Homélie du P. Jean-Michel, abbé de Landévennec
« Que veux-tu que je fasse pour toi ? » : la façon dont Jésus rejoint l’aveugle Bartimée prend la forme d’une question pleine d’empathie. Nous devrions nous en souvenir quand nous nous demandons comment annoncer l’Evangile. Jésus, lui, ne vient pas d’abord enseigner une doctrine, il vient rejoindre des hommes et des femmes au cœur de leurs préoccupations et il commence par se mettre à l’écoute de leur désir et de leurs besoins. Ainsi, sur ce chemin qui le mène à Jérusalem, où nous le retrouvons depuis plusieurs dimanches, au jeune homme riche qui l’interpelle il demande « pourquoi m’appelle-tu bon ? », puis un peu plus loin aux fils de Zébédée, qui s’approchent de lui il demande « que voulez-vous que je fasse pour vous ? » et ce matin au fils de Bartimée qui vient de bondir jusqu’à lui il lance « que veux-tu que je fasse pour toi ? ». Peu importe la pertinence de la motivation qui pousse les uns et les autres à interpeler Jésus, Lui accueille et prend en compte toute sollicitation qui lui est adressée. Et rien de plus profane et en même temps de plus spirituelle que cette question qui atteint la personne au plus intime de l’être : « que veux-tu que je fasse pour toi ? ». Qui d’entre nous ne serait pas touché par cette demande du Seigneur qui nous rejoint à la racine de l’être ? et bien justement, ce matin c’est à chacun et chacune d’entre nous qu’il adresse cette même question : « que veux-tu que je fasse pour toi ? ». Chacun d’entre nous peut ce matin accueillir ces mots au plus secret de son cœur et se laisser regarder par Jésus qui s’offre ainsi à lui pour le sauver, pour nous sauver et nous manifester son désir que nos vies soient à la sienne greffées.
Sur le chemin de Jérusalem, parmi les trois interlocuteurs qui, s’adressent à lui, seul Bartimée dont la condition d’aveugle est clairement signalée semble, paradoxalement, assez clairvoyant pour reconnaître en Jésus le Messie davidique et assez humble pour admettre sa cécité « Rabbouni, que je retrouve la vue ! »
Peu avant, le jeune homme riche s’était dérobé car il avait de grands biens ! Sa richesse le rendait aveugle et l’empêchait d’apprécier à sa juste valeur infinie, le don de Dieu. Bartimée, lui reconnaît sa cécité qui fait de lui un marginal, un homme sur le bord du chemin. Mais son infirmité lui a appris à quel point il a besoin d’être sauvé. Il peut donc faire nombre sans difficulté avec ce reste d’Israël dont Jérémie faisait mention en première lecture : « l’aveugle et le boiteux, la femme enceinte et la jeune accouchée » tout un petit peuple conscient de sa fragilité et de sa vulnérabilité mais en même temps, mystérieusement confiant dans le secours du Seigneur. Il est vrai que l’humble constat de notre fragilité nous libère de l’orgueil qui enferme dans la suffisance. Au point que l’on peut dire que ce qui sauve l’homme, ce qui l’humanise c’est sa fragilité… pour peu qu’il accepte que par cette brèche ouverte à son flan, s’engouffre la douce et humble miséricorde de Dieu. Certes, Dieu n’aime pas les lézardes qui abîment, mais il supporte encore moins les surfaces trop lisses, imperméables, sans aspérité qui comme dit Charles Péguy « ne mouillent pas à la grâce ». De notre péché, de nos blessures, de nos aveuglements il peut nous relever et nous recréer à son image pour peu que nous ne lui masquions pas nos failles et notre cécité. Comme l’écrit Jean-Louis Chrétien, « il se pourrait que la fragilité qu’en nous ouvre la blessure devienne l’espace de notre plus haute force, tout comme l’endurcissement, conquis sur elle, dont nous avons fierté, est parfois le commencement de notre inhumanité ».
Ce matin, Bartimée nous est donné en exemple, lui qui par la limpidité de son cœur et la vive espérance qui l’habite ose franchir tous les obstacles et même réussi à convaincre de l’aider une foule au départ hostile à ses cris ! D’une certaine manière, c’est lui, l’aveugle qui ouvre les yeux d’une foule peu soucieuse de lui et c’est sa foi à lui qui va révéler aux autres que Jésus est bien le Messie attendu, le Sauveur que chacun attend au secret de son cœur.
Voilà une page d’évangile qui vient nous dire qu’en nos paroisses, en nos communautés religieuses comme en notre vie en société, il nous est salutaire de ne pas laisser les Bartimée que nous côtoyons sur le bord du chemin mais au contraire de les conduire au Christ qui les appelle eux comme nous mais qui se dévoile tout particulièrement en eux comme notre sauveur à tous. Cela rejoint le propos de saint Benoît quand s’adressant au Christ à propos de la communauté dont il vient de dire que n’y manquent jamais d’infirmités tant physiques que morales, il demande au Seigneur « de nous conduire tous ensemble à la vie éternelle ». Tous ensemble, c’est-à-dire pas sans les autres, pas sans ce frère ou cette sœur que j’aurais envie de larguer par-dessus bord ! Autrement dit, pas sans ce Bartimée ni sans ce petit peuple d’Israël décri par Jérémie, qu’avec une infinie patience et miséricorde le Seigneur veut « ramener vers les cours d’eau par un droit chemin où ils ne trébucheront pas ». Ce chemin droit passe par Jéricho et conduit à Jérusalem, lieu de la Passion et de la Résurrection, lieu de la révélation du grand amour dont Dieu nous a aimé. Puisse ce mystère ouvrir nos yeux sur notre misère et sur la miséricorde dont nous sommes les bénéficiaires et dont nous sommes appelés à être les témoins. Alors avec Bartimée, guéris de nos aveuglements, nous oserons, nous aussi, suivre le Fils de David, le Christ notre Seigneur. « Confiance, levons-nous, il nous appelle ». AMEN
Homélie du P. Michel
Bartimée, son nom signifie déjà qu'il est marqué par l'impureté. Il nous représente tous quand nous sommes plongés dans les nôtres, éloignés du Christ seul à même de les porter et de les effacer.
Et pourtant, tout comme lui, nous sommes tous aimés de Dieu.
Plongé dans la nuit, il ne peut pas suivre la foule, mais il l'entend et il n'est pas insensible à ces acclamations. A nous aussi de percevoir ces acclamations et d'y communier, comme nous communiions aux cris de la foule rassemblée à Lourdes: "Seigneur! Fais que je voie. Fais que j'entende!", tout comme nous communions à la prière murmurée sur un lit d’hôpital. Nous pouvons y voir une préparation à la rencontre.
A cette heure qui était le plus proche de Jésus, la foule ou Bartimée ? Il se laisse gagner par l'enthousiasme et se met à crier. Ce cri domine toute la scène. Pas un cri comme les autres ! Celui-ci semble sortir d'un gouffre, tout chargé de la souffrance d'un homme, mais aussi d'une immense espérance. Il est tel que du même coup il rejette son manteau et s'élance sans hésiter vers Jésus.
Prière universelle
Ouvrons notre cœur aux cris de tous nos frères…
Que notre prière en ce jour, fasse monter vers le Seigneur
les appels de tous ceux qui aspirent à la lumière.
Avec le pape François, et tous qui sont appelés à entrer dans la démarche :
« Pour une Église synodale : communion, participation et mission »
Avec tous ceux qui cherchent comment répondre à leur vocation personnelle
et à servir l’Église et leurs frères en humanité,
Crions vers le Seigneur notre confiance, lui qui conduit l’Église.
I 31 – O Seigneur, écoute et prends pitié !
Avec les peuples en guerre dont la voix est étouffée,
en Afghanistan, au Proche-Orient, en Amérique latine, et en tant de pays,
Avec les réfugiés dont le cri n'est pas écouté… :
Crions vers le Seigneur notre confiance, lui qui veille sur le monde.
Avec ceux qui sont assis au bord de la route : les chômeurs, les sans-papiers,
Avec les marginaux de notre société qui attendent d'être appelés par leur nom:
Crions vers le Seigneur notre confiance, lui qui prend soin de nos vies.
Avec les aveugles, les malades et leur famille,
Avec tous ceux qui ont soif de clarté et de soutien,
Crions vers le Seigneur notre confiance, lui qui répond à nos appels.
Avec tous les membres de notre assemblée,
Avec tous ceux que nous portons plus spécialement dans la prière :
Crions vers le Seigneur notre confiance, lui qui nous invite à le suivre ensemble sur la route.
Seigneur Jésus, entends notre supplication pour tous les hommes.
Permets que notre communion dans la prière
Nous garde ouverts à tous nos, frères,
Toi qui intercèdes pour nous aux siècles des siècles, Amen.