ON VOUS A DIT, MOI JE VOUS DIS
Voici des mots bien simples, mais des formules étonnantes, qui heurtent, à moins de les entendre distraitement : tout un programme, une conception de la vie en contradiction avec notre comportement habituel. « On vous a dit, moi je vous dis » ; Jésus nous demande de sortir de l’esprit du monde, il énonce une loi nouvelle.
Tout n’est pas à prendre au pied de la lettre. Ainsi après avoir déclaré qu’il fallait tendre la joue gauche quand on vous frappe sur la joue droite, Jésus lui-même dans la Passion n’agit pas ainsi. Il ne tend pas l’autre joue, mais il demande : «Pourquoi me frappes-tu?» Remarquons qu'il ne se met pas en colère et ne cherche pas à se venger, il renvoie le garde à lui-même, l'invitant à s'interroger sur son comportement.
Dans notre évangile, il va plus loin : il nous demande de nous soumettre à la volonté de l'autre, même si cette volonté est mauvaise. Lui-même acceptera de donner sa chair et son sang, et nous demandera de faire la même chose en mémoire de lui. Ne pensons pas tout de suite au martyre : combien de parents sont amenés à se soumettre aux choix imprévus de leurs enfants devenant adultes ? Et les époux entre eux ?
À chaque instant nous sommes invités, d'une façon ou d'une autre, à donner notre vie, le plus souvent par petits morceaux, en attendant le don ultime et définitif.
Ici commence la présentation de la nouvelle loi. Nous sommes loin de ce que l’on cherche dans une religion : des pratiques à observer, des jeûnes, des rites par lesquels on mérite le salut. Jésus en parle peu au point que, quand on lit l’évangile, on pourrait croire qu’il nous appelle à vivre de bons sentiments en oubliant les anciens préceptes. Ce serait une grave erreur ! Il n’enlève rien de ce qui nous était transmis par Moïse et les prophètes, mais il nous invite à le vivre autrement, avec le cœur, dans la lumière de Pâques.
Mais c’est alors que commencent les oppositions : « On vous a dit, moi je vous dis », répété six fois, sans doute une habitude prise à la synagogue où, après une première lecture en hébreu et une traduction en araméen, chacun pouvait s’exprimer, en commençant par cette formule « vous avez appris qu’il a été dit, moi je vous dis » Jésus, quant à lui « parlait avec autorité » Mt 7/29
Jésus ne remet pas en cause les exigences de la Bible, il ne se contente pas non plus d’en faire le commentaire :
SEL ET LUMIÈRE Mt 5/13-16
Il y a une vingtaine d’années,le maire d’une ville voisine a convoqué les habitants d’un quartier où, à la suite de la disparition de bâtiments publics s’offrait la possibilité d’édifier un ensemble de logements populaires. La population du quartier était plutôt de classe dite moyenne.
Les réactions furent d’emblée défavorables au point que le maire en vint à s’écrier : « Existe-t-il encore des chrétiens parmi vous ? ». Lui-même n’était pas précisément chrétien, mais il savait que le sel de l’évangile devait se manifester. Combien aujourd’hui sont dans la même atttente ? Ils étaient salés, constitués sel. La plupart étaient baptisés et selon le rite ancien le prêtre leur avait même déposé un peu de sel sur la langue pour bien signifier ce qu’ils devenaient, appelés à donner du goût, de la saveur autour d’eux.
L’évangile ne s’en tient pas au sel fondu dans la masse, mais il fait appel aussi à la lumière aisément repérable, mise en évidence. Et Jésus insiste :
« Que votre lumière brille aux yeux des hommes …afin qu’ils glorifient votre Père qui est aux cieux ».
Pourtant il dira au chapitre suivant : « Gardez-vous de pratiquer votre justice aux yeux des hommes…que ton aumône reste dans le secret » Saint Augustin dans son sermon « sur les brebis » explique qu’il faut tenir ensemble les deux consignes. Ce qui fait la différence, c’est l’intention profonde de nos comportements : si notre but est d’être bien vu et d’en retirer quelque prestige, nous nous mettons en quelque sorte à la place de Dieu ; si au contraire nous cherchons à convaincre les autres de la valeur du message qui nous fait vivre, la « gloire » ne vient pas sur nous, mais va à Dieu.