A la fin de son évangile, St Matthieu nous présente Jésus comme l’Emmanuel, Dieu avec nous, St Luc lui, déclare de façon assez surprenante :
« Pour eux, s’étant prosternés devant lui, ils revinrent à Jérusalem en grande joie »
Ne plus pouvoir entendre, voir, toucher quelqu’un que l’on aime, c’est une dure épreuve. Comment expliquer cette joie dont parle St Luc ?
Il arrive souvent qu’un sentiment nouveau apparaisse, la certitude d’une nouvelle présence de l’absent. Au souvenir du passé, l’on comprend mieux des attitudes, des paroles, le sens profond d’une vie. On s’engage alors à poursuivre une œuvre, à prolonger un engagement. C’est une approche très humaine de ce qu’ont vécu les apôtres après l’Ascension et la Pentecôte. Jésus les a quittés, mais soudain il est là, plus visible, plus réel que jamais. Disparu à leurs yeux, ils entrent dans un ordre de réalité jusque là inconnu.
Ils peuvent alors partir dans le monde dire que Dieu est avec nous jusqu’à la fin des temps.
Essayons d’approfondir un peu…
Je voudrais seulement essayer de commenter trois mots : commandement, demeurer et aimer.
Ces paroles de Jésus sont parmi les dernières qu’il est donné aux apôtres d’entendre, son testament, des paroles d’une exceptionnelle gravité. Mais l’on est surpris d’entendre que le dernier mot soit celui de commandement, une consigne, un ordre, un mot que nous n’aimons pas beaucoup.
L’aboutissement de notre foi serait-il une éthique, une morale, une façon de vivre ? Le mot est employé dix fois dans le chapitre. Pourquoi ?
Sans doute en référence aux commandements de la Loi pour faire apparaître ce qui en est l’âme, l’amour dont elle est issue. Elle n’a de sens que si nous aimons les commandements. Ainsi les conduites selon l’amour sont multiples. Elles sont l’effet de la réalité invisible qui nous habite, l’Esprit qui nous permet de donner sens à ce que nous vivons. L’Esprit est en nous comme la sève dans le cep et les sarments. Il est en nous présence du Père et du Fils, donc de cette relation d’accueil et de don qui fonde tout ce qui vit. Dieu demeure ainsi en nous et nous demeurons en lui dans la mesure où nous reconnaissons cette présence en nous. Rien ne se passe sans notre liberté. Il s’agit de faire notre demeure dans cet amour dont nous sommes aimés..
Trois mots par lesquels Jésus se définit, dit qui il est.
Trois mots qui peuvent également s’appliquer à Dieu : « Qui m’a vu a vu le Père. Je suis dans le Père et le Père est en moi »
Des mots qui disent la proximité, mais auxquels il ajoute la distance. Il doit partir pour rejoindre le Père.Les disciples ont du mal à comprendre, tout comme nous. Jésus va disparaître à leurs yeux pour leur préparer une place
« Vous reconnaîtrez que je suis en mon Père et vous en moi et moi en vous »
Il y a à la fois distance et intériorité réciproques. Dieu est là, il fait en nous sa demeure, mais nous avons à ratifier sa présence par un accord, un amen, un mouvement, par l’engagement de notre liberté.