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Il y eut devant le Seigneur un vent fort et puissant qui érodait les montagnes et fracassait les rochers; le Seigneur n'était pas dans le vent. Après le vent, il y eut un tremblement de terre; le Seigneur n'était pas dans le tremblement de terre. Après le tremblement de terre, il y eut un feu; le Seigneur n'était pas dans le feu. Et après le feu le bruissement d'un souffle ténu.1er livre des Rois, chap. 19

Tendre l’oreille au plus profond de son cœur… jusqu’à y discerner cette musique de fin silence dans laquelle Dieu se révèle.
C’est là aussi que résonne la Parole de Dieu, non pas celle écrite dans nos Bibles, mais « celle écrite avec l'Esprit du Dieu vivant, non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur les cœurs. »
Pour conduire sur le chemin de ce silence du cœur, nous vous proposons quelques textes à méditer. Tirés de la Bible, ou d’auteurs de différentes époques, nous espérons qu’ils vous donneront le goût de faire halte « dans le ciel de votre âme » (Élisabeth de la Trinité

— 23 mars 2025 — Homélie du frère Gilles-Hervé Masson o.p. (13:08)
Ex 3, 1-8a.10.13-15  /  Ps 102 (103)  /  1 Co 10, 1-6.10-12  / La samaritaine — Jean 4, 5-42 

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 Chers frères et sœurs, chers amis, ce 23 mars 2025, nous atteignons déjà le troisième dimanche de notre Temps de carême, de notre périple vers Jérusalem. Et j’espère que vous serez heureux de me suivre et de me rejoindre dans cette méditation sur la rencontre entre Jésus et la Samaritaine. C’est un évangile particulièrement utilisé lorsque les catéchumènes se préparent au saint baptême dans leur communauté et il se trouve que, cette année, encore nous aurons la joie de baptiser trois jeunes gens et une jeune fille lors de la Vigile pascale. Et donc il m’a semblé que nous pouvions, ensemble, nous arrêter et vivre, une fois encore, la rencontre entre Jésus et la Samaritaine. 

Cet entretien avec la Samaritaine, est la première des étapes que vont vivre les catéchumènes, étapes décisives appelées « scrutins » après l’appel décisif. Au tout début du carême ils se sont mis en route, ils ont reçu le Credo, ils ont reçu le Notre Père, et à présent ils vont vivre les scrutins. C'est-à-dire qu’ils vont se laisser regarder par la communauté qui les accueille, ils vont surtout se laisser regarder par le Seigneur, ils vont se laisser envisager par lui, lui « qui ne regarde pas à l’apparence mais au coeur » comme le dit l’Écriture lors de l’élection de David.

Et de ce point de vue il y a une chose extraordinairement simple que je vous indique tout de suite, à savoir qu’il est aussi question dans cette page du regard de Jésus. Le regard de Jésus sur la Samaritaine. Un regard qui perce à jour les équations de la Samaritaine, un regard qui semble connaître son histoire, mais surtout, surtout, surtout, en m’en tenant au témoignage de la Samaritaine elle-même, un regard qui, bien que perçant, n’est pas du tout inquisiteur, n’est pas du tout indiscret, encore moins est-il dans le jugement. Preuve en est que lorsque Jésus dit à cette femme la vérité de sa vie : « Tu as eu cinq maris et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari, en cela tu dis vrai. », elle ne se récrie pas, elle ne se révolte pas. Elle comprend simplement qu’elle a affaire à quelqu'un de particulier : « Je le vois, tu es un prophète. » Et dès lors qu’elle est en présence d’un prophète, elle va passer à d’autres sujets, en l’occurrence l’adoration.

Elle est si riche cette scène ! C’est comme en passant que Jésus s’arrête pour se reposer sur le bord d’un puits. Une femme vient faire la corvée d’eau, la conversation s’engage - on ne part d’ailleurs pas  tout à fait du bon pied - et ensuite, la conversation s’approfondit. Jésus voit cette femme, il la regarde et - c’est surtout cela que je voulais nous redire — la femme se trouve bien dans ce regard. Elle ne peut certes rien lui cacher — l'Évangile dit ailleurs que « Jésus sait ce qu’il y a dans l’humain » —, elle ne peut rien lui cacher mais elle n’a même pas envie de lui cacher quoi que ce soit. On s’étonne à la fin même qu’elle retourne en ville pour aller dire à tous les gens : « Venez voir, j’ai rencontré quelqu'un qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Messie ? »

Elle a rencontré quelqu'un qui, pour elle, est une puissance de salut. Quelqu'un qui peut lui apporter apporter quelque chose dans sa vie : la consolation, la confiance, la remise sur pied. Et en tout cas, un dialogue au sommet entre elle, la Samaritaine, une pauvre femme qui mène sa vie comme elle le peut (comme tout le monde !) et Jésus. Jésus qui n'est pas exempt des fatigues de la vie. Sur le bord du puits, nous dit-on, il se repose des fatigues de la route.

Alors dans cette longue page, qu'est-ce que j’ai envie de retenir pour nous ? La première chose : contrairement à ce qui va se passer dans les deux dimanches suivants, aujourd'hui il n’y a pas de « signes de puissance », qu’on appelle parfois des « miracles ». Dimanche prochain, il y aura une guérison : la guérison de l’aveugle-né ; le dimanche suivant il y aura un relèvement : le relèvement de Lazare. Aujourd’hui, rien de tel. Il n’y a qu’une rencontre et il y a une vraie conversation. Et dans cette conversation, un cheminement. C’est sans doute ça le signe qui nous est donné à percevoir aujourd’hui : le chemin que fait cette femme dans la rencontre avec le Seigneur et à la rencontre du Mystère de Celui qu’elle a en face d’elle. Tout un cheminement qui part des choses les plus quotidiennes, peut-être les plus triviales du quotidien jusqu’aux conversations les plus élevées sur l’adoration : l’adoration « en esprit et en vérité », plutôt que la compétition voire la conflictualité entre des communautés religieuses qui n’ont pas les mêmes références, qui n’ont pas les mêmes pratiques et qui se jaugent ou se jugent sur leurs pratiques et leurs références respectives.

La conversation avec la Samaritaine est l’occasion pour Jésus de dire quelque chose de très important : il ne s’agit plus de savoir si c’est le mont Garizim ou Jérusalem qui est le lieu de l’adoration, Jésus parle d’une adoration « en esprit et en vérité ». Comme si ces montagnes saintes ou ces sanctuaires avaient vocation à disparaître au profit du sanctuaire intérieur. Et comment ne pas rappeler ici cette démarche d’authenticité, d’intériorité, de discrétion, d’intimité, que nous étions appelés à faire lorsque nous avons pris le départ le Mercredi des cendres. Jeûner mais dans le secret, prier mais dans le secret, partager mais avec discrétion. Que le Seigneur seul soit témoin de nos bonnes actions. On nous avait mis sur un chemin d’intériorité, et ici, on voit une femme qui fait, elle aussi, un vrai chemin vers la profondeur et aussi vers les sommets. Première chose que je retiens : un signe dans cette conversation et le cheminement dont elle est l’occasion.

Et Puis, une deuxième chose : c’est ce que le Seigneur lui dit. Vous avez observé comment on passe de l’extérieur à l’intérieur. L’extérieur, c’est la corvée d’eau, l’extérieur, c’est Jésus qui a simplement soif et  besoin de se désaltérer. Mais l’intérieur, l’intériorité, c’est ce que le Seigneur va donner. On connaît bien ces deux registres sur lesquels joue toujours saint Jean. Il y a l’eau qu’il demande, mais il y a l’eau qu’il s’apprête à donner et ce que je retiens le plus, c’est la formule que Jésus va utiliser et que je cite ici, dans la traduction de la TOB : « Quiconque boit de cette eau-ci (celle du puits) aura encore soif ; mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif » et, surtout, ce verset que je voulais vous proposer : « au contraire, l’eau que je lui donnerai deviendra en lui, une source jaillissant en vie éternelle. » 

Il y a là un don, un don de grâce, quelque chose de ressourçant, de renouvelant, que le Seigneur entend installer à l’intime de chacun, de chacune d’entre nous et à l’intime d’ailleurs de tout homme, toute femme, de bonne volonté. Une source intérieure,  peut-être celle dont parle saint Jean de la Croix : « Je connais une source qui jaillit et qui sourd mais c’est de nuit. » Cette source c’est la foi, cette source c’est la relation à Dieu et cette source-là c’est celle qui se reçoit de la source première. C'est-à-dire que ce qui est en nous « source jaillissante en vie éternelle »,  elle est d’abord source jaillissant au cœur de Dieu, pour nous, en vie éternelle.

Un dernier trait, que je note : la liberté de cette femme qui consent à converser avec le Christ à cheminer avec lui, à se laisser déplacer ; qui consent à se laisser déplacer mais qui surtout ouvre les yeux sur le Mystère de Celui qu’elle a en face d’elle. Tant et si bien que elle ne peut s’empêcher d’aller partager sa rencontre avec les gens de son village ou de sa cité. La rencontre entre Jésus et la Samaritaine débouche sur cette autre rencontre entre les gens du coin et Jésus lui-même, de sorte qu’à la fin, ils peuvent dire à la femme : « ce n’est plus sur tes dires que nous croyons ; nous l’avons entendu nous-mêmes » et nous avons ajouté foi à ce qu’il dit, à ce qu’il est. De sorte que Jésus va rester un peu de temps avec eux, avec les Samaritains, et le groupe des croyants, des disciples, va s’étoffer.

Aujourd’hui, troisième dimanche de carême, premier scrutin pour les catéchumènes, vivons nous aussi cette simple rencontre avec le Sauveur. Dans une simple rencontre il peut se jouer tellement de choses dans la profondeur : on part de la superficialité et ensuite, on prend les chemins du cœur pour goûter une recherche qui nous conduit dans la profondeur et dans la clarté, pour goûter une recherche qui finalement nous recentre sur nous-mêmes pour ne pas aller trop nous disperser à l’extérieur à chercher du sens à la vie, un amour qui pourrait se donner ou la force dont on a toujours besoin. Vivons cette rencontre, qui peut donner lieu à tellement d’autres rencontres.

Je vous livre en terminant un passage et la conclusion de l’homélie de l’archevêque de Paris, Monseigneur Laurent Ulrich, lors de l’appel décisif. Il évoquait la rencontre que les catéchumènes ont faite à un moment de leur vie. Il évoquait ce qu’avait représenté pour beaucoup le simple fait d’entrer dans une église et d’y trouver la paix. Sa formule : « Entrer dans une église c’est un peu comme monter à l’arbre de Zachée, c’est un peu comme aller à la recherche de Celui de qui nous tenons la vie, c’est être un peu comme celui qui désire voir passer Jésus dans sa vie. » Après avoir goûter la joie de la rencontre, vient le temps d’aller partager cette joie. Et l’archevêque de dire aux catéchumènes - en leur adressant un appel personnel : « Va à la rencontre des frères pour leur dire la lumière que tu as trouvée, ou mieux encore, sans leur dire la lumière que tu as tournée, les aider sur le chemin où ils la trouveront aussi. » Je retiens cette formule qui nous suggère, plutôt que d’être des prosélytes, d’être des frères et des soeurs accueillants et disponibles. Disponibles à tout dialogue.

Dans tout dialogue en quête de vérité, soucieux de respect et ouvert à l’amour, le Seigneur peut se révéler. Il l’a fait avec la Samaritaine, il l’a fait par la Samaritaine à l’égard des villageois, il n’attend que de le faire  pour nous et par nous.

AMEN

Abbaye
Notre Dame de
Jouarre