Le moment est venu pour Jésus de dire à ses disciples qu’il va vers sa Passion : solennité de l’annonce, qui sera répétée deux autres fois encore dans l’Evangile. Mais comment accepter que le Maître aimé ait à souffrir, qu’il soit tourné en dérision, humilié, crucifié, mis à mort, lui qui n’a fait que le Bien ?
Alors, Pierre, avec sa fougue coutumière, lui qui est toujours un peu notre porte-parole dans ce genre de situation, vif mais peu courageux !, Pierre proteste : il refuse cette annonce ; elle contredit trop sa sensibilité… et la nôtre. Et Jésus le remet en place sévèrement : « Arrière de moi Satan, car tes vues ne sont pas celles de Dieu ».
Si Jésus va à la mort, c’est parce qu’il y a quelque chose dans le cœur de l’homme qui résiste et résistera toujours à l’amour offert, mais cette résistance, cette violence, ne pourra jamais être surmontée que par l’esprit des Béatitudes, esprit de douceur et de paix ; la violence ne se guérit pas par la violence. Le disciple est appelé pareillement à suivre ce chemin, à se renoncer, à prendre sa croix, à perdre ou plutôt à donner sa vie, à l’abandonner. Car c’est d’un don libre qu’il s’agit, d’une offrande, d’un consentement et non d’une faiblesse.
Ce chemin, nous ne le maîtrisons pas ; nous ne savons jamais ce qu’il sera, par où il passera mais ce que nous savons, c’est qu’il sera accompagné par une Présence.
La première lecture, celle de Jérémie, disait déjà ce lien : « Tu m’as séduit, Seigneur, et je me suis laissé séduire. La Parole du Seigneur était comme un feu brûlant dans mon cœur, dans tous mes os, dans tout mon être », un feu qui ne s’éteint pas ; et le prophète ne pouvait pas ne pas continuer à parler.
Il n’était pas seul ; comme saint Paul, l’apôtre des nations, intime disciple du Seigneur, lui qui nous exhorte en ce jour : « Transformez-vous en renouvelant votre façon de penser », votre façon d’agir, votre façon d’aimer, pourrait-on ajouter.
Ces trois lectures nous disent en quelque sorte le chemin de la foi :
un attachement personnel au Christ ;
une existence transformée, toujours réorientée ;
un chemin d’offrande, avec des combats,
et la Passion en est un, mais un chemin de vie plénier.
Ce chemin du disciple vers Jérusalem est à inventer par chacun à la lumière de l’esprit de Jésus. Quelques mots peuvent aider à le tracer :
chercher chaque jour ce qui donne de la profondeur à ce que nous faisons, contre tant de superficialités disponibles ;
aller plus loin dans les manières de servir, de visiter, d’accueillir, de remercier ;
se laisser surprendre par les richesses encore inconnues à découvrir en soi-même et chez les autres.
Trop souvent, nous fixons des limites à nos engagements, et nous manquons de souffle pour faire le pas de plus, celui qui nous permettrait d’aller tellement plus loin. Par peur ou par paresse, on s’emprisonne soi-même dans ce qu’on croit être une condition personnelle définitive et on oublie que la vie n’est pas un destin à subir. La vie dans la foi, au contraire, se déploie longuement, largement ; elle s’affronte à la surprise ; elle cherche des passages, elle est faite d’ouvertures. Elle est forte, non de puissance et de pouvoir, mais de confiance.
La route vers Jérusalem n’est pas un terrain où Dieu aurait programmé des croix pour nous faire souffrir. Elle est une route audacieuse, pleine de promesse ; elle suppose le don de soi, jour après jour, de manière incessante, dans la rencontre de résistances de toutes parts, signes même de la croix du Christ. La vie chrétienne est audacieuse ; il y a de l’audace quand nous disons le Notre Père : « nous osons dire, nous avons l’audace de dire » : audace en effet, de se rassembler autour d’un Père qui fait de nous des enfants, des frères, des sœurs ; un Père qui nous donne la vie par le pain et qui toujours renouvelle la vie par le pardon.
Alors, ne craignons pas de suivre Jésus. Ayons l’audace de le suivre, lui qui va vers Jérusalem et sa Passion. Ce chemin est en même temps celui de la Résurrection.
Rendons grâces, en ce dimanche de suivre Celui qui déjà ressuscite nos vies.
(P. Henri Laux, en retraite à l'abbaye)
Prière universelle
Avec l’audace et la confiance de Jérémie, le prophète persécuté à cause de la parole, adressons notre prière au Christ, le Fils du Dieu vivant
I 70 Fils du Dieu vivant, exauce-nous !
Prions le Christ pour notre pape François et les pasteurs de son Eglise,
que le témoignage d’une simplicité évangélique suscite chez les chrétiens le désir d’une vie plus sobre
Prions pour les gouvernants, les diplomates et tous ceux qui sont engagés dans la politique,
qu’ils ne recherchent pas les honneurs mais s’efforcent de répondre aux aspirations des peuples, dans le respect des plus pauvres.
Prions pour les enseignants, en ce début d’année scolaire,
qu’ils sachent éveiller chez les jeunes le goût de la vie et du partage avec les plus défavorisés.
Prions pour nous tous ici rassemblés,
que nous nous laissions toucher par la Parole qui nous invite à suivre le Christ sur le chemin de Jérusalem
Nous t’en prions, ô Christ,
dans ta bonté, daigne écouter nos prières et les exaucer,
toi qui règnes dans les siècles des siècles