Homélie
Prière universelle
Homélie du P. Grégoire Catta 

En ce deuxième dimanche de Carême, nous voici entrainés avec Pierre, Jacques et Jean, à la suite de Jésus sur la montagne. Et nous pouvons contempler. Ce Jésus que les disciples ont appris un peu à connaître, avec qui ils marchent sur les routes de Palestine, qu’ils aiment écouter les instruire et voir guérir les malades et libérer des esprits mauvais, ce Jésus, qui est un homme comme eux, avec qui ils mangent et ils boivent, qui était venu se faire baptiser dans le Jourdain par Jean, ce Jésus, il est aujourd’hui « transfiguré » ! Il apparait rayonnant, avec des attributs divins ! Il apparait en compagnie de grands prophètes, en compagnie de ceux qui, dans l’histoire d’Israël, ont été des messagers privilégiés de Dieu qui fait alliance avec son peuple. Et une voix se fait entendre, comme au jour du baptême : « celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ! ». Pour les trois disciples comme pour nous, il y a bien là une révélation. Mais pour nous comme pour les trois disciples, c’est tout de même bien mystérieux ! On voit Pierre embarrassé et qui, du coup, propose de dresser des tentes, comme pour retenir ce qu’il voit, le garder à sa main… À la fin du passage, les disciples sont dubitatifs : « que veut dire ressusciter d’entre les morts » ? Et pour nous, reconnaissons-le, il en est un peu de même ! malgré tout le catéchisme que nous avons fait, toutes les homélies que nous avons entendues, toute la théologie que nous avons étudiée, sommes-nous si sûrs de savoir ce que veut dire « ressusciter d’entre les morts » ? sommes-nous si sûr de percevoir la révélation qui nous est faite dans ce récit de la transfiguration ? « Celui-ci est mon Fils bien aimé, écoutez-le ! »

C’est le temps du Carême. Et précisément, il nous est donné 40 jours pour nous préparer à célébrer le mystère de Pâques, le mystère de la mort et de la résurrection de Jésus qui nous entraine à notre tour dans la vie en plénitude. Alors nous pouvons en profiter pour plonger davantage dans ce mystère qui nous est manifesté d’un seul coup sur la montagne avec les trois disciples mais qui prendra tout son sens avec ce que nous célébrerons à Pâques. Parler de mystère ici ce n’est pas entrer dans un monde où on chercherait à nous cacher des choses, un monde où il faudrait faire des enquêtes pour retirer peu à peu le voile sur des réalités obscures, un monde où certains en sauraient plus que d’autres… Non. Quand on parle de mystère ici, c’est pour dire que nous n’aurons jamais épuisé toute la révélation que Dieu veut nous faire de Lui-même, Lui qui est Amour. La révélation est mystère parce que plus nous l’appréhendons, plus nous en percevons des aspects, plus il y en a à découvrir ! Et comme cette découverte nous nourrit et nous fait vivre, c’est vraiment une bonne nouvelle que ce soit inépuisable ! Nous n’aurons jamais fini de comprendre et de nous laisser transformer par cette révélation : « Celui-ci est mon Fils bien aimé. Écoutez-le ». Entendre aujourd’hui le récit de la Transfiguration et le laisser faire son chemin en nous tout au long du Carême jusqu’à Pâques, c’est un beau cadeau. Car nous avons bien besoin de ces quelques semaines – et plus encore – pour accueillir que, par notre baptême, nous devenons fils et filles de Dieu, à la suite de Jésus, dans sa mort et sa résurrection.

L’histoire d’Abraham et d’Isaac que nous avons entendu dans la première lecture est aussi un témoin du chemin à faire pour accueillir de manière juste la révélation de l’amour de Dieu qui fait de nous ses enfants adoptifs. Même si nous la connaissons, cette histoire peut continuer de nous apparaître terrible. Un Dieu qui demande à un homme de sacrifier son enfant ? Mais quel est donc ce Dieu ? et si Dieu avait simplement en tête de mettre Abraham à l’épreuve, en sachant bien qu’à la fin il l’arrêterait, on affaire à un Dieu « pervers » ! Pas possible ! Il nous faut donc creuser davantage, interpréter… En reconnaissant que ces images problématiques de Dieu trainent tout de même encore quelque part dans nos têtes et qu’il y a bien des purifications à opérer. Et ce n’est pas le moindre des bénéfices de la méditation de ce passage de la Genèse que de nous obliger constamment à nous interroger sur notre image de Dieu !

Prenons un autre chemin de lecture. Une lecture avec les yeux de la foi – comme y invite une exégète que je relisais en préparant cette homélie. D’abord au moment où ce texte est écrit, environ 700 ans avant Jésus-Christ, tout le monde a bien en tête qu’Isaac n’a pas été sacrifié. Dans les histoires qu’on se raconte de génération en génération depuis des siècles en Israël, on parle d’Abraham, d’Isaac et de Jacob comme des ancêtres de tout le peuple. Le récit de la Genèse n’est donc pas une histoire à suspense pour celles et ceux qui l’écoutent.  On sait bien aussi, et depuis longtemps, que Dieu refuse absolument les sacrifices humains. Il est le Dieu de la vie. Mais cette interdiction n’est peut-être pas si simple à respecter pour les israélites alors que beaucoup de peuples environnants, eux pratiquent les sacrifices humains. Il y a une conversion du regard sur Dieu à opérer et elle est toujours à reprendre. Qui est Dieu ? Qu’est-ce que Dieu demande ? Le récit montre le changement de regard qu’Abraham porte sur Dieu : « Quel regard as-tu sur moi, Abraham, quand je te demande un sacrifice ? Imagines-tu un Dieu qui veut la mort de ton enfant ? Eh bien, tu te trompes ! Pourtant, j’ai tout fait pour te rappeler que je n’ai pas oublié ma Promesse de te donner une descendance, par ce fils, précisément[1]. » Dans le récit, Dieu ne cesse de rappeler sa promesse. Une promesse de vie, une promesse de descendance. On peut alors entendre l’appel fait à Abraham de « donner son fils » comme un appel à la vie et non pas à faire couler le sang. Et c’est ce qui est dit de nouveau à la fin du passage : « parce que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique, je te comblerai de bénédictions, je rendrai ta descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable au bord de la mer ».

Le don du fils pour la vie fait écho pour nous à la figure de Jésus. Ce Fils que Dieu nous a donné et qui a donné sa vie jusqu’au bout. « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Ecoutez-le ! ». Dans ce temps de carême, poursuivons notre chemin vers Pâques en nous laissant convertir de nos images mal ajustées de Dieu et en accueillant la Révélation que Dieu nous fait : oui Jésus est le Fils bien aimé ! Oui à sa suite nous sommes nous aussi les fils et les filles bien aimés de Dieu. Écoutons-le !

Homélie du P. Henri Imbert (en cadeau ;-) !!)

192. Si je vous dis 192, cela vous évoque quoi ?

Mais non, pas un excès de vitesse que j’aurai commis et pour lequel j’aurai été sanctionné. 192 : c’est le nombre de candidats adultes du diocèse qui ont été présentés à l’évêque en ce samedi 17 février et qui seront baptisés durant la nuit de Pâques 2024. 192 ; pour tout le diocèse ! C’est beaucoup ! C’est donc que le Christ, vers la lumière sur son visage, peut encore attirer ! Durant l’appel décisif, il est un geste important qui est réalisé : est remis à chacun, par sa marraine ou son parrain, une écharpe violette : signe d’un désir de conversion durant ces 40 jours de préparation à la veillée pascale et leur baptême. Et au terme de ces 40 jours, il y aura un signe, le même, mais comme pour signifier un passage, la remise du vêtement blanc, par une écharpe placée sur le cou du baptisé. Le carême : du violet au blanc.

3 de ces adultes seront baptisés à Lizy. 3, qu’avec une équipe nous accompagnons depuis plusieurs mois. Ils sont candidats au baptême. Candidat: un mot important dans la préparation des adultes au baptême. Peut être le savez-vous déjà, mais « candidat » vient d’un mot latin « candidatus » qui signifie « vêtu de blanc », dérivé de « candidus » qui signifie « blanc, éclatant ». Quelqu’un qui est candide, n’est-il pas quelqu’un reconnu comme innocent ? Aujourd’hui ce mot a perdu son sens premier : hier, les postulants aux fonctions publiques, à Rome, étaient revêtus de la « toga candida » pour solliciter les suffrages. Ce titre s’est élargi, mais il reste le terme par lequel, aujourd’hui encore, sont désignés les catéchumènes en marche vers le baptême.

Dans les vitraux, dans la peinture, c’est surtout à partir du 16ème siècle qu’au niveau religieux le blanc trouve une signification particulière : Dieu devient un vieillard, car la source d’inspiration s’origine dans le livre biblique de Daniel, écrit certainement 150 ans avant Jésus Christ et qui relate une vision du prophète, la vision du fils de l’Homme. L’auteur contemple des trônes, « un Ancien s’y assoit, son vêtement blanc comme la neige, les cheveux de sa tête purs comme la laine ». Et c’est ainsi que Dieu est devenu, dans l’iconographie, un vieillard à barbe blanche. Couleur de la sagesse et de la vieillesse, les cheveux blancs portent cette signification, le blanc réussissant à être à la fois la couleur de l’enfance et de la vieillesse. Le blanc, signe de la propreté et de la lumière ! Regardez les pubs !

Ce n’est pas un scoop : nombre de parents demandent aujourd’hui le baptême de leur enfant, parents qu’ils sont,  bien que, pour un grand nombre, pas mariés. C’est un fait. Mais il me semble qu’il est important d’être attentif au vêtement dont, dans ces circonstances, l’enfant est revêtu, surtout si c’est une fille, surtout si cette enfant est baptisé en bas âge. Robe blanche de baptême, ample, splendide, lumineuse. Bien sûr, c’est une robe de baptême, mais n’est-ce pas aussi, pour la maman, le désir de faire porter le vêtement dont elle rêve pour elle-même par l’enfant interposé. Dans une discussion privée, rapide, au cœur même du temps des signatures après le baptême, j’entends encore le papa me dire, sa compagne étant présente « j’ai compris le message ».

Et qu’elle n’a pas été un jour ma surprise d’entendre une jeune femme que je ne connaissais pas : il n’y avait pas 5 minutes que nous étions ensemble avec son conjoint, en vue de préparer leur mariage, voici qu’elle me dit : « est-ce que j’ai le droit de me marier en blanc ? ». Chez moi, une telle question m’invite à la prudence, car derrière cette question, je pense, se cache une autre question, plus profonde, au-delà d’un « oui » ou d’un « non ». Qui suis-je pour priver une jeune femme de ce dont elle rêve ? Mais la question derrière était que son père ne voulait pas de la robe blanche pour sa fille car elle vivait déjà en couple et qu’ensemble ils étaient parents. « Dites à votre papa que c’est au nom du baptême qu’il a voulu pour vous, que vous voulez porter cette robe blanche et vous présenter devant Dieu, ce jour où vous faites alliance » lui ai-je répondu. Ai-je répondu juste ? Cette couleur blanche, signe de la pureté, de la chasteté, de la virginité, mais couleur portée par les mariées seulement depuis le 19ème siècle, deux cents ans ! C’est court comme tradition !

Une tradition pas si longue, bien moins longue que le vêtement du baptême, qui, lui, tout de suite, a été porté dès les tous premiers temps de l’Eglise : après s’être dévêtu, et être entré dans la piscine baptismale, après la profession de foi, le « rené » remontait de l’eau et revêtait le vêtement blanc, en cette nuit de Pâques jusqu’au dimanche suivant, qu’on appelle  encore aujourd’hui le « dimanche in albis », en blanc.

« Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille ». Ce blanc devient ici, dans cette transfiguration, la manifestation de la réalité mystérieuse du Christ : éblouissement pour l’homme, voire terrifiante, au point que les témoins terrestres, Pierre, Jacques et Jean, en sont saisis de frayeur. Expérience unique dans l’évangile que celle de contempler la double appartenance du Fils de Dieu fait Homme. Par cette lumière et cette blancheur, il nous est dit son appartenance au monde de Dieu ; par son commandement, ce Jésus ordonne aux 3 qui chemine avec lui qu’il ne faut à personne dire ce qu’ils viennent de contempler, tant qu’il ne sera pas ressuscité d’entre les morts. Ce sera là l’œuvre de Dieu, son Père, pour Celui qui aura eu pour seule passion d’annoncer que le Royaume de Dieu s’est approché, c’est là le cœur de la Bonne Nouvelle, et que les signes qu’il aura accomplis sont autant de manifestations de la vérité de sa Parole.

Cette Bonne Nouvelle, dans l’évangile de Marc, c’est un jeune homme vêtu de blanc qui l’annoncera aux femmes venues vers un mort pour les rites d’embaumement : « vous cherchez Jésus de Nazareth, le crucifié ? Il est ressuscité, il n’est pas ici ». L’évangile de la nuit de Pâques.

N’est-ce pas là le message que quiconque, depuis son baptême, porteur du vêtement blanc, se doit d’annoncer, de vivre, de témoigner ? Et si, d’ici Pâques, j’essayais d’entrer dans le vêtement blanc de mon baptême ?

Prière universelle

Toi qui ne restes pas sourd à nos appels,
entends ceux que nous t’adressons maintenant.

« Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ».
Soutiens ton Église pour qu’elle se mette toujours plus à l’écoute de ton Fils
en servant les hommes ses frères.

R/ I 38 Écoute, Seigneur, et prends pitié.

« Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? »
Soutiens ceux qui défaillent sur le chemin
pour qu’ils se remettent en route d’un pas rassuré.
Ne les abandonne pas dans la maladie, ou l’épreuve, sur le chemin de la conversion.

« Il en coûte au Seigneur de voir mourir les siens ».
Soutiens les scientifiques qui se mettent au service
de tout ce qui est bon dans la personne humaine et qui,
par leurs découvertes, chercher à soulager leurs frères humains.

« Il fut transfiguré devant eux. »
Soutiens notre assemblée dominicale pour que la contemplation de ton visage
la renvoie sans cesse vers les petits et les pauvres qu’elle est appelée à servir.

Seigneur Toi qui as comblé Abraham de bénédictions,
bénis ceux qui se tournent vers Toi et donne-leur ton amour,
toi qui vis et règnes pour les siècles des siècles.

Abbaye
Notre Dame de
Jouarre