En quelques lignes St Marc nous transporte en trois lieux différents, de la synagogue, le lieu le plus officiel, à la maison de Pierre et André, puis à la porte de cette maison, avant de s’engager, la nuit, dans un lieu désert. En chaque lieu apparait de la nouveauté.
Dans la maison, la belle-mère est malade. On en parle à Jésus qui transgresse la Loi, un jour de sabbat, en lui prenant la main et en la faisant se lever. Elle se mit à les servir. Ce verbe n’était apparu qu’une fois, pour les anges qui servaient Jésus dans le désert. Ici les anges restent au ciel, une femme les remplace. Elle devient dans la Tradition la première figure du service dans l’Église où nous voyons s’échanger des services mutuels, Nous avons vu St Paul les évoquer dans la seconde lecture quand il dit « je me suis fait le serviteur de tous » Vivre des relations de réciprocité, c’est édifier une communauté.
Le soir venu, le sabbat terminé, « on lui amène tous les malades et ceux qui étaient possédés par des esprits mauvais » C’est alors une plongée dans le monde des pauvres, des souffrants, des ayant mal. Il n’est pas dit qu’il les guérit tous, mais il s’approche de tous, et chasse quelques démons.
C’est le dur contact avec toute la misère du monde, celle dont nous parle Job dans la première lecture : « Vraiment la vie de l’homme sur la terre est une corvée. Il fait des journées de manœuvre, comme l’esclave qui attend un peu d’ombre, le manœuvre qui attend sa paye, depuis des mois je n’ai gagné que du néant… »
Nul besoin ici d’imagination. Pensons seulement aux heures d’attente dans les urgences des hôpitaux, aux foules qui s’entassent soir et matin dans les transports en commun, aux réfugiés avec leurs bagages dans les gares ou sur les trottoirs parisiens..Jésus a connu cela.
Puis vient la nuit noire, un temps de repos avec les disciples et une brusque coupure dans le récit, soulignée par le verbe sortir, répété deux fois. Jésus se lève et part seul dans un endroit désert. Là il prie, l’esprit sans doute toujours habité par ce qu’il vient de vivre la veille. Sa décision est incomprise par Simon qui le poursuit-poursuivre et non plus suivre ! Cela lui arrive souvent de se mettre en travers. « Tous te cherchent ! » Pour lui, les besoins des gens sont prioritaires. Mais Jésus ne craint pas de frustrer leur attente Dans la solitude de la prière il se voit confirmer l’axe de sa mission : « proclamer l’évangile » et il déclare « allons ailleurs » Ont-ils suivi ? Le récit ne le dit pas.
La prière de Jésus, comme en d’autres occasions, a joué un rôle décisif, à la fois pour prendre une certaine distance par rapport aux sollicitations immédiates et pour vivre de l’unité avec le Père. « Il faut que le monde le sache : j’aime le Père ! »
Ne risquons nous pas nous aussi de nous identifier
avec une fonction, une responsabilité qui peut nous valoir estime, considération,
en oubliant de susciter aussi l’engagement réciproque, l’échange de services, le progrès dans la foi ?
Nous disons de l’Eucharistie qu’elle est pain de vie. Elle ne l’est pas de manière automatique qui nous maintiendrait dans une dépendance infantile. Elle nous fait entrer dans un univers de don et de partage, avec l’acceptation de ce monde.
Reçois Seigneur, notre offrande !
4.2.18