Homélie
Prière universelle
 Homélie du P. Désiré

Frères et sœurs, aujourd’hui, la question que les pharisiens posent à Jésus est extrêmement compromettante et formulée avec la pire intention. « En ce temps-là, les pharisiens allèrent tenir conseil pour prendre Jésus au piège en le faisant parler » (Mt. 22, 15). Avons-nous bien saisi ce qui se trame ? Ces gens-là cherchaient le moyen de compromettre Jésus dans ses paroles, afin de trouver une raison pour l'accuser. Pour atteindre leur funeste volonté, tels des griots, ils lui font entendre d’abord du plaisant : « Maître, lui disent-ils, nous le savons : tu es toujours vrai et tu enseignes le chemin de Dieu en vérité ; tu ne te laisses influencer par personne, car ce n’est pas selon l’apparence que tu considères les gens » (Mt 22, 16) ; puis vient la question piège : « Alors, donne-nous ton avis : Est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à César, l’empereur ? » (Mt 22, 17).

Frères et sœurs, les palais sont remplis de ces courtisans qui ne manquent pas de trahir ou de tuer le roi à la moindre occasion ; nos familles, nos communautés et organisations sont remplies de ces personnages qui chantent et vantent des mérites de ceux qui nous gouvernent mais c’est toujours à leur profit. Ils avancent toujours avec un ton faussement respectueux qui cache habilement leurs sordides intentions. Souvenez-vous de la fable de la fontaine : « Le corbeau et le renard ». Méfiez-vous donc des flagorneurs… Ils vivent au dépend de celui qui les écoute. Ici, en lieu et place d’une question : « Est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à César, l’empereur ? », ces pharisiens tendent à Jésus un piège qu’il ne pourrait logiquement pas éviter.

Pour bien comprendre ce piège, il faut se souvenir que Jésus est en route pour Jérusalem.

Chemin faisant, il étonne et dérange par ses prédications et miracles. Il bouscule l’ordre et les coutumes régnantes par son enseignement d’autorité. Pour ces raisons, ceux qui étaient arc-boutés sur leurs us et coutumes et voyaient leurs prébendes s’effriter cherchaient à l’éliminer (cf. Jn 5, 18 ; 11, 1-53) mais, il leur fallait trouver une bonne raison car Jésus était aimé et suivi par le peuple. Donc, à la question des pharisiens, s’il dit « non », alors il sera taxé de révolutionnaire ou de résistant qui incite ses compatriotes à refuser l’impôt prélevé au profit de l’occupant romain ; on pouvait donc le dénoncer aux autorités pour qu’on l’arrête comme le souhaitaient les grands prêtres et les pharisiens (Jn 11, 57). S’il dit « oui », c’est qu’il n’est pas ami du peuple car, il conseille de payer l’impôt et on pourra le discréditer aux yeux de ce peuple comme collaborateur ; d’ailleurs, n’avait-il pas de mauvaises fréquentations avec des collecteurs d’impôts comme Zachée. Dès lors, il ne doit pas être considéré comme le Messie ; parce que le Messie attendu doit sonner la révolte contre l’occupant romain et régner sur le trône de Jérusalem ; or lui, il mange avec cet occupant. Jésus, avant de donner sa réponse, procède à une vérification en demandant à ses interlocuteurs de qui sont l’effigie et l’inscription représentées sur la pièce de monnaie qu'ils utilisent chaque jour. Ils lui répondirent : « de César. » C’est alors que Jésus va leur donner une réponse qui échappe à la logique partisane : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mt 22, 21).

Frères et sœurs, tout au long de l'histoire, on a déduit de ce passage qu’il pose la limitation entre le religieux et le politique. Il s’est même dit qu’il importe que chacun reste dans son domaine ; en d’autres termes que l'Église, particulièrement, devrait s’en tenir au domaine religieux pur à savoir : au culte liturgique. À Dieu ce qui appartient à Dieu et au pouvoir politique tout le reste. Mais la réponse de Jésus n’était point de poser cette limitation-là. Sa réponse est complètement inattendue et surprend ses interlocuteurs car dans leur hypocrisie, ils sont venus pour lui tendre un piège ; et ils étaient sûrs que Jésus allait y tomber. Or, pour Jésus, César et Dieu ne sont pas deux autorités de même rang au point qu’ils doivent partager le pouvoir qu’ils ont sur les hommes. Dieu est au-dessus de tout même de César ; ce dernier ne saurait donc jamais exiger une quelconque portion de ce qui appartient à Dieu : l’homme.

En effet, l’effigie et l’inscription sur la monnaie de l’impôt appartiennent à César, mais les hommes, y compris César lui-même, n’appartiennent qu’à Dieu. Voilà pourquoi, comme le souligne St. Matthieu, Jésus « connaissant leur la perversité » (Mt 22, 18) leur répondit : « rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mt 22, 21) ; c'est-à-dire, remettez à César ce qui lui appartient et qui porte son effigie, mais vous, vous appartenez à Dieu parce que, selon le livre de la Genèse, vous êtes créés à son Image et à sa ressemblance (cf. Gn 1, 27). Plus précisément, l’homme vient de Dieu et à Lui seul, il doit rendre un culte.

Venir de Dieu ou avoir été créé à son image nous oblige à nous réaliser comme des personnes responsables et solidaires. Cela veut dire que nous sommes appelés à accomplir pleinement le plan que Dieu a voulu réaliser en nous en tant qu'individus et en tant qu'humanité parce que, selon que le dit St. Paul dans sa Lettre aux Ephésiens, Il « nous a choisis, dans le Christ avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints, immaculés devant lui, dans l’amour » (Ep 1, 4). Conscient de cela, le chrétien ne saura donc séparer sa vie humaine de sa vie de foi. Il doit remettre ce qui ne lui appartient pas dans le domaine de César, et dans celui de Dieu, il doit être intégralement juste ; c’est cela être cohérent avec soi-même et avec ses valeurs internes. Par conséquent, le message de Jésus ce dimanche nous appelle à ne pas rester indifférent, encore moins neutre lorsqu’il s’agit de politique ; mais la politique non plus ne peut pas être neutre lorsqu’il s’agit de Dieu. Dès lors, tout homme doit vivre pleinement sa vie en tant qu'homme, je veux dire en tant qu’être humain, dans le contexte social dans lequel il se trouve, en essayant d'œuvrer au progrès et au bien-être de tous et de chacun.

Le message de Dieu, frères et sœurs, ne nie pas les autres réalités humaines, leurs valeurs sont reconnues voire réclamées ; mais, elles ne constituent jamais un absolu : la famille, la vie elle-même et bien sûr le pouvoir ne peuvent occuper le premier plan sur l'échelle des valeurs. Pour le croyant, il y a quelque chose qui vient infailliblement de Dieu et qui, par conséquent, lui appartient exclusivement. Et ce qui vient incontestablement de Dieu, selon la foi, c'est la dignité de l'homme et ses droits. Cependant, nous devons défendre la dignité humaine et promouvoir les droits de l’homme dans la ligne évangélique. Ainsi, s’il existe des situations dans la vie dans lesquelles ces valeurs peuvent entrer en tension et en conflit avec Dieu et son Royaume, alors nous devons être prêts à les sacrifier.

Frères et sœurs, le message de Jésus aujourd'hui nous présente une leçon de liberté. César n’est que César ; par conséquent, « rendez à César ce qui est à César », y compris en payant ses impôts avec espoir qu’ils soient utilisés pour l’intérêt commun. Contrairement donc à la pensée perverse des pharisiens qui cherchaient à piéger Jésus, payer les impôts à César, n’a rien à voir avec une collaboration servile ; au contraire, c’est accepter une situation de fait ; parce que « les Césars » actuels sont détenteurs du pouvoir. C'est une vérité factuelle, une pure vérité. Mais leurs règnes sont éphémères et le royaume de Dieu est d’un tout autre ordre. De plus, tout pouvoir est limité par la souveraineté de Dieu, qui seul a la capacité de donner et de reprendre la vie (cf. Mt 10, 28). Remettre à Dieu ce qui est à Dieu implique alors pour le chrétien la fidélité aux devoirs sociaux et politiques, mais dans la ligne, l'esprit et les exigences de l'Évangile, car tout dépend de Dieu. N’est-ce pas déjà cela que voulait exprimer le prophète Isaïe dans le texte que nous avons entendu de la première lecture : « pour que l’on sache, de l’orient à l’occident, qu’il n’y a rien en dehors de moi. Je suis le Seigneur, il n’en est pas d’autre » (Is 45, 6).

Que le Seigneur, nous donne à tous la grâce de reconnaître qu'il est vrai et qu'il enseigne la voie de vérité ; qu'il nous accorde la force de ne point nous laisser influencer par personne mais de considérer ceux que nous rencontrons non pas en fonction de leur apparence mais de leur dignité d’être humain et défendons cette dignité. Amen.             Désiré Ayina, sj.

Prière universelle 

En ce dimanche où s’achève la semaine missionnaire mondiale,
faisons monter notre prière vers Dieu
qui est notre Père et le Dieu de l’Univers

Pour le pape François, les pasteurs, les religieux
et tous les laïcs réunis en synode à Rome :
que leur réflexion et leur prière leur donne d’éclairer le chemin,
partout où l’homme a soif de Dieu.

R/ 48 : Mets en nous Seigneur un esprit nouveau !

Pour tous ceux et celles qui nous gouvernent en ces temps incertains :
que l’Esprit de sagesse et de Paix les guide dans leurs choix politiques.

Pour les femmes, les enfants, les vieillards des pays en guerre,
notamment au Moyen-Orient et en Ukraine :
que des chemins fraternels de solidarité internationale s’ouvrent pour tous.

Pour nous tous ici rassemblés ce matin :
que notre cœur soit ouvert à l’urgence de la Mission
pour témoigner de l’Évangile là où nous vivons.

Père très bon,
accueille notre prière en ce jour
et daigne l’exaucer,
par Jésus Christ notre Seigneur,
Amen

Abbaye
Notre Dame de
Jouarre