Homélie
Prière universelle
 Homélie du P. Benoit Ferré, sj

Et si cette fête du St Sacrement était l’occasion de communier comme si c’était la première fois ? Nous le faisons régulièrement, peut-être tous les dimanches, peut-être encore plus. C’est très beau, et en même temps, c’est comme tout on risque de s’y ‘habituer’ dans un sens qui n’est pas toujours très positif. Et si nous venions communier, aujourd’hui, comme si c’était la première fois ?

            Il ne s’agit pas forcément de se remettre dans nos souvenirs de premier communiant. Plutôt de se remettre à la place des disciples ce soir-là. Eux ils étaient Juifs, dépositaires du trésor de l’Alliance de Dieu avec le peuple d’Israël, et tout ce que nous avons entendu dans les lectures, c’était enraciné en eux – dans leur tête, leur cœur, leur corps. On a entendu 2 choses importantes.

> D’abord cette Alliance, entre un Dieu qui avait donné à Moïse ses lois et ses ordonnances, et le peuple qui avait dit « nous allons mettre tout cela en pratique », cette Alliance, elle avait été scellée par le sang, le sang des taureaux, répandu sur l’autel et sur le peuple. On peut s’imaginer à la place du peuple en train d’être aspergé du sang des taureaux… on n’est plus très habitués. Mais c’était ça, le sang de l’Alliance. Le signe qu’on s’engage avec un Dieu qui s’engage envers nous. 

> Et puis deuxième chose importante, St Marc rappelle que les Juifs qui fêtaient la Pâque devaient immoler un Agneau. En souvenir de ce moment central pour Israël, où Dieu avait libéré le peuple, en le conduisant de l’Egypte à la Terre Promise. Il s’était révélé comme Dieu libérateur. Mais avant la Terre Promise, avant les 40 ans au désert, avant la traversée de la Mer Rouge, il y avait d’abord eu le sang de l’agneau, sur les portes, pour que les enfants d’Israël ne soient pas tués, la nuit où l’ange de la mort est passé tuer les enfants égyptiens. Cet agneau les a préservés, il reste le signe du salut de Dieu. Alors pour fêter la Pâque, pour se souvenir du jour où Israël est sorti d’Egypte, pour faire mémoire de Dieu libérateur, on mange le pain sans levain, que le peuple avait cuit rapidement pour s’enfuir, et on immole l’agneau qui sauve, on fait couler son sang.

             Voilà ce que les disciples ont reçu de la tradition, voilà ce qui a façonné leur vie de croyants Juifs, lorsqu’ils se retrouvent, ce soir là, avec Jésus. Et quand ils l’entendent dire « Ceci est mon corps », « ceci est mon sang », c’est tout ça qui revient. L’odeur des sacrifices, l’agneau pascal immolé chaque année, la fidélité de Dieu envers leur peuple, les récits que leurs parents leur ont fait de la libération d’Egypte. Sauf que là, il y a du nouveau, il y a du jamais-vu pour les disciples. « Ceci est mon sang ». Ils connaissent ça par coeur, le sang du sacrifice, en mémoire de l’Alliance et du salut. Mais d’habitude c’est le sang d’un agneau, d’un taureau. Or voilà 1/un homme qui le jour de la Pâque parle de son propre sang, et 2/leur donne à boire.

            1) Il parle de son propre sang. On parle bien de cet homme, qu’ils commençaient à bien connaître depuis trois ans qu’ils cheminent avec Lui, cet homme devenu leur maître et Seigneur, cet homme qu’ils ont reconnu comme le Messie, de qui ils attendaient des merveilles, et puis qui depuis quelques temps commençait à leur annoncer sa Passion, sa Mort. Ca ne collait pas trop bien avec l’image du Messie. Mais là il va jusqu’au bout : il parle de son sang. On le sait, le sang va couler, de son côté en particulier. Mais c’est au-delà ce qui est en jeu : c’est sa vie donnée, c’est sa vie offerte. Pas seulement sur la Croix. En fait ce soir là, Jésus fait voir et comprendre le sens de tout ce qu’ils ont vécu avec Lui jusque là : si c’était si bon d’être avec lui, si ça changeait la vie d’être relevés, aimés, envoyés, de se laisser entraîner vers le Royaume, c’est parce que déjà Jésus offrait sa vie. Et il va parachever cette offrande. Personne ne lui prend sa vie, c’est Lui qui la donne.

            2) Et c’est à eux, à nous qu’il la donne. Il leur donne son sang à boire. L’image est encore plus forte que celle de l’aspersion. « Prenez et buvez. Ceci est mon sang ». L’offrande de Jésus est offerte aux disciples au plus intime de leur être, de leur corps. C’est toujours le Sang de l’Alliance, et le sang du salut ! Mais ce que Jésus propose pour continuer à vivre de l’Alliance et du salut, ce n’est plus de faire des sacrifices, c’est d’accueillir le sien. Le sacrifice unique est déjà fait. C’est prendre son corps et son sang, c’est laisser sa Vie entrer en nous, c’est le laisser ne faire plus qu’un avec nous, en y mettant autant que possible du nôtre, dans nos décisions, dans nos gestes et nos paroles. C’est ne faire plus qu’un les uns avec les autres. Un seul sacrifice est attendu de nous : le sacrifice d’action de grâce. Remercier Dieu, sans cesse, pour ce don.

            Voilà le vrai visage du Messie. Qu’il meure sur la Croix, ce n’est pas l’échec du Messie, c’est sa Victoire :il n’a pas retenu sa vie, parce qu’il la savait qu’il la tenait du Père. Il a réussi à y croire jusqu’au bout. A aimer jusqu’au bout. Et c’est comme ça, et pas autrement, qu’il nous libère, qu’il nous sauve : pas par au-dessus, par une puissance au-dessus de nous, mais par l’intérieur, par la seule force de l’amour. C’est ce qu’il a voulu montrer toute sa vie. Il a voulu qu’on le voie, qu’on y croie, et il fallait qu’il aille jusqu’au bout pour qu’on croie que cet amour est sans réserve, que c’est comme ça et jusque là que le Père nous aime, et que ça ça dure au-delà de la mort de Jésus.

            Ce jour-là, ça a été du jamais-vu pour les disciples. Et bien que ça soit pour nous aussi du jamais-vu aujourd’hui. Notre mémoire à nous, chrétiens, ce n’est plus celle du sang des sacrifices des taureaux, mais c’est toujours la mémoire de l’Alliance et du salut, et pour nous cette mémoire de l’Alliance et du salut, c’est la mémoire de l’offrande jusqu’au bout de Jésus, mémoire d’un don sans limites qu’il vient offrir au plus intime de nous-mêmes.

            Nous disons à chaque Eucharistie « je ne suis pas digne de Te recevoir ». Oui au fond ce n’est pas une question de dignité que de le recevoir. Jésus n’est pas allé jusqu’au bout de l’amour pour sauver des des dignes, mais des pécheurs ; il ne récompense pas la dignité, mais cherche à  aller jusqu’au bout de l’amour. Pour chacun de nous, là où il y a de la misère dans nos vies, là où il y a de la lâcheté, de la dureté, des compromissions, là où nous avons besoin de Lui pour être sauvés, Il veut venir, Il vient, non pas comme une force supérieure, mais de l’intérieur, pour vivre en nous, pour prendre soin de tout ce qui est cassé et il en fait son affaire, il transforme tout cela par la seule force de son amour, et nous faire entrer avec tout cela dans le Royaume. Alors laissons-le entrer en nous... en nous écriant, comme Pierre au Lavement des pieds : alors si c’est ça Seigneur, si c’est pour ça que tu viens, si c’est comme ça que tu viens, viens tout au fond de moi. Comme si c’était la première fois. Laissons ce Saint Sacrement, venir nous transformer de l’intérieur.

Prière universelle 

Rassemblés par le Christ qui a livré son Corps
et versé son sang pour nous et pour la multitude, faisons monter vers le Père
notre prière pour tous les hommes.

1/ Prions pour le Pape, les évêques et les prêtres, par les mains desquels
le pain de notre terre devient le Corps du Christ, le pain partagé pour la Vie éternelle.
Que leur foi dans la présence eucharistique, « pain de l’homme en route », soit vivifiée.

I 29 b – « Exauce-nous, Dieu notre Père »

2/ Prions pour toutes les personnes qui consacrent leur vie au secours des personnes victimes de la faim, de la violence, de l'exclusion.
Que l’hospitalité de leur cœur transforme celui des dirigeants des pays
où les peuples ont faim de pain, faim de dignité, faim de tendresse et de liberté.

3/ Prions pour toutes les personnes qui portent fidèlement la communion
à leurs frères et sœurs âgées, malades, ou en prison, et pour tous ceux qui n’ont pas accès au pain de vie.

4/ Prions pour les enfants qui communient ce dimanche pour la 1ère fois.
Que la joie inonde leur cœur, et qu’ils grandissent dans la foi tout au long de leur vie.

5/ Prions pour notre assemblée : que la fidélité à l'Eucharistie « dilate notre communion
avec le Christ et avec nos frères, et nous fortifie dans notre mission de témoignage ».

 Seigneur, « Toi qui sais tout et qui peux tout,
toi qui sur terre nous nourris, conduis-nous au banquet du ciel
et donne-nous ton héritage, en compagnie de tes saints »,
pour les siècles des siècles. Amen.

Abbaye
Notre Dame de
Jouarre