Il semble qu’il n’y ait pas ici matière à discussion, contrairement à une manifestation pour laquelle il y a les chiffres du Ministère de l’Intérieur et les chiffres des organisateurs : on compte et on recompte et les écarts peuvent aller de 1 à 4.
Ici, on est tranquillement assis sur la plage, après avoir remonté le filet : 153 gros poissons, pas un de moins, pas un de plus. Pêche si extraordinaire que l’on a dû prendre le temps de compter et de recompter : un tel nombre ne s’invente pas : certitude de l’événement, précision du chroniqueur, attestation d’un témoin de la scène ? C’est la pêche de l’année : 153 gros poissons.
153, c’est le nombre d’espèces de poissons connues à l’époque de la rédaction de ce récit, c’est comme si l’on disait qu’un poisson de chaque espèce était présent dans le filet. Rappelez-vous le récit du déluge dans lequel il nous est dit qu’un couple de chaque espèce était dans l’arche. 153 gros poissons et le filet ne se déchire pas !
153, c’est aussi la somme des chiffres et nombre de 1 à 17 : 1 + 2 + 3 … +15 + 16 + 17 = 153.
10 comme les dix doigts de nos mains, comme les dix commandements, comme les dix paroles de Dieu qui, lors de la création, dit et cela se fait. 7 c’est le chiffre de la perfection, comme les 7 dons du Saint Esprit et les 7 sacrements, car 7 c’est la somme de 4 : le chiffre de la terre : les 4 points cardinaux, les 4 éléments, et 3 : le chiffre du ciel, comme les 3 personnes de la Trinité. Serait-ce une manière de nous dire que l’activité de l’homme, la pêche, intéresse aussi bien la terre que le ciel. Peut être une manière de nous dire en quoi consiste être pécheurs d’hommes !, et cela concerne l’universel : toutes les espèces de poissons ; et cela concerne toute l’activité de l’homme en vue de l’union parfaite du ciel et de la terre réunis. Le but de l’activité de l’homme c’est de rassembler, et il n’y a rien à craindre puisque le filet ne rompt pas.
Dans un premier temps, tout parait fini, terminé, achevé ; c’est le moment de passer à autre chose. Après la mort de Jésus, le petit groupe s’est disloqué : l’un est mort, les autres sont retournés à leurs activités premières. Il y a Pierre, lui qui par trois fois a juré ne pas connaître Jésus ; il y a Thomas, le jumeau, celui qui a refusé de croire la communauté, puis qui a vu et qui a cru ; il y a Nathanaël de Cana, le lieu du premier signe de Jésus, le jour où pour la première fois ses disciples ont vu sa gloire ; il y les fils de Zébédée, c'est-à-dire Jacques et Jean, eux qui avaient souhaité être l’un à la droite et l’autre à la gauche de Jésus, lorsqu’il viendra dans sa gloire, dans son royaume. Et il y a deux autres. Qui ? Là nous ne savons pas, mais l’essentiel c’est que tous les présents forment un groupe de … 7, si vous avez bien compté. 7 disciples, encore ce chiffre 7 : chiffre de la terre et du ciel, chiffre de la perfection.
Ils sont 7, et ils sont au bord du lac, après avoir été toute la nuit à pêcher sans rien prendre. Ce lac, c’est celui de Tibériade. Que d’événements vécus là avec Jésus. Ce fut pour 4 d’entre eux : Pierre et André, Jacques et Jean, le lieu de leur vocation ; c’est le lieu de la prédication de Jésus depuis une barque tant la foule est nombreuse sur la rive ; cette rive qui est le lieu de la multiplication des pains : 4 000 hommes nourris sans compter les femmes et les enfants, et il reste 7 corbeilles ; c’est le lieu de la tempête apaisée, événement durant lequel ils se sont fait reprocher leur manque de foi manifestée par leur peur alors que Jésus, lui, sur le coussin, à l’arrière, dormait, comme absent, étranger à ce qui est en train de se passer ; c’est le lieu de la marche de Jésus sur la mer, occasion pour Pierre de le tenter « si c’est toi, ordonne que je vienne à ta rencontre » mais par manque de foi, le voici qui s’enfonce : « Seigneur, sauve-moi »
Ce lac, c’est le lieu où Jésus leur a permis déjà une première pêche miraculeuse, miracle qui a décidé de leur vocation, instant où ils ont tout quitté, car en cet homme ils avaient pressenti quelque chose en même temps qu’ils prenaient conscience devant lui de leur condition de pécheurs. C’est en ce lieu qu’ils ont appris le projet que Jésus avait pour eux : « je ferai de vous des pêcheurs d’hommes. »
Aujourd’hui, tout apparaît comme fini, terminé, achevé. Ils ont travaillé toute la nuit, ils reviennent bredouilles. Rien, pas une prise, c’est la crise.
Alors, on rentre : c’est l’heure du lever du soleil, c’est l’heure d’un nouveau jour qui commence, et c’est l’heure où Jésus est présent sur la rive ; le lever du soleil c’était déjà l’heure de sa résurrection, c’est l’heure où il est là : c’est bien lui, et pourtant il n’est pas reconnu.
C’est cet homme là, qui, depuis la rive, fait l’aumône d’un petit quelque chose à manger : du poisson, alors qu’il y a du pain près de lui : pain – poissons : cela renvoie à la multiplication des pains. Et voici qu’à partir de sa parole, tout va se déclencher, démarrer, se manifester : « c’est le Seigneur ! » Il aura fallu passer de la nuit au lever du jour, de l’absence de prise à une pêche miraculeuse ; d’un filet jeté à un filet remonté dans la barque ; il aura fallu surtout la présence du Seigneur enfin reconnu « c’est le Seigneur ». Tant qu’ils étaient dans la nuit et qu’il était absent, rien n’était possible. Maintenant il est là : tout est possible : la pêche est exceptionnelle, le signe est éclatant, la présence est interprétée, déchiffrée, reconnue.
= C’est le temps de l’Eglise qui commence : eux, les pêcheurs lancent leur filet, ce filet qui ne se rompt pas, le rassemblement est considérable ;
= c’est le temps du témoignage : c’est le disciple que Jésus aimait qui dit à Pierre ce qu’il croit de celui qui est là, sur le bord du lac ;
= c’est le temps de la reconnaissance : voici Pierre qui s’habille pour se jeter à l’eau et aller vers le Seigneur. Quelle idée. Mais il est comme Adam qui s’était couvert devant le Seigneur qui se promenait dans le jardin. Adam avait bien réalisé qu’il avait péché, après avoir mangé avec Eve le fruit défendu. Pierre a-t-il la même conscience devant son Seigneur ?
= c’est le temps de la communauté : les autres arrivent avec leurs barques pour aider à tirer le filet ;
= c’est le temps où l’homme fait l’expérience de la distance qui existe entre lui et son Seigneur : par trois fois il lui faut entendre « m’aimes-tu ? » et par trois fois, il lui faudra répondre : « Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime », parce que par trois fois il avait osé dire « non je ne connais pas cet homme »
Et c’est de cette parole d’amour que naitra la charge pastorale : « sois le pasteur de mes brebis »
Mais c’est Jésus qui restera le véritable pasteur de son Eglise : « sois le berger de MES brebis »
Alors dans un premier temps, on avait bien cru que tout était fini, terminé, achevé, mais aujourd’hui, premier jour d’une semaine de 7 jours, n’est-ce pas le jour où nous reconnaissons le ressuscité présent,
Le jour où nous l’appelons « Seigneur »,
Le jour où nous avons conscience d’être pécheurs devant lui,
Le jour où nous partageons son repas comme celui qu’il avait lui-même préparé sur la rive,
Le jour où le Seigneur prend le pain et le donne à chacun de ses disciples,
Le jour où il nous envoie comme pêcheurs d’hommes : « confiance, le filet ne rompt pas. »
N’est-ce pas là ce qui se vit durant notre messe ?