L’ENTREE DANS LA VILLE
Tout a commencé par un malentendu lors de cette entrée à Jérusalem ; C’est un drôle de roi qui est entré, sur une ânesse, une monture peu glorieuse, même quand il faut accomplir l’Ecriture, une monture qui ne lui appartient même pas, avec comme escorte une foule de Galiléens, ces gens mal vus de ceux de Jérusalem. Rien de bien triomphal, tout aussi déconcertant que la crèche de Bethléem.
Mais pour les apôtres c’est enfin l’accomplissement de ce qu’ils espéraient. Jésus prend possession de la ville royale, la cité de David, la ville sainte où il doit inaugurer le Règne de Dieu.
Mais on est en pleine méprise. Il en va souvent de même avec les foules qui poussent en avant un homme fort, un leader politique : combien d’exemples dans l’histoire à la naissance des dictatures ! Les faibles ont plus que d’autres besoin d’un pouvoir fort.
Ici la foule va devoir mettre sa foi en un Christ crucifié.
Tout au long du récit de la Passion, nous avons vu s’affronter comme deux logiques, celle du péché et de la mort et celle de la vie.
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« L’heure » n’est pas encore venue. Elle approche. Jésus le sait, et il éprouve à la fois désir, angoisse et crainte. Nous imaginons trop souvent un Dieu imperturbable, une sorte de sphinx, à l’abri de toute émotion. Tel n’est pas le Dieu de Jésus Christ. Nous le voyons en proie à une vive émotion quand il apprend la mort de Jean Baptiste, ou quand il se heurte à l’incrédulité de ses compatriotes. Il tressaille de joie sous l’action de l’Esprit Saint, s’émerveille de la foi du centurion ou de la cananéenne.
Aujourd’hui nous le voyons bouleversé d’une émotion profonde. Devant le cadavre de son ami Lazare, il pleure. Jésus n’a pas triché avec son humanité. Ce n’était pas une sorte de vêtement d’emprunt, extérieur à lui-même. Il partage avec nous les mêmes sentiments, les mêmes douleurs et c’est nous qui le faisons passer par là.
Certains s’imaginent que s’ils avaient la foi, ils n’auraient pas peur de souffrir ou de mourir. Ils n’ont jamais lu l’évangile. Nous nous trouvons tous un jour comme lui devant le tombeau d’un être cher. Si nous ne croyons pas que Dieu nous arrache à la mort, au néant, en faisant avec lui ce terrible passage, nous ne connaissons pas vraiment Jésus Christ.
Il y a dans ce que nous venons d’entendre toute l’histoire de l’humanité, une humanité aveugle, la nôtre. Jean la raconte à partir d’une remarque assez fréquente dans son évangile : « Jésus passait ». Notre Dieu n’est pas un personnage installé, insensible, immobile. Il passe et nous fait tourner nos regards à l’avance vers le grand passage de Pâques, celui du baptême.
Jean campe dans cette scène toutes les attitudes que les hommes vont prendre par rapport à Jésus :
- celui qui se sait aveugle et qui n’aspire qu’à la guérison. Il accèdera à la lumière par la foi.
- il y a ceux qui se désintéressent de la guérison parce qu’ils ne veulent pas d’histoires. « Tu veux devenir chrétien ? c’est ton affaire ». C’est le grand nombre des indifférents.
- Il y a ceux qui se croient lucides alors qu’ils ne font qu’utiliser leur savoir pour renforcer leur aveuglement.
- Il y a ceux qui croient pouvoir juger le mendiant guéri et le jettent dehors, lui et Jésus. Ils resteront dans leur cécité définitive.