Syméon est-il myope, hypermétrope, presbyte, ou doit-il bénéficier d’une opération de la cataracte ? Oui, je comprends que ma question vous surprenne, mais que voulez-vous lorsqu’on a presque l’âge de la prophétesse Anne, la question de la vue est importante, et je ne peux que me réjouir de savoir que si Syméon souffre éventuellement d’un problème de vue, sûr, il n’est pas myope. Il voit, il voit bien, il voit de près. Il voit même au-delà de ce qui lui est donné à voir. Il a cette chance de savoir qu’il ne verra pas la mort avant d’avoir vu. Et lorsqu’il reçoit l’enfant, voici – « vois-ici » que ses yeux voient au-delà de cet enfant, puisqu’il voit l’identité de Celui qu’il reçoit et qu’il a devant les yeux. Il voit le salut. N’oublions pas que le nom de Jésus signifie « Dieu sauve ».
Syméon est un homme charnière. De lui, nous ne savons quasi rien si ce n’est ce que nous dit ce passage d’évangile. Il est juste et religieux. Il est juste comme Noé qui était reconnu par Dieu comme un homme juste, ce qui lui a permis d’être épargné du déluge. Etre juste pour Syméon, cela signifie que toute sa vie, toutes ses pensées, tous ses comportements sont ajustés à Dieu. Il est religieux comme le sont Zacharie et Elisabeth, comme le fut autrefois Anne, femme de prière, demandant à Dieu de pouvoir obtenir ce fils qui, s’il nait, sera donné au Seigneur. Et naitra Samuel le prophète. Syméon est religieux comme le seront Marie et Joseph. Autant de personnages irréprochables qui entourent l’enfance de Jésus, permettant que Celui qui sera le Salut soit inscrit dans l’histoire et dont toute la vie sera révélation du désir de Dieu que de faire alliance avec sa création.
Dans un premier temps ce qui a mis en route ceux qui, en cette présentation, sont montés au Temple, c’est la Loi. 3 fois nommée. Mais dans le même temps, celui qui met d’abord en route Syméon, c’est l’Esprit Saint, lui aussi 3 fois nommé. Cet Esprit qui est sur lui et lui avait fait connaitre que le temps de la Loi allait prendre fin puisqu’il lui serait donné de voir Celui qui allait venir pour réaliser la nouvelle et éternelle alliance.
Et tout ceci se passait à Jérusalem, plus précisément au Temple, là encore 3 fois nommé. Manière de nous dire que là Jésus est à voir chez lui, et que bientôt il se fera reconnaitre comme le Temple de Dieu, rebâti en 3 jours, comme nous le proclamera l’évangile de Jean.
Oui, Syméon n’est pas myope. Il voit bien de près. Mais en même temps il n’est pas presbyte. Car son voir s’élargit au plus loin. Il voit que Celui qu’il vient de recevoir sur les bras est bien Celui qui lui avait été promis de voir avant qu’il ne parte en paix. En effet Syméon voit que Celui-ci concerne plus large que le Temple, puisque c’est Israël qui est appelé à voir Celui qui est présenté au Seigneur Dieu comme Celui dont un jour il partagera la gloire. Et Syméon voit encore plus large, car par la parole et le témoignage de ceux qui seront envoyés à partir de Celui qui se présentera comme « la Lumière du monde », ce sont toutes les nations qui seront appelés à le voir comme le Sauveur du monde. Oui, Syméon n’est pas presbyte, il voit loin.
Parité oblige, après un homme, Luc nous présente une femme. Parce que femme, celle-ci est située par rapport à son père : elle est la fille de Phanuel, de la tribu d’Aser ; elle est située par rapport à un homme dont elle est veuve après 7 années de mariage. Enfin elle est située par rapport à Dieu puisqu’elle ne s’éloigne pas du Temple, servant Dieu jour et nuit dans le jeûne et la prière. Mais si Syméon est à découvrir comme l’homme qui sait voir, dans une démarche introvertie : il se voit comme serviteur du Maitre Souverain ; Anne est à découvrir comme la femme à entendre, dans une démarche extravertie. Elle est prophétesse, elle proclame la louange de Dieu, elle parle de l’enfant à tous ceux qui attendent la délivrance de Jérusalem. Sa présence peut être reliée à cette autre Anne, la mère de Samuel. Cette dernière était stérile. Elle avait supplié le Seigneur dans le Temple, faisant durer sa prière en vue d’obtenir ce fils qu’elle désirait depuis si longtemps. Ce fils viendra et sera présenté au Seigneur. Il sera Samuel, le dernier des Juges, le libérateur d’Israël. Notre Anne, prophétesse qui fait entendre les louanges de Dieu, peut se voir appliquer l’annonce du prophète Isaïe : « Tu ne te souviendras plus de la risée de ton veuvage. Ton Créateur est ton Epoux ; le Saint d’Israël est ton Rédempteur » (Is. 54/4-5)
Homme et femme pour donner à voir et à entendre l’identité de Jésus : « Dieu sauve ».
Homme juste et religieux, femme d’une piété exemplaire.
Homme dont l’attente va se voir satisfaite : il fait entendre la présence du salut. Femme consciente de voir elle aussi en cet enfant Celui qui sera un signe de contradiction entre les hommes, ce qu’elle fait entendre à tous ceux qui attendent la délivrance de Jérusalem.
A l’occasion du 80ème anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz, en ce 27 janvier dernier, il paraissait essentiel d’écouter les quelques témoins encore vivants de cette tragédie, eux qui faisaient entendre ce que tous avaient vu, car ces témoins vont disparaitre petit à petit.
Nous-mêmes saurons-nous être témoins, c'est-à-dire donner à entendre à la suite de Anne ce qu’il nous est donné de voir à la suite de Syméon : les actes de salut de Dieu accomplis par son Fils Jésus – Dieu sauve, et cela non seulement pour Israël mais aussi pour toutes les nations.