Homélie
Prière universelle
Homélie du P. Désiré

Frères et sœurs, la semaine dernière, le Seigneur Jésus nous invitais à chasser nos fantômes pour écouter sa voix inimitable qui nous dit, « c’est moi », « confiance », « n’ayez pas peur » et qui nous souffle toujours la direction à prendre afin qu’autour de nous, « amour et vérité se rencontrent » et que « justice et paix s’embrassent ». Aujourd’hui, la « logique de l’élection » est au centre de la parole de ce dimanche. Cette logique veut que Dieu ait choisi le peuple d’Israël pour se révéler à lui ; et qu’il revient au peuple élu de relayer cette révélation auprès des autres peuples.

En ce sens, saint Paul que nous avons lu dans la deuxième lecture s’était d’abord adressé prioritairement aux Juifs. Et, c’est seulement dans un deuxième temps, après son échec auprès de la majorité des Juifs, que Paul s’est tourné vers les païens. Jésus, dans l’évangile, se situe également dans cette logique de l’élection. En effet, c’est « aux brebis perdues de la maison d’Israël » (Mt 15, 24), dit-il, qu’il a été envoyé pour annoncer la venue du royaume de Dieu et en donner des signes par sa parole et par ses actes. Il va même plus loin en justifiant son refus d’intervenir pour les non-juifs représentés ici par une Cananéenne : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens » (Mt 15, 26).

Derrière cette « logique d’élection » se cache un problème de fond qui demeure encore aujourd’hui dans nos sociétés. Ce problème, c’est le rapport à l’étranger. Concrètement, il s’agit de savoir jusqu’où les communautés dites nationales ou locales doivent-elles aller pour accepter de s’ouvrir à ceux qui ne leur ressemblent pas ? Ceci nous amène alors à nous demander si Dieu a des préférences ou s’il aime tous les hommes ?

Quoique de contexte historique et des circonstances concrètes différentes, la parole de Dieu que nous avons écoutée fait résonner avec la même intensité la miséricorde de Dieu pour tous. L’amour de Dieu n’a point de préférence ; avoir élu un peuple chez qui il a fait sa demeure, et à qui il a annoncé en premier sa parole, ne fait pas de ce peuple le premier d’entre tous, puisque lui-même par la bouche du prophète Isaïe : « ma maison s’appellera ‘Maison de prière pour tous les peuples’ » (Is 56, 7c). La terre qu’il a donné aux hommes est à tous. C’est notre Pachamama, notre terre-mère. Nous avons la responsabilité de la gouverner et non de la confisquer.

Certes, les différences de cultures, de traditions, de religions, etc., peuvent nous heurter. Mais, s’il y a de la place pour la miséricorde divine dans nos cœurs, ces différences peuvent se résoudre pour un vivre ensemble communautaire dans l’harmonie. Cela nécessite, cependant, des efforts de toutes parts accompagnées des conditions de faisabilités. Le prophète Isaïe dans la première lecture nous en donne deux. En premier lieu, l’ouverture d’esprit pour accepter ceux qui veulent de bonne foi entrer dans la communauté. Dans le contexte juif de son temps, Isaïe établit clairement les conditions de cette ouverture : garder les sabbats, pratiquer l’alliance, faire ce qui plaît au Seigneur. Ce qui revient à dire que les nouveaux venus ont un minimum de règles locales qu’ils doivent respecter ; mais les peuples qui les accueillent sont aussi appelés à leur apporter un minimum de conditions dignes et descentes pour faciliter leur ancrage local. En second lieu, comme il est difficile de conjuguer ouverture et maintien des traditions, tolérance et fidélité, le prophète Isaïe ouvre sur une annonce prophétique et replace la règle pratique dans la perspective du projet de Dieu : « Ainsi parle le SEIGNEUR. Observez le droit, pratiquez la justice. Car mon salut approche, il vient, et ma justice va se révéler » (Is 56, 1). En clair, quiconque (natif ou étranger dirions-nous) observe le droit et pratique la justice est admis dans la Maison de Dieu. « Car, ainsi parle le Seigneur, ma maison s’appellera Maison de prière pour tous les peuples. » (Is 56, 7c).

Dans l’évangile, Jésus, lui, va aller plus loin ; d’abord en acceptant lui-même de se rendre en territoire païen (la région de Tyr et Sidon), là où justement, tout le monde est impur aux yeux des Juifs puisque personne n’y respecte les règles de pureté de la loi juive. Bien plus, il va agir en faveur de la Cananéenne en réponse à sa foi qu’il est bien obligé de reconnaître : « Femme, dit-il, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux » (Mt 15, 28). Mais qu’est-ce que la foi, sinon s’obstiner à faire confiance comme cette Cananéenne dont le cœur est rempli d’amour pour sa fille au point de ne se laisser repousser sous aucune raison : « les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres » (Mt 15, 27). Quelle ténacité ! A l’instar de Jésus qui n’exige de cette étrangère aucune des pratiques de la religion juive sinon la foi, Saint Paul, l’apôtre des païens en verra de même. Au nom de la foi, Jésus et Paul, enseignent que les païens, les étrangers devraient être admis dans la communauté juive-chrétienne parce qu’eux aussi font partir du peuple de Dieu. Il n’est donc point question de les assimiler.  

Accueillir, frères et sœurs des étrangers, n’a pas changé le plan de Dieu pour son peuple. Le peuple de Dieu en tant que peuple élu n’a jamais été et ne sera jamais remplacé par les païens car l’Alliance offerte par Dieu au Sinaï ne peut pas être reniée parce que : « Les dons gratuits de Dieu et son appel sont sans repentance » nous a dit Saint Paul dans la deuxième lecture que nous venons de lire (cf. Rm 11, 29).

Chers frères, ce qui est arrivé à jamais au peuple juif est aussi valable aujourd’hui pour nos sociétés dites avancées. Ne laissons donc pas que les sirènes de la peur, qui diabolisent toujours les étrangers, détruisent la qualité de notre devoir de charité et d’ouverture aux autres. Quoiqu’il en soit Dieu pour sa part, continuera à donner à tous sa grâce par amour en respectant la liberté de tous et de chacun. Mais, si cette liberté va jusqu’à refuser la grâce, notre existence sera vite de Dieu jusqu’au jour où de notre mal, il fera à nouveau surgir le bien.

Plaise au Seigneur d’ouvrir nos cœurs à son amour ouvert à tous et « Que Dieu nous prenne en grâce et nous bénisse, que son visage s’illumine pour nous » (Ps 66/67, 2)

Prière universelle

Par le baptême, le Seigneur nous a institués missionnaires ;
remettons-nous dans cette perspective
pour relayer l’appel universel au salut en Jésus Christ.

« Les étrangers, je les conduirai à ma montagne sainte », dit le Seigneur par le prophète Isaïe.
Pour le Pape François qui ne se lasse pas de rappeler l’accueil de l’étranger,
et pour les ministres de l’Église appelés aux frontières,
prions ensemble.

R I 29 : Exauce-nous, Dieu notre Père

« Tu gouvernes les peuples avec droiture » dit le psalmiste.
Pour que les cœurs des décideurs s’ouvrent au partage, dans notre monde globalisé,
prions ensemble.

« Dieu a enfermé tous les hommes dans le refus de croire
pour faire à tous miséricorde », dit saint Paul aux Romains.
Pour que le Seigneur ôte la gangrène
de nos résistances et de nos hypocrisies dans les relations humaines,
prions ensemble.

« Femme, ta foi est grande ! » dit Jésus à la Cananéenne.
Pour que le Seigneur exauce les prières qui montent du cœur de chacun d’entre nous ce matin,
surtout s’il se sent rabroué et rejeté,
prions ensemble.

Dieu notre Père, puisqu’il suffit de prier avec foi pour être exaucé,
veuille incliner ton cœur et accueillir notre prière,
par Jésus le Christ notre Seigneur.
Amen

Abbaye
Notre Dame de
Jouarre