Mère Aguilberte
Homélie
En écoutant Jésus nous parler au soir du jeudi saint de vigne, de sarment, de cep, nous pensons tous à Mère Aguilberte, à la Bourgogne qui l’a vue naître, au sécateur qu’elle tenait à la main quand elle faisait le tour des plantes du cloître. Mille souvenirs nous viennent en mémoire, depuis les plus anciens conservés par les sœurs aînées jusqu’aux plus récents, difficile de les évoquer ici. Il y a surtout ceux de la mission qu’elle a remplie dans cette abbaye en une période décisive de son histoire, celle du Concile.
Elle était bonne, douée d’une sorte de charisme maternel. Elle l’avait exercée très jeune en s’occupant de ses frères et sœurs plus jeunes, en particulier de son petit frère Michel. Comme la femme sage du livre des Proverbes, elle tenait bien sa maison, et qui dira jamais le rôle qu’elle a joué quand l’heure fut venue pour elle comme pour saint Pierre de se laisser conduire là où l’on ne veut pas aller. N’est ce pas bien souvent, mystérieusement la période la plus féconde d’une vie ?
Mais si cet évangile peut nous aider à relire la vie de Mère Aguilberte, il est d’abord parole de Jésus qui nous parle du Père :
« Je suis le cep, mon Père est le vigneron, vous êtes les sarments ».
C’est donc l’œuvre de Dieu, l’œuvre du Père que nous célébrons. Cette vigne, ce monde est le sien, et nous sommes directement impliqués dans ce que nous dit Jésus, dans ce travail extraordinaire de la transformation du monde. Notre ancien évêque, qui était de Nuits saint Georges, ne parlait jamais de la vigne sans rappeler que c’est une civilisation. Une civilisation ne se fait pas en un jour ! Il s’agit de nous quand Jésus nous dit notre raison d’être : porter des fruits abondants, avec une condition évidente : demeurer sur le cep, même au prix d’une greffe
Ce verbe « demeurer » vient plusieurs fois. Il nous parle de fidélité, la nôtre, mais surtout celle de Dieu qui nous a aimés le premier. La vie monastique, dans un monde de grande mobilité n’a-t-elle pas pour tâche de porter un témoignage de fidélité, la vraie fidélité qui ne se confond pas avec l’immobilité, la stagnation, la régression ? Témoignage plus que jamais nécessaire !
C’est ici qu’il faut bien parler de ce qui est le plus important pour la vigne, la sève qui coule dans le cep et les sarments. Jésus n’en parle pas, peut être pour nous en faire mieux comprendre toute l’importance : le sang… celui qu’il a reçu de Marie sa mère, qu’il nous a donné le jeudi saint et sur la croix. Le sang qui est la vie, sans lequel un corps n’est plus qu’un cadavre,
« Ils sont trois à rendre témoignage, l’Esprit, l’eau et le sang »
1Jean 5/7
Ces trois, ils sont la vie de l’Eglise, Corps du Christ. Ils en sont la force. En eux Mère Aguilberte demeure à jamais notre sœur.
Nous communions au corps et au sang du Christ, qu’ils nous gardent dans la PAIX.
Faire part
« Certa fides »
sa devise abbatiale
Ce samedi 7 janvier 2017aux premières lueurs de l’Épiphanie,
Mère Aguilberte,
Paule de Suremain,
abbesse émérite de notre monastère de Notre Dame de Jouarre,
a rendu son souffle à Dieu
à l’Ehpad de l’Abbaye Notre Dame et Saint Pierre de Faremoutiers.
où elle avait été reçue il y a presque deux ans, souffrant de plus en plus de désorientation.
Elle y a été entourée et accompagnée
avec compétence, délicatesse et grande fraternité.
Née le 8 avril 1920 à Mercurey (Saône-et-Loire),
elle était dans la 97ème année de son âge
et la 72ème de sa profession.
Elle fut notre abbesse de 1966 à 1995, conduisant la communauté
d’une main sûre et patiente
dans l’aggiornamento de l’après Concile.
Elle fut aussi Présidente de notre Fédération de monastères consacrés
au Cœur Immaculé de Marie, de 1974 à 1987,
soutenant les communautés par sa sagesse et son esprit de Foi.
Amoureuse de la nature, qu’elle avait appris à connaître auprès de son père
dans les coteaux de sa Bourgogne natale,
elle savait planter, tailler, faire fleurir les jardins du monastère,
comme aussi éclairer et guider les personnes extérieures à la communauté
qui avaient recours à ses conseils.
Très présente aux événements de sa famille,
et cherchant en tout l’unité,
sa clarté de cœur en faisait l’amie instinctive des générations d’enfants
dont les prénoms peuplaient sa prière.
Comme le bon vin, qu’elle savait goûter et apprécier depuis son enfance,
sa longue vie aura mûri à travers bien des épreuves
qu’elle conservait en silence dans le secret de son cœur.
La paix retrouvée des dernières années
au milieu de nos sœurs de Faremoutiers et des frères de Jésus Serviteur
fut pour elle un avant-goût
de celle qu’elle goûte désormais auprès du Seigneur
à qui elle s’était donnée sans retour avec une Foi inébranlable :
« Certa fides ».