Dans l’histoire, on n’a pas toujours rendu service aux saints. Non seulement en martelant leurs visages aux portails des cathédrales, mais sans doute pire, en écrivant , avec les meilleures intentions du monde, leur vie en un style bien pensant, souvent affligeant de fadeur et de mollesse.
Ici il n’y a pas de statues de saints, à part celle, fort belle, de la Vierge Marie. On ne les voit pas affublés d’habits de parade qui les rendraient bien incapables de faire le ménage ou de scier une planche. Même St Benoit et Ste Scholastique n’ont droit qu’à un petit vitrail bien caché…
On leur a vissé sur la tête des couronnes de crainte qu’ils ne passent inaperçus.
Bref on les a souvent déshumanisés, oubliant qu’ils ont eu mal aux dents, des cors aux pieds, de l’arthrose comme tout le monde.
J’aime bien entendre Ste Thérèse déclarer : « quelle savate d’omelette on m’a servi dans ma vie. On croyait que je l’aimais ainsi, toute desséchée. Il faudra faire attention, après ma mort, à ne pas donner cette saleté aux pauvres sœurs » Ou bien entendre le Padre Pio, au début de la messe, s’en prendre aux femmes qui faisaient trop de bruit pour être au premier rang…
Les saints ne sont pas seulement des témoins et la mémoire de l’Église, ils en sont la substance. On a dit qu’ils sont la santé du monde. Ils assurent l’équilibre des fonctions de ce que St Paul a osé nommer le Corps du Christ, ce corps dont nous sommes les membres, et dont nous savons bien qu’il est parfois malade, fatigué, avec des articulations qui ne répondent plus bien à ce que demande la tête. Mais les saints apportent une poussée de vie, un sang nouveau. Ils sont la jeunesse du monde, le printemps de l’Église.
Il était sur le bord du chemin, un aveugle, mais pas n’importe lequel. St Luc nous donne son nom : Bartimée. Jusqu’alors nous ne connaissons aucun d’entre eux par leur nom. Cette rencontre doit donc offrir quelque chose de particulier.
Le long du chemin, il est plus ou moins marginal, dépendant des autres pour exister, mais il y a en lui un extraordinaire désir de vie qui éclate d’abord dans un cri : « Fils de David Jésus, aie pitié de moi ! » un cri qui rejoint celui de tous les opprimés de la terre, des malades dans les hôpitaux, des captifs dans les prisons.
Son cri touche Jésus, il le reconnait comme Messie, Envoyé de Dieu parmi les hommes. On a beau le menacer, il crie de plus belle. Rien ne peut l’arrêter.
Jésus lui, s’arrête. C’est comme dans un film, arrêt sur image, un moment exceptionnel que cette rencontre de Jésus venu pour donner sa vie, et de cet homme démuni qui s’offre à lui en criant vers lui. Tout le mystère de Jésus Sauveur est là, il est venu pour chercher et sauver ce qui était perdu. Nous sommes déjà dans la Passion !
Le Fils de l’homme, ainsi Jésus se désigne-t-il, en parlant de lui-même. Il laisse entendre qu’il est plus que lui-même, plus que ce que l’on voit en lui. De fait il entre dans la peau du personnage du Fils de l’homme, un personnage qui a un programme à suivre, des actes à poser, écrits dans le Livre, une Parole à accomplir. Il obéit à l’Écriture et la mène à son terme. Il vient exercer le jugement de la fin des temps, juger le monde. Mais lui va être jugé par le monde pour le sauver. Tel est le contexte de l’évangile du jour avec en particulier l’annonce de la Passion.