Avouons-le, le dogme de la Trinité est peut-être, dans la foi chrétienne, celui qui est le plus difficile à admettre. Aussi bien juifs que musulmans, avec lesquels nous partageons la foi en un Dieu unique, ne comprennent pas pourquoi les chrétiens ont imaginé une chose pareille. Hérétiques pour les juifs, associateurs pour les musulmans, ils refusent de nous reconnaître comme eux fils d’Abraham.
En ceci il ne s’agit pas de théorie, mais d’expérience, celle des disciples de Jésus qui, avec lui, ont appris à nommer Dieu le Père, tout en le découvrant lui, Jésus, comme l’Envoyé du Père, image parfaite du Père, en même temps qu’il leur promettait la venue d’un Autre lui-même, présent dès l’origine, mais capable de défendre sa mémoire et d’assurer à tout jamais, sous une autre forme, sa visibilité.
C’est bien de la vie avec Jésus que naît la conviction que Dieu est l’unité des trois.
Quand nous ouvrons le journal, nous pouvons déplorer bien des discours, des attitudes, des projets qui n’honorent pas l’homme, mais ne doit-on pas reconnaître aussi ce qui provoque l’homme à être plus homme, à élargir ses horizons ? C’est comme si un peuple tout entier était à s’occuper des affaires de l’État, à regarder plus loin que le bout de son champ, à être participant de la vie des autres, du bien de la société.
Regardez de plus près, me diront certains, ce qui motive chacun, c’est son ambition, la défense de ses petits intérêts individuels. Peut-être ! Mais n’y a-t-il pas en l’homme ce petit coin de lui qui se laisse toucher par la misère du malade, du chômeur, de l’exclu. Ce lieu qui ne supporte pas l’injustice et se montre capable d’être mobilisé par de grandes causes et plus encore par des témoins de la vérité, de la liberté, qui osent et se risquent.
A la Pentecôte, ceux qui sont à Jérusalem viennent de tous les coins du monde connu. Ils ne sont ni meilleurs ni pires que nous. Quand ils entendent Pierre et les autres chanter les merveilles de Dieu et proclamer la Bonne Nouvelle :
ils sont rejoints dans ce coin d’eux-mêmes qui aspire à autre chose,
qui attend qu’enfin advienne un monde nouveau.
Et le miracle se produit.
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Tout au long de notre lecture de Saint Jean, nous sommes souvent revenus sur cette première question posée à Jésus par Jean et André lors de leur première rencontre, sur les bords du Jourdain : « Où demeures-tu », c’est à dire « D’où viens-tu ? » Lui n’a jamais cessé de les introduire peu à peu dans son intimité, dans ce secret qu’il voulait leur faire partager, à la fois ce qu’il est pour eux et ce qu’il n’a jamais cessé d’être, le Fils bien aimé du Père.
Eux n’ont jamais cessé de s’interroger à son sujet, d’hésiter pour le reconnaître, de buter sur des paroles ou des comportements qu’ils ne comprenaient pas. Maintenant ils ont la réponse. Ils viennent de lui dire : « Enfin tu parles clair. Nous voyons maintenant que tu sais tout, pas n’est besoin qu’on t’interroge. Cette fois nous croyons que tu es sorti de Dieu » (16.30)
Reconnaître Dieu pour ce qu’il est, c’est toujours une tâche qui rencontre en nous bien des obstacles. Nous le soupçonnons d’être le rival de l’homme, de ne pas vouloir vraiment notre bonheur. Le serpent continue de murmurer à notre oreille : « Dieu vous a menti ». Pour beaucoup cela aboutit à ce que le Père et le Fils soient méconnus, refusés et que Dieu soit finalement exclu en la personne du témoin, le Christ.
L’heure vient où la vérité sur Dieu est rétablie par le Christ. La glorification de Dieu passe par le Christ et aussi par nous « Je trouve ma gloire en eux »(17.10) dit Jésus en parlant de ses disciples.