux au VIIe siècle. Là, les chapiteaux sont en pierre et non en marbre, donc beaucoup plus abîmés. Le tombeau qui se trouve là est un tombeau de l’époque mérovingienne. Certaines colonnes sont en marbre noir. L’autel, bien-sûr, n’est pas d’époque, mais il fut un temps où des communautés orthodoxes de Chelles et de Juvisy venaient chaque année y célébrer la Sainte Liturgie, « car, disaient-ils, la crypte remonte à l’époque de l’Église indivise », c’est-à-dire avant le grand schisme d’Orient en 1054. La crypte a donc bien un caractère oriental et œcuménique.
Pour voir le plus beau de la crypte, à la tête du tombeau d’Agilbert, il faut ressortir et se baisser pour entrer dans la petite alcôve qui abrite le magnifique Christ dit « Tétramorphe », ou Christ avec les quatre Évangélistes. Il a été remis en valeur lors des travaux de la crypte en 1978. Au cours des siècles, pour une raison inconnue, le tombeau d’Agilbert a été déplacé contre le mur, ce qui a permis de sauvegarder cette sculpture. Heureusement. C’est la plus ancienne reproduction connue du Christ Tétramorphe en Occident.
Le Christ semble très jeune, imberbe, il tient le livre des Écritures et le montre.
Autour de lui sont les quatre Évangélistes :
+ L’HOMME en haut à gauche représente MATTHIEU : son Évangile commence par la généalogie humaine du Christ (Mt 1, 1-17)
+ en dessous, à gauche, LE LION représente MARC : son Évangile commence ainsi : « Voici, j’envoie devant toi mon messager, qui préparera ton chemin. C’est la voix de celui qui crie dans le désert : « Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez ses sentiers » (Mc 1, 2-3) On a comparé ce cri au rugissement des lions du désert.
+ LE TAUREAU en bas à droite représente LUC : son Évangile commence au Temple de JÉRUSALEM, où l’on faisait des sacrifices d’animaux, avec la mention « d’un sacrificateur nommé Zacharie, de la classe d’Abia » (Lc 1, 1-5)
+ L’AIGLE en haut à droite représente JEAN, qu’on a surnommé « l’aigle de Patmos », île grecque où il fut exilé en raison des persécutions. Là, il reçut les visions qu’il a relatées dans le livre de l’Apocalypse. Son Évangile lui-même commence avec l’évocation du Christ-Parole « qui était au Commencement près de Dieu et tourné vers Lui. » (Jn 1, 1)
Si on trace de façon imaginaire une croix grecque en X entre l’homme et le taureau d’une part, entre l’aigle et le lion d’autre part, le point d’intersection se trouve être le livre que tient le Christ. Car Il est lui-même le Livre que nous avons à lire, comme aimaient l’écrire les moines du Moyen-Age.
Ses pieds sortent de la mandorle, en forme d’amande : il n’est pas resté dans sa gloire, il est descendu « planter sa tente parmi nous » (Jn 1, 14).
Le CHRIST est l’unique raison pour laquelle la crypte et le monastère ont été construits. Le message que cet ensemble architectural délivre n’est pas seulement celui de la beauté, ce n’est pas seulement un monument archéologique, c’est aussi et surtout une catéchèse qui nous amène au CHRIST pour mieux le connaître.
Existant en forme de Dieu, il n’a point regardé comme une proie à arracher d’être égal avec Dieu, mais il s’est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes.
Et, ayant paru comme un simple homme, il s’est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu’à la mort, même jusqu’à la mort de la croix.
C’est pourquoi aussi Dieu l’a souverainement élevé et lui a donné le Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de JÉSUS, tout genou fléchisse, dans les cieux, sur la terre et sous la terre et que toute langue confesse que JÉSUS-CHRIST est SEIGNEUR à la gloire du Père.Phi 2, 6-11