Jeudi Saint
Aucun d’eux n’y avait pensé. Où alors ils se sont dit : c’est à un autre de le faire. C’est bon pour les esclaves.Voici que Jésus le fait. St Jean décrit la scène avec une grande solennité, quasi liturgique, à l’étonnement des disciples.
Pourquoi Jésus agit-il ainsi ?
Pour leur donner une leçon, leur inculquer l’esprit de service ? La réponse semble aller de soi, puisque lui-même déclare :
Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous devez faire de même car je vous ai donné l’exemple
Mais cette interprétation est trop moralisante et pédagogique. Jésus n’est pas venu pour cela. Assez de sages l’ont fait, dans l’histoire même du peuple. Suivre Jésus ne veut pas dire l’imiter dans des actes extérieurs, mais vivre en lui et par lui, se laisser guider par son esprit. Nous devons aller plus au fond des choses.
Comment Dieu nous apparaît-il en Jésus Christ ? La réponse est dans le premier verset : « Ayant aimé les siens qui étaient dans ce monde, il les aima jusqu’au bout… », ce à quoi il ajoute l’action de laver les pieds des disciples . Il se révèle comme l’amour, mais pas n’importe lequel, un amour sans commune mesure avec ce que nous entendons par là, un amour qui prend la forme du service humble et humiliant. Dieu qui s’abaisse. L’incarnation est l’humilité fondamentale. Dieu qui s’anéantit lui-même en prenant la condition d’esclave, en se rendant semblable aux hommes.
C’est dans ce néant que jaillit la seconde création, celle de l’homme debout, tourné vers Dieu
« Celui qui perdra sa vie à cause de moi la sauvera »
Mais le Christ ne pouvait-il nous assumer, nous faire accéder à l’image et la ressemblance de Dieu qu’il est lui-même, et qui correspond au but de notre création, sans nous donner sa chair à manger et son sang à boire ? Sans penser tout de suite au rite eucharistique, pensons à ce qui s’est passé à la croix et au tombeau. Là nous avons vraiment dévoré la vie du Christ. Tel est le problème : le parcours vers l’achèvement de notre création se heurte à un vertige de néant, au refus de croire vraiment au souffle de Dieu qui nous anime. Devant ce doute envers cet amour qui nous fait être, Dieu va faire en quelque sorte la démonstration de l’amour absolu : le Christ va se laisser anéantir pour que son humanité, sa chair et son sang, soient pour nous nourriture de vie éternelle
Quiconque vit chrétiennement arrive toujours au moment où cet appel lui est adressé à suivre le chemin de l’anéantissement, de la dépossession de lui-même, de ce qui paraît folie aux yeux du monde, intolérable au cœur, déraisonnable à l’esprit : perte d’un être cher, échec d’une entreprise, retournement de situation.
N’est ce pas justement ce qui nous effraie et nous tient en lisière de la vie chrétienne ? Voilà pourquoi nous voulons faire du christianisme, une éthique, une conception du monde, une certaine forme de spiritualisme. St Jean ne fait pas le récit de l’institution de l’eucharistie comme les autres évangélistes. Ce n’est sans doute pas sans raison. C’est bien parce que en rapportant le lavement des pieds il pose le fondement de ce qui nous fait tous prêtres, car nous le sommes tous, au titre de notre baptême. Nous l’oublions trop souvent. S’il y a des prêtres, c’est bien pour que nous comprenions que nous le sommes tous et que nous avons à entrer dans le même esprit d’offrande de nous-mêmes et d’action de grâces que celui de Jésus.
Seigneur donnez nous votre Esprit.
Vendredi Saint
En cet instant, nous ne pouvons que regarder Jésus en croix ; « Je n’ai voulu connaître parmi vous que Jésus Christ et Jésus crucifié », disait saint Paul, mais il ajoutait aux corinthiens :
« Si nous avons connu le Christ selon la chair, ce n’est plus ainsi que nous le connaissons maintenant »
2 Cor 1/16.
Connaître selon la chair, c’est en rester au sentiment, comme ceux qui n’aiment pas le vendredi saint parce que c’est triste ou à la douleur de voir un homme mourir cloué sur une croix. Elle est terrible cette souffrance . Qui peut rester insensible devant ce que nous venons d’entendre ? Elle se poursuit aujourd’hui dans le monde, dans les hôpitaux, les prisons, en Afghanistan, en Syrie... Mais nous ne pouvons pas en rester là.
Connaître selon l’Esprit, c’est déjà se souvenir des dernières paroles de Jésus en croix ; Il ne condamne personne. « Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Il ouvre la porte du ciel « Ce soir tu seras avec moi au Paradis ». Il ouvre le chemin de l’Eglise : « Voici ton fils, voici ta mère » Connaître Jésus selon l’Esprit c’est le voir comme ces artistes du Moyen Age qui, au tympan de St Clément de Rome ont figuré la croix avec à son pied des sources d’eau vive irriguant un jardin de fleurs et abreuvant des animaux. « Toi qui est vraiment saint, toi qui es la source de toute sainteté… » Ta croix Seigneur est source de toutes les bénédictions, la cause de toutes grâces.
Par elle les croyants tirent de leur faiblesse la force, du mépris la gloire, et de la mort la vie. C’est bien alors, en ces heures que du fond de l’abîme naît une création nouvelle, l’homme debout, tourné vers Dieu. Il y a ici un merveilleux échange entre nous qui n’avions pas en nous de quoi vivre et lui qui n’avait pas en lui de quoi mourir (S.Augustin)
Ce qui vient de nous, notre humanité et notre faute hélas, c’est par cela qu’il est mort. Ce qui vient de lui, sa divinité, sa miséricorde, c’est par cela que nous vivons. En ces heures de deuil, donne-nous Seigneur, de faire dans la foi le même chemin que ceux qui étaient là, au pied de la croix, ces femmes qui étaient là, le centurion, les disciples sur la route d’Emmaüs et de te reconnaître vivant, faisant route avec nous.
Vigile pascale
(Homélie à venir...)
Messe du jour de Pâques
La foi juive connaissait la résurrection des morts à la fin des temps, mais ce qui venait d’arriver était tout à fait inattendu. Une résurrection en plein milieu de ce temps c’était proprement incompréhensible. Jésus leur en avait parlé, mais ils n’avaient pas compris.On voit alors ces hommes et ces femmes affrontés à un double défi :
-croire en un messie crucifié. Personne n’y avait pensé. Le messie ne pouvait être que victorieux.
-croire ce messie vivant.Il fallait alors relire l’Écriture autrement, découvrir en elle ce qui restait caché et qui apparaissait alors en pleine lumière.
Croix et résurrection devaient aller de pair. Voir le Christ sur la croix, oui, ils l’avaient vu. Mais le voir au delà de la tombe, n’appartenant plus à notre monde et cependant bien présent, d’une présence toute nouvelle, capable de rompre le pain, de manger des poissons sur le bord du lac.
Quel mystérieux pouvoir se manifestait dans ces rencontres, et en même temps quelle fragilité, pour ces hommes qui aiment voir et toucher et s’en tenir à cela ! Alors se vérifie à nouveau ce que Jésus avait dit du Royaume de Dieu, gros comme un grain de sénevé, la plus petite de toutes les semences, mais porteur de la toute puissance de Dieu. Benoit XVI a écrit que « la résurrection, du point de vue de l’histoire du monde est peu voyante. C’est la semence la plus petite de l’histoire »
Qu’en est-il de nous, affrontés aux mêmes défis ?
Dans la tour de Jouarre, une grande statue du Christ se dresse pour bien signifier que la foi est enracinée dans cette terre de Brie depuis près de quinze siècles, mais nous savons qu’elle est loin d’être partagée par le plus grand nombre. A l'entrée de l'église vous avez vu l'un de ces bateaux par lesquels des moines venus d'Irlande, dont saint Colomban, remontant le cours de la Seine et de la Marne ont implanté l'évangile dans nos régions en fondant toute une série de monastères
Devant la force de l’événement, les doutes des premiers témoins sont tombés, et avec un courage absolument nouveau, ils se présentent au monde pour dire « le Christ est vraiment ressuscité » C’est à nous d’accueillir et de prolonger leur témoignage.
Prière universelle
Ce matin, l’Église , la bien-aimée du Christ est en fête.
Son Époux qui a donné sa vie pour elle est ressuscité d’entre les morts.
Entrons dans la fête et chantons alleluia.
R/ Alleluia , alleluia , alleluia !
Jésus nous a aimés jusqu’à en mourir, et il est sorti vivant du tombeau.
Prions pour l’Église chargée de proclamer la Bonne Nouvelle à toute la création.
Prions pour le Pape François, pour tous les pasteurs.
Qu’ils puisent sans cesse courage et force dans le Mystère Pascal.
N’oublions pas nos frères chrétiens qui vivent dans les pays où règnent
la guerre, la persécution, la famine.
Prions pour que la joie de la Résurrection parvienne à leur cœur
et les remplisse d’espérance.
Jésus a vaincu la mort. Il est au milieu de nous. Prions pour tous ceux qui dans
le monde s’efforcent de créer des liens de fraternité, de confiance, d’entraide
Pour que la vie jaillisse et que la joie se répande sur notre terre.
Jésus est vivant. Il nous offre sa vie. Il nous invite à sa table.
Réjouissons-nous et demandons les uns pour les autres la grâce d’une foi ardente,
vibrante, rayonnante qui nous donne des visages de ressuscités.
Que nos prières pleines de confiance montent vers Dieu notre Père
et qu’il les exauce par son Fils Jésus notre Seigneur. Amen