N’allons pas croire que Jésus passe à travers les portes. Si ses disciples le voient tout à coup dans la pièce où ils étaient enfermés, c’est qu’il était déjà là, d’une présence invisible, mais non moins vraie. Peu à peu ils se souviendront de ce qu’il leur avait dit lors de leur dernier repas : « Moi en eux et Toi, le Père en moi, pour qu’ils soient parfaitement un » Jn 17/20.
Le Christ se trouve partout où nous sommes. Les portes sont fermées, non pour permettre d’entrer, mais pour que nous puissions sortir « Je vous envoie » dit Jésus. Il a dit qu’il ferait des croyants réunis sa demeure. Donc là où se trouve le disciple se trouve le Christ. C’est chacun de nous qui devient sa demeure, chacun de nous dans la mesure où il est comme Lui, tourné vers le Père et vers les autres.
Et Thomas, si proche de nous, patron des mauvais croyants que nous sommes, il n’était pas là quand Jésus est apparu. Deux d’entre eux sont repartis vers leur village, eux sont restés, peut être avec le secret espoir que quelque chose va se passer. Lui Thomas, ne les a pas abandonnés, puisque « huit jours plus tard » il est avec eux. Huit jours pendant lesquels ils ont pu parler des événements, essayer de comprendre, de croire, de se souvenir de telle ou telle parole de Jésus, de l’Écriture. Huit jours après c’est le signe qu’après les six jours de la création et le septième consacré au repos de Dieu, voici le jour d’une ère nouvelle, d’une nouvelle création.
La foi juive connaissait la résurrection des morts à la fin des temps, mais ce qui venait d’arriver était tout à fait inattendu. Une résurrection en plein milieu de ce temps c’était proprement incompréhensible. Jésus leur en avait parlé, mais ils n’avaient pas compris.
On voit alors ces hommes et ces femmes affrontés à un double défi :
-croire en un messie crucifié. Personne n’y avait pensé. Le messie ne pouvait être que victorieux. Trois ou quatre savaient déjà : Marie et Jean, le bon larron, le centurion…
-croire ce messie vivant.
Il fallait alors relire l’Écriture autrement, découvrir en elle ce qui restait caché et qui apparaissait alors en pleine lumière. Croix et résurrection devaient aller de pair.
Homélie
En cet instant, nous ne pouvons que regarder Jésus en croix ; « Je n’ai voulu connaître parmi vous que Jésus Christ et Jésus crucifié », disait saint Paul, mais il ajoutait aux corinthiens :
« Si nous avons connu le Christ selon la chair, ce n’est plus ainsi que nous le connaissons maintenant »
2 Cor 1/16.
Connaître selon la chair, c’est en rester au sentiment, comme ceux qui n’aiment pas le vendredi saint parce que c’est triste ou à la douleur de voir un homme mourir cloué sur une croix. Elle est terrible cette souffrance. Qui peut rester insensible devant ce que nous venons d’entendre ? Elle se poursuit aujourd’hui dans le monde, dans les hôpitaux, les prisons, à Idlib, Gaza ou en Yemen.
Mais nous ne pouvons pas en rester là.
Connaître selon l’Esprit, c’est déjà se souvenir des dernières paroles de Jésus en croix ; Il ne condamne personne. « Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Il ouvre la porte du ciel « Ce soir tu seras avec moi au Paradis ». Il ouvre le chemin de l’Église : « Voici ton fils, voici ta mère »
Connaître Jésus selon l’Esprit c’est le voir comme ces artistes du Moyen Age qui, au tympan de St Clément de Rome ont figuré la croix avec à son pied des sources d’eau vive irriguant un jardin de fleurs et abreuvant des animaux. « Toi qui est vraiment saint, toi qui es la source de toute sainteté… »
Ta croix Seigneur est source de toutes les bénédictions, la cause de toutes grâces.
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