Un roi, c’est celui qui a le pouvoir de décision. Dans l’Antiquité, il avait à la fois le pouvoir législatif et exécutif. Parler de royauté divine signifie qu’il n’y a aucun pouvoir supérieur à celui de Dieu. Mais la bible nous montre le Créateur confiant l’univers à l’homme : « Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez la ». Dieu se dessaisit donc de son pouvoir en faveur de l’homme. Mais ce dernier va se trouver affronté à bien des forces qui le dépassent, à commencer par celles qui commandent les phénomènes naturels. Il faudra qu’il apprenne à les connaître, les désarmer, les utiliser. Nous sommes encore loin de compte !
Affirmer que Dieu est le roi de la création revient à dire que nous ne sommes quand même pas abandonnés par lui, mais qu’Il est là, à l’œuvre avec nous, même si nous n’avons pas fini de déchiffrer le mystère de sa Royauté.
A l’époque où l’on s’est mis à parler beaucoup du Christ Roi jusqu’à instituer une fête pour ce titre, en 1925, les intentions n’étaient sans doute pas complètement religieuses. C’était l’époque où l’on rejetait soit un pouvoir clérical qui voulait régenter trop de choses parce que l’on ne distinguait pas bien Dieu et César ou une laïcité étroite. Mais la royauté du Christ ne se limite pas à ce point de vue. Si cette fête vient au terme de l’année liturgique c’est bien pour en signifier toute la richesse religieuse.
Nous pouvons nous demander : sur qui et sur quoi le Christ règne-t-il ?
St Paul parle souvent du combat contre les « puissances, règnes, dominations, principautés », en relation avec les « esprits mauvais qui règnent dans les airs » (Eph 6/12) Ce langage inhabituel désigne surtout ce que nous nommons « l’air du temps », cet ensemble d’opinions, d‘idéologies, de préjugés ; de modes qui pèsent sur nos libertés. Ainsi le mythe de la liberté absolue, le « il est interdit d’interdire » en matière de sexualité, de profit, la soumission aux convoitises non critiquées. Le Christ prend le pouvoir sur ces « puissances des airs ». Ne sommes nous pas les premiers engagés dans ce combat ?
Une évidence : le règne du Christ porte en premier lieu sur ce qui nous aliène. Certes nous lui reconnaissons pouvoir sur nous, mais cela ne peut se faire que si nous le lui donnons dans une confiance absolue. C’est à la Croix que le Christ prend le pouvoir sur la méchanceté, la bêtise et la haine, le désir de dominer.
Pour l’instant, le Christ est là dans ce pauvre, ce malade, cette femme abandonnée, ce prisonnier. Il est là et pas ailleurs. Ce pouvoir ne s’impose pas, il est appel. Que Jésus ne veuille pas prendre le pouvoir sur nous, l’évangile ne cesse de nous le rappeler :
sa manière de se faire Seigneur est de se faire serviteur.
Ce faisant, il se met au dessus de tout désir de « seigneurie », de toute hantise de dominer. Il ne domine le paysage que du haut de la Croix. Alors il attire à lui tous les hommes, tout simplement parce qu’il nous aime jusqu’à nous donner sa vie. C’est alors qu’il peut recevoir le nom qui est au dessus de tout nom et que tous les hommes peuvent le déclarer Seigneur.
25.11.17