Homélie du P. Benoit Ferré, sj
Nous voici donc au terme du temps Pascal. Sept semaines ne sont pas de trop pour accueillir l’incroyable Bonne Nouvelle de la Résurrection, de la victoire définitive qui nous est assurée, en Christ, sur la mort et le péché. Ici à Jouarre, les Alleluia ont résonné, pour laisser éclater cette joie. Et la Pentecôte vient couronner ce temps. L’Esprit, promis par Jésus, descend sur l’humanité.
Qu’est-ce que Jésus promet exactement ? Il insiste, par trois fois il annonce, il répète : l’Esprit va nous faire connaître ce qui vient de lui. On se dit « chic on va enfin savoir ». Jésus n’avait pas menti, ça arrive bel et bien dans le récit des Actes des Apôtres qu’on a entendu. L’Esprit descend, il y a ce bruit, ce vent, ces langues de feu, et puis il est donné à chacun « d’entendre dans son propre dialecte ceux qui parlaient ». La promesse s’accomplit : finalement, c’est en donnant aux hommes de langues, de cultures différentes, de se comprendre, que l’Esprit fait connaître ce qui vient de Jésus. Il faut reconnaître que l’Esprit, là, ne fait pas savoir grand-chose. Il fait connaître de l’intérieur, dans le corps, qui est Temple de l’Esprit, ce que ça fait de laisser Jésus venir : ça rend capable de se comprendre entre humains, au-delà de tout ce qui est censé nous séparer.
Très souvent nous avons envie de savoir qui est Dieu, ce qu’il attend de nous. Nous voulons qu’il nous le fasse savoir. La fête de la Pentecôte nous annonce, désolé, que ça ne passe pas comme ça. L’Esprit ne cherche pas à nous faire savoir quoi que ce soit, mais à nous faire connaître de l’intérieur ce qui vient de Dieu. La différence entre savoir et connaître est une vieille histoire dans la Bible. Ca commence au jardin d’Eden. Eve, puis Adam, ont voulu savoir ce qu’était le bien et le mal plutôt que d’apprendre à connaître leur Créateur pour entrer dans sa vie. La grande différence c’est que du coup ce n’est pas Dieu qui les y conduit, qui leur fait connaître de l’intérieur ce que le bien veut dire. Or le bien, on le sait, ça ne s’apprend pas à coup de règles à appliquer. Ca se pratique, on peut se faire piéger par les bonnes intentions. Dieu, lui, conduit de l’intérieur à découvrir le vrai bien. A l’inverse, Celui qui sait n’a plus besoin de personne, et surtout plus besoin de Dieu. Il met en échec le projet de Dieu, qui veut se faire connaître de nous de l’intérieur. La fête de la Pentecôte nous le rappelle. Par l’Esprit, Dieu veut se faire connaître à nous de l’intérieur.
St Paul, lui, a une autre manière de nous parler de l’Esprit. On sait qu’il s’est battu pour remettre la Loi a sa place. La Loi est bonne : sur le chemin où Dieu cherche à se faire connaître de l’intérieur, la Loi nous offre des balises souvent extérieures pour nous aider à ne pas se perdre. Mais quand on fait de la Loi une fin en soi, quand on s’en sert pour se gonfler d’orgueil, ou pour jeter des pierres sur les autres, ou pour en jeter sur soi-même, on est à côté de la plaque. Paul s’est fait avoir lui-même. Le risque, c’est de prétendre savoir ce que Dieu attend de nous avec la Loi, sans plus avoir besoin de Dieu, sans plus avoir besoin de laisser Dieu nous faire connaître de l’intérieur ce que c’est que faire route fidèlement avec Lui. C’est le comble : la Loi risque de nous couper de cette relation vivante avec Lui, si nous croyons qu’avec la Loi nous savons ce qu’on doit faire.
C’est pour ça que St Paul, on l’a entendu, remet l’accent sur l’Esprit. Il décrit le fruit de l’Esprit, en 9 termes : « amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi ». Il n’y a rien à savoir mais il est possible de repérer comment Dieu se fait connaître de l’intérieur. Il fait grandir en nous ces belles dispositions, qui nous ajustent à Lui et aux autres. S’il les fait grandir, ça veut dire que ça n’est pas gagné d’emblée. Nous sommes faits pour l’amour, la joie, la paix. Mais il y a tout le reste, que St Paul décrit (rivalités, jalousie, envie, cupidité…). Il y a des ratés dans nos vies, des blessures, du péché, qui nous détournent de la paix, qui nous retiennent d’aimer. Si l’Esprit vient pour nous transformer peu à peu, pour faire porter ce fruit d’amour, de paix, de joie, ça veut dire que ces ratés ne sont pas une fatalité. Dieu prend soin de nous. Et non seulement ce n’est pas une fatalité, mais en plus c’est l’occasion pour Dieu de se faire connaître de l’intérieur. De nous faire goûter à ce qu’Il est lui-même : amour, paix, joie. Il se fait connaître en ouvrant, au-milieu de nos prisons, des passages où il nous fait communier à ce qu’Il est lui-même. Au fond, Il se fait connaître intérieurement pour qu’on puisse le re-connaître, pour nous attirer à Lui, pour que ça donne envie de le suivre. Voilà ce que nous fêtons à la Pentecôte ! Pour chacun ce goût de Dieu qui se fait connaître et reconnaître est différent – il a le goût unique de la relation que Dieu veut avoir avec chacun de nous, avec chacun de ses enfants, unique à ses yeux. Paul nous aide à repérer où il faut chercher ce goût : du côté de la patience, la paix, qui nous sont données.
Une surprise, dans les textes de la liturgie : ils ne parlent pas beaucoup de l’envoi en mission. Pourtant c’est bien cela, le feu de l’Esprit Saint aussi : ce qui nous envoie vers les autres. Et bien même si rien n’en est dit dans ces textes, en fait tout est dit. Nous n’avons pas à nous présenter aux autres comme ceux qui savent, surtout pas. La position de surplomb n’est jamais très évangélique.Il nous est donnés, à nous chrétiens, de vivre dans la confiance et l’espérance, non pas parce que nous savons quoi que ce soit, mais parce que nous connaissons Dieu, parce que Dieu s’est fait connaître de l’intérieur. Et c’est ça qui nous fait désirer que d’autres puissent aussi le connaître de l’intérieur. Notre mission, du coup, c’est, par nos paroles et nos actes, de faire que Dieu soit connu comme il s’est fait connaître à nous. A quoi nous pousse l’Esprit pour la mission ? D’abord, à offrir aux autres le fruit de l’Esprit que Dieu fait grandir en nous (patience, bonté, amour…) ; ensuite à aider les autres à repérer les passages qui s’ouvrent dans leur vie, là où ce même fruit de l’Esprit est en train de naître, de grandir, pour lui faire toujours plus de place ; et c’est de cette manière que nous permettrons aux autres de reconnaître Dieu qui se fait connaître à eux.
La voilà la joie immense de la Pentecôte. L’Esprit est à l’œuvre. Dieu se fait connaître. Exultons de sa joie et vivons de sa paix, offrons-les sans compter, pour que Dieu se fasse reconnaître.
Prière universelle
Avec l’Esprit qui prie en nous « Abba, Père ! »
tournons-nous vers Dieu
et confions-Lui ce monde qu’il aime tant….
Pour l’Église, qu’en s’ouvrant largement au souffle de l’Esprit,
elle ne cesse de proclamer les merveilles de Dieu
et ouvre des chemins toujours nouveaux et audacieux
pour se faire proche de toute personne,
Prions Dieu de continuer son œuvre d’Amour !
R/ : I 64 Ô Seigneur envoie ton Esprit qui renouvelle la face de la terre !
Pour l’Ukraine, la Palestine, le Burkina Faso, le Soudan,
le Yemen, la Birmanie, le Nigeria, la Syrie
et tous ces lieux de notre terre où la guerre et la violence tuent et détruisent
qu’en s’ouvrant largement au souffle de l’Esprit,
des artisans de paix y déposent consolation
et ouvrent des chemins toujours nouveaux et audacieux pour soigner la fraternité,
Prions Dieu de continuer son œuvre d’Amour !
Pour les chefs d’état, les responsables économiques et politiques,
qu’en prenant à cœur leur responsabilités
ils recherchent le bien commun
sans se laisser happer par le pouvoir
et ouvrent des chemins toujours nouveaux et audacieux
pour rendre possible une vie bonne pour tous,
Prions Dieu de continuer son œuvre d’Amour !
Pour les jeunes et les moins jeunes qui cherchent un sens à leur existence
qu’en s’ouvrant largement au souffle de l’Esprit,
ils reconnaissent le désir qui les habitent
et osent ouvrir un chemin nouveau pour lui donner forme,
Prions Dieu de continuer son œuvre d’Amour.
Pour nous tous, réunis en ce matin de Pentecôte,
qu’en nous ouvrant largement au souffle de l‘Esprit
nous soyons des témoins audacieux de la Résurrection
et que nos vies soient rendues fécondes en paix, joie et bonté
prions Dieu de continuer son œuvre d’Amour !
Dieu, Père, Fils et Esprit, entends notre prière
et n’arrête pas l’œuvre de tes mains,
Toi qui renouvelles le monde
depuis toujours et pour les siècles des siècles.
Amen