Is 61, 1-2, 10-11 ; 1 Th 5, 16-34 ; Jn 1,6-8, 19-28
Sœurs et frères,
Dans les temps moroses et éprouvants pour beaucoup que nous connaissons aujourd’hui, l’Église nous invite à raviver notre joie. On pourrait se demander : est-ce décent de chercher à se réjouir alors que tellement de personnes peinent et pleurent, qui un mort, ou un malade grave, qui une situation professionnelle ou économique catastrophique… ? Mais cette joie n’est-elle pas plutôt une grâce, celle qui va nourrir l’espérance. Au début de la célébration, nous demandions la grâce de « diriger notre joie vers la joie d’un si grand mystère » celui de la naissance du Fils de Dieu. Diriger notre joie, l’orienter dans la bonne direction afin que cette joie soit pleine. Nous nous savons tellement capable d’aller vers des joies qui nous laissent après coup, soit le sentiment de nous être fait avoir, soit le goût fade ou amer d’un certain vide. En marche vers Noël, il nous revient donc d’apprendre à réorienter notre joie, dans la quête de cette joie qui ne nous décevra pas…
Les trois lectures entendues nous offrent des clés pour ouvrir les bonnes portes vers la vraie joie. Dans l’évangile, nous est présentée la belle figure de Jean à travers un étonnant dialogue avec les envoyés des pharisiens. Avec humour, nous pourrions surnommer Jean, «Mr ne pas ». A la question « qui es-tu ? », il répond par la négative. « Le Christ ? » Je ne le suis pas…Elie ? Je ne le suis pas. Le grand prophète ? Non. Et à la fin, il conclue : « je ne suis pas digne ».
Jean est un modèle d’humilité, en ce qu’il ne veut surtout pas qu’on se fasse illusion à son sujet. En même temps, il n’est pas inexistant. Il tient sa place, et rien que sa place vis-à-vis de Celui qui va venir derrière lui le Messie. Il est la voix qui exhorte à préparer le chemin du Seigneur et il baptise. Là est sa joie, de permettre que le Messie prenne toute sa place, et que lui diminue et se retire, comme nous le lisons un peu plus loin dans le même évangile. Jean nous offre une clé précieuse pour tendre vers la vraie joie : l’humilité qui nous permet d’être bien à notre place, ni plus, ni moins. Tenir notre place afin que s’ouvrent dans notre cœur, mais aussi dans ceux avec qui nous vivons, les chemins par lesquels le Seigneur pourra venir et rejoindre chacun pour lui apporter le salut.
La première lecture nous laisse entrevoir les horizons de la joie pleine, telle que le prophète Isaïe pouvait l’envisager. Cette joie fait exulter et tressaillir à la manière de la joie des fiançailles ou encore de la joie des récoltes de la terre. Cette joie est proprement divine. Elle est un don reçu. A travers son serviteur, auquel s’identiffiera Jésus, Dieu va annoncer la Bonne Nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération… Seul Dieu peut venir nous rejoindre là où cela fait mal, là où nous peinons. Car en lui est la justice, en lui est la miséricorde. Le prophète Isaïe nous fait comprendre que la vraie joie, la mienne, est aussi inséparable de celle des autres. Dieu source de toute joie, désire l’offrir à tous…jusqu’aux prisonniers, ceux que l’on a exclu parce qu’ils ont fait mal aux autres. J’entends encore un aumônier de prison nous rapporter cette anecdote. Un prisonnier lui partageait qu’il aimait bien lire les psaumes. Et l’aumônier de lui demander : « en aimes-tu un plus particulièrement ? » « Oui, le Ps 50, et ce verset où le psalmiste demande avec insistance : ‘libère-moi du sang versé’ ». Cet homme restait hanté par son passé criminel, et demandait à Dieu de l’en libérer. La clé offerte par cette lecture nous invite à nous tenir devant la joie, comme des mendiants. Elle est un cadeau totalement offert par Dieu. Jésus est venu nous ouvrir les trésors de cette joie. Par son Esprit Saint, il les a mis à notre disposition, comme un cadeau déjà offert et comme une promesse encore en train de s’accomplir.
Dans la seconde lecture, Paul nous donne une 3° clé pour ouvrir les portes de la joie : « soyez toujours dans la joie, priez sans relâche, rendez grâce en toute circonstance… n’éteignez pas l’Esprit…discerner la valeur de toute chose, ce qui est bien gardez-le, éloignez-vous de toute espèce de mal… ». Pour Paul, la joie est déjà là : « soyez toujours dans la joie ». Il met en lumière combien cette joie est la joie d’une relation vivante avec le Seigneur. « Priez sans relâche, rendez grâce en toute circonstance… ». A chacun selon notre vocation, il nous revient de donner la plus grande mesure possible à ces moments d’intimité avec le Seigneur. Les moniales et les moines le vivent comme une mission de louange de la gloire de Dieu, dans leur journée organisée à cet effet. Mais pour chaque chrétien, les recommandations de Paul peuvent résonner comme un appel, à se tenir à l’affût de ces instants de recueillement où l’on se ressaisit et où l’on relit ce que l’on vit pour dire merci à Dieu, pour lui demander son aide. Un bénédicité au début du repas, une prière le matin, le soir, s’unir à un CD dans la voiture… Faire de notre quotidien, un temps de partage avec le Seigneur qui est avec nous. Nous tourner vers lui qui est là. C’est la source d’une grande joie, celle de découvrir que notre quotidien vécu sous son regard trouve une nouvelle plénitude. Il n’est pas la course après le temps, ni l’ennui où l’on tue le temps, mais un temps ouvert à une présence. C’est peut-être cela aussi « ne pas éteindre l’Esprit » et demeurer ouvert pour discerner ce qui est bien.
En cette eucharistie, les prémices de la joie nous sont déjà offerts. Rendons grâce à Dieu.
P. Luc (abbé de l'abbaye Ste Marie de La Pierre-qui-vire)
Prière universelle
En ce dimanche de joie,
ouvrons grand notre cœur à l'allégresse car notre Sauveur vient
et dans cette attente, prions Dieu notre Père.
Pour les pasteurs de l’Église et tout le peuple chrétien ;
qu'ils rayonnent par toute leur vie
de cette joie que notre Père destine à ses enfants,
prions ensemble.
R/ : Donne ta joie, Seigneur ! (I 57)
Pour ceux qui sont prisonniers de leurs richesses,
de leur savoir, de leur pouvoir :
que leurs yeux s'ouvrent à la pauvreté et à la richesse
de celui qui vient sauver tous les hommes,
prions ensemble.
Pour tous ceux qui se dévouent au service des pauvres,
pour les prisonniers, les malades en hôpitaux pendant cette pandémie :
qu'ils puissent se ressourcer dans l'Esprit pour connaître la joie d'être sauvés,
prions ensemble.
Pour tous les membres de notre assemblée :
que nous soyons fidèles à la mission reçue à notre Baptême :
rendre témoignage dans la joie, avec sœur Maïlis, au Christ notre Sauveur,
prions ensemble.
Dieu notre Père
toi seul est source de la vraie joie :
exauce-nous par Jésus Christ
qui est venu pour tout sauver,
et qui règne pour les siècles des siècles.
AMEN !