Homélie
Prière universelle
Homélie du P. Désiré 

Frères et sœurs nous voici à mi-chemin de notre montée vers Pâques. Et l’évangile qui nous est proposé est rempli de symbolismes ; surtout l’histoire qui nous est racontée se termine par une confession de foi collective qui marque l’adhésion des interlocuteurs du Christ à son message un peu comme le scrutin que vont faire tout à l’heure les catéchumènes de Noisy- Gournay qui nous ont fait la gentillesse de leur visite. Pour nourrir notre méditation, je voudrais m’arrêter sur le mot « ADORER » qui, dans le dialogue entre la samaritaine et Jésus, revient 8 fois sous différentes formes.

Bien avant, rappelons que la rencontre se déroule dans la périphérie d’une ville appelée Sykar. Le lieu est chargé d’histoire car, en cet endroit, Jacob, le Père d’Israël y avait acquis un terrain qu’il a légué à son fils Joseph. Bien plus, Jacob y avait creusé un puits. Géographiquement, nous sommes en plein désert, et le puits dans un tel endroit sert de point de rencontre ; c’est un lieu de socialisation ; quelque fois, on vient y faire du commerce, et également on peut y tisser de nouveaux liens sociaux pouvant aboutir au mariage. Par exemple, auprès d’un puits, Abraham a rencontré sa femme Rébecca, la mère d’Isaac ; auprès d’un puits, Jacob est tombé amoureux de Rachel.

Si Jésus est arrivé là, c’est parce qu’il n’est plus en odeur de sainteté dans sa patrie où les pharisiens et scribes cherchent à le tuer. Lui aussi adopte donc des stratégies pour échapper à leur surveillance, lesquelles l’obligent à passer sur un territoire hostile aux juifs : la Samarie pour rejoindre la Galilée. Fatigué par la marche, Jésus s’est assis au bord du Puit de Jacob et attend ses disciples partis chercher de quoi manger en ville. C’est à ce moment-là, alors que le soleil est au Zénith, qu’à lieu la rencontre avec la Samaritaine qui nous vaut le récit de l’Évangile d’aujourd’hui. Pour être complet, il nous faut rappeler que les samaritains et les juifs ne s'entendent guère : pour les Juifs les Samaritains sont des hérétiques, surtout, en grande partie, parce qu’ils descendent de populations déplacées, païennes, installées sur leurs terres par l'empire Assyrien sept siècles auparavant ; les Juifs méprisent donc les Samaritains. Et, les Samaritains leur rendent bien cette inimitié. La méfiance mutuelle s’est durcie au cours des siècles, particulièrement à l’époque du Christ. D’où l’étonnement de la femme samaritaine lorsque Jésus lui demande de l’eau : « Comment ! Toi, un Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ? » (Jn 4, 9). Une question demeure, cependant, pourquoi cette Samaritaine, vient-elle au puits à une heure inhabituelle pour aller puiser de l’eau ? Et si ça se peut qu’elle ne souhaite y rencontrer des gens connus, mais pourquoi ? Sa communauté l’aurait-elle condamnée à la solitude du fait de ses mœurs ? Qu’a-t-elle fait pour ne pas mériter la compagnie des autres femmes pour socialiser avec elles au puits ? Nous n’en savons rien.

En tout cas, sans se soucier de ce que serait cette femme ou de ce que l’on dit sur elle, Jésus lui demande de l’eau : « Donne-moi à boire » (Jn 4, 7). De cette demande, s’installe un formidable dialogue au cours duquel, la Samaritaine découvre que Jésus est un prophète. Alors, elle profite de l’occasion pour lui poser une question sur un vieux débat qui existe entre les juifs et les Samaritains : « Nos pères ont adoré sur la montagne qui est là, et vous, les Juifs, vous dites que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem. » (Jn 4, 20). Au fond, la question est : Dieu, où faut-il l’adorer ? Il y aurait-il un lieu unique ou parfait pour l’adorer ? Où se trouve cet endroit ? Jésus lui dit : « Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père » (Jn 4, 21).

Frères et sœurs, en ce troisième dimanche de Carême, la réponse de Jésus nous laisse entrevoir que nous nous trompons chaque fois que nous voulons fixer et figer la présence de Dieu en un et unique endroit pour l’adorer. « Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer. » (Jn 4, 24). Alors, puisque Dieu est Esprit, et qu’il faut l’adorer en vérité, peut-être que nous nous posons la mauvaise question sur le lieu. Peut-être que chacun devrait se poser seulement ces trois questions simples mais ô combien profondes auxquelles Jésus lui-même répond : QUI adorer ? QUAND l’adorer ? COMMENT l’adorer ?

A la question « QUI » ? Il s’agit de déterminer le sujet à adorer. Dans sa prière sacerdotale, Jésus s’adressant à son Père dit : « la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus. Christ ». Le chrétien n’a pas une autre vocation que cela. Connaître Dieu, le créateur de l’univers visible et invisible. Il est la Lumière et la Vérité. Et, celui qui connaît Dieu, a le cœur comblé et rempli de sa présence et comme nous le dit Saint Augustin, son cœur n’est en paix tant qu’il ne repose pas en Dieu. Malheureusement, l’histoire de l’Alliance nous rappelle tristement que les hommes ont très souvent marcher à l’écart de la Vérité et de la Lumière comme aux jours de Mériba et de Massa où nos pères l’ont tenté et provoqué (Ex 17, 7). C’est ce que nous avons écouté dans la première lecture.

A la question « QUAND » ? il s’agit de répondre sur l’heure. Y aurait-il une heure pour prier Dieu et une autre où l’on ne saurait le prier ? Comme s’il y avait une heure où il nous écoute et une autre, peut-être moins. Frères et sœurs, la vie est courte ; et la pression que l’on peut subir dans la vie peut faire que nous oublions très souvent voire rapidement que le temps de Dieu n’est pas le nôtre. A la samaritaine, il dit : « Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père » (Jn 4, 21). Plus loin, Jésus reprend : « l’heure vient - et c’est maintenant » (Jn 4, 23). C’est-à-dire que l’heure est déjà venue et elle est là, hic et nunc. Ne perdons donc plus de temps. Au fond, il s’agit ici de faire confiance au Seigneur. En tout temps. Car, si le peuple a péché à Mériba et Massa, c’est justement parce qu’à chaque fois qu’il rencontrait une difficulté dans le temps présent, ce peuple ne savait où était le Seigneur : « Le Seigneur est-il au milieu de nous, oui ou non ? » (Jn 4, 7).

Frères et sœurs, le Seigneur est notre « Rocher », appuyons-nous solidement et fermement sur lui. Tel est le message que Jésus veut nous transmettre en ce troisième dimanche du premier scrutin des catéchumènes de Noisy-Gournay. Chers amis, la foi, c’est faire confiance. En tout temps, ouvrez l’oreille et soyez attentifs à la voix du Seigneur qui appelle, aimez-le de tout votre cœur, il ne vous fera aucun mal. Au contraire, en laissant Jésus entrer dans vos vies, vous vous bonifiez par son esprit qui est un esprit de Justice, de Paix, de Vérité et de Lumière. N’ayez donc pas peur de ce que sa présence pourrait provoquer en vous. Quant à vous, adorez votre Seigneur, en tout temps.

Enfin, COMMENT ? « Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer » (Jn 4, 24). Frères et sœurs, comme à la Samaritaine, ce que Jésus nous recommande, c’est aussi peut-être que quand nous élevons nos voix vers Dieu, que ce soit de manière sincère en Esprit et en Vérité. Car en effet, il n’y a point d’adoration en l’absence de l’Esprit et de la vérité. Voilà pourquoi le Ps 94 (95) de ce dimanche nous met tous en garde individuellement et collectivement : « Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ? Ne fermez pas votre cœur comme au désert où vos pères m'ont tenté et provoqué, et pourtant ils avaient vu mon exploit. »

Finalement, si le mot « ADORER » revient 8 fois dans le dialogue de Jésus avec la Samaritaine de ce dimanche, n’est-ce peut-être pas, pour nous inviter à une « vie nouvelle » tant le chiffre 8 symbolise dans le christianisme un jour nouveau, le premier d’une nouvelle semaine : celui justement de la résurrection. Peut-être nous demande-t-il simplement de briser certains de nos codes socioculturels et de briser par exemple nos préjugés comme il l’a fait Lui en engageant un dialogue avec cette Samaritaine alors que socialement, culturellement et religieusement rien ne permettait que les deux aient un tel échange. Parce que le Christ a brisé les codes honteux et injustes de sa société qu’alors la Samaritaine, lui a demandé l’eau vive. Et toi, mon frère et toi ma sœur, saurais-tu trouver en toi, les préjugés qui ne te permettent pas de boire l’eau vive, de la partager avec un frère ou d’en recevoir de lui ?           

P. Désiré Ayina, sj. 12 mars 2023

Prière universelle

Près des puits de notre vie quotidienne,
le Seigneur nous précède et nous attend.
Implorons sa grâce pour tous nos frères.

Pour les catéchumènes
qui cheminent vers la lumière du baptême,
demandons la grâce d’une foi forte et confiante.

26a : « Seigneur, accorde-nous ta grâce ! »

Pour ceux qui sont en errance, loin de leur cœur,
    demandons la grâce d’une écoute et d’une parole vraie
qui éclaire et qui libère.

Pour les habitants des pays
où la liberté se paie au prix du sang ou de l’exil,
demandons la grâce de la paix dans la justice.

Pour nous tous, rassemblés ce matin auprès de la source d’eau vive,
demandons la grâce d’une audace nouvelle,
        qui nous envoie dire à nos frères : « Si tu savais le don de Dieu… »

Seigneur Jésus, comme tu as répondu à l’attente de la Samaritaine,
entends nos désirs et exauce notre prière, toi qui règnes…

Abbaye
Notre Dame de
Jouarre