Homélie du P. Désiré
Dimanche dernier saint Paul appelait le chrétien à ne pas prendre pour modèle le monde présent, mais à se laisser transformer en renouvelant sa façon de penser pour savoir reconnaître « quelle est la volonté de Dieu ; ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait » (cf. Rm 12, 2). Aujourd’hui, Saint Paul, dans la deuxième lecture, vient préciser des obligations qui incombent à un bon chrétien. Entre autres, il ne doit avoir « de dette envers personne, sauf la dette de l’amour mutuel » (Rm 13, 8). En d’autres termes, selon ce que dit la Loi de Moïse que reprend Saint Paul, le chrétien doit être en règle avec tous pour cela : il « ne commettra pas d’adultère », « ne commettra pas de meurtre », « ne commettra pas de vol », « ne convoiteras rien » (Rm 23, 9). Toutefois, même quand le chrétien aura été en règle avec tous, il lui faudra aller encore plus loin à savoir : aimer son frère comme lui-même (cf. Rm 13, 9). C’est cela l’unique dette qu’il peut avoir : « la dette de l’amour mutuel » ; celle-là plaît à Dieu parce qu’elle est parfaite.
Frères et sœurs, chacun d’entre nous sait qu’aimer nos frères exige une conversion profonde sans laquelle la relation entre frères peut devenir chaotique. Jésus, en tant que bon berger qui se soucie de la cohésion de son troupeau, vient donc dans l’évangile de ce dimanche donner des consignes pour la vie paisible du troupeau. En autres consignes, il parle du soutien fraternel et de l’aide communautaire à mettre en place afin qu’aucun des frères « ne se perde ». Face à un frère ou une sœur qui s’égare ou avec qui on vit des moments difficiles, Jésus conseille de chercher à dialoguer directement avec lui ou elle de manière personnelle avant de recourir à un témoin, et éventuellement à la communauté si l’on constate un manque d’amélioration de sa part. Nous devons tout faire pour que le frère ou la sœur égarée puisse retrouver sa place dans la communauté tout en évitant d’aggraver ses blessures et la distanciation avec les autres membres de la communauté.
Nous avons-là, frères et sœurs, une démarche graduelle qui témoigne que nos problèmes relationnels se résolvent mieux et davantage avec un dialogue progressif qui prend en compte la nécessité absolue du respect que l’on doit à quiconque, et en particulier, à celui qui est dans une situation de faiblesse. De manière plus explicite, toutes les démarches pour renouer avec notre frère ou notre sœur, que ce soit par la rencontre individuelle, par l’appel à témoins, ou par le recours à la communauté, doivent être empreintes de délicatesse et de discrétion mais aussi et surtout d’amour. Malheureusement, souvent dans nos communautés chrétiennes, cet amour est des bouts des lèvres ; on s’affiche des sourires factices qui disparaissent sans laisser de traces aussitôt que la personne est sortie de notre vue. Or, là où il n’y pas d’amour, il manque de courage pour reprendre un frère ou une sœur qui « file un mauvais coton » comme on dit ; seul l’amour peut nous donner ce courage-là.
Frères et sœurs, le véritable amour est exigeant. Cette exigence peut nous conduire jusqu’à être le gardien nos frères parce, comme dirait Emmanuel Levinas, le visage de l’autre fait appel à ma sollicitude parce qu’il est semblable à moi. En ce sens, chacun de nous est responsable de son frère tout comme nous sommes aussi en droit d’espérer de lui la réciprocité, sans absolu. Voilà pourquoi, même quand mon frère m’aura refusé cette réciprocité, moi je suis responsable de lui. C’est cela que traduit le devoir de vigilance que Jésus confie à ses disciples et à tous les chrétiens en nous invitant à ne laisser aucun de nos frères s’égarer.
Néanmoins, il faut bien reconnaître que ce devoir de vigilance concerne d’abord et avant tout les pasteurs ; c’est-à-dire tous ceux et celles qui sont des responsables de nos communautés chrétiennes. En effet, c’est sur eux que repose la responsabilité de paître le troupeau et de veiller sur chacune des brebis qui leur sont confiées. Le devoir de vigilance est également mutuel entre les membres du même troupeau ; car, ce ne sont pas seulement les bergers qui ont la responsabilité de la bonne santé et de la bonne marche du troupeau : les brebis aussi sont responsables les unes des autres. Elles doivent agir et paître en rang serré sous peine d’être exposées au loup qui erre à la recherche de la brebis isolée. Bien plus, les brebis qui n’écoutent pas la voix du pasteur ne sauront se diriger vers le bon pâturage : leur responsabilité individuelle est donc d’écouter et de suivre la voix du pasteur.
Comme vous le voyez, oui, ma sœur, mon frère, tu es le gardien de l’autre ici à l’église, en communauté, tout comme à la maison, au travail, ou en te promenant. Il ne s’agit pas d’aller fouiner dans ses affaires, au point qu’il se sente harponner par notre présence. Il s’agit plutôt de toujours travailler de façon à permettre au frère ou à la sœur égarée de reprendre pied dans la vie et de renouer avec le sens de son existence.
Comme le prophète Ezéchiel qui a reçu la mission d’être « guetteur pour la maison d’Israël » (Ez 33, 7) en transmettant à ses frères exilés les avertissements de Dieu et les appels à leur conversion, à l’image du Christ, veillons les uns sur les autres, ayons le courage dans cette société où il est interdit d’interdire, de rappeler à l’ordre celui qui fait fausse route, le cas échéant. Prions pour que le Dieu de justice, de paix et d’amour, nous donne de comprendre que vouloir le bien de l’autre, c’est, s’il le faut, être capable de le réprimander à bon escient ; en d’autres termes, lui faire une correction fraternelle car la critique positive par amour, fait grandir. Amen.
Prière universelle
« Si deux d'entre vous se mettent d'accord
pour demander quelque chose, ils l'obtiendront. »
Confiants dans la parole de Jésus, prions pour tous les hommes.
Pour tous ceux qui commencent une nouvelle année :
les équipes pastorales, les chrétiens engagés dans diverses activités paroissiales…
afin qu’ils annoncent à tous la joie de l’Évangile.
Ensemble prions :
R/ : Jésus Sauveur, exauce-nous ! (I 56)
Pour tous ceux qui ont des responsabilités politiques, économiques, sociales
afin qu’ils entendent la souffrance de tant d’hommes et de femmes, victimes des guerres, de la famine…
Ensemble prions :
Pour les jeunes et les enseignants, ceux qui viennent de reprendre le travail après les vacances
afin que tous aient à cœur de construire autour d’eux des relations d’accueil et de fraternité.
Ensemble prions :
Pour notre assemblée et pour tous ceux avec qui nous vivons
afin que nous soyons dans l’Église un signe du pardon et de l’amour du Seigneur pour tout homme.
Ensemble prions :
Jésus Sauveur,
Toi qui te tiens au milieu de nous
qui sommes rassemblés en ton nom :
entends notre prière et exauce-la,
toi qui vis et règnes pour les siècles des siècles.
AMEN !