L’évangile nous raconte ce qui s’est passé ce jour là quand Jésus prit avec lui Pierre Jacques et Jean, les plus proches parmi les apôtres, les premiers appelés pour gravir une montagne, comment au sommet ils ont été témoins de quelque chose d’extraordinaire quand le visage de Jésus devint resplendissant comme le soleil, ses vêtements blancs comme neige et comment ils entendirent une voix venue du ciel : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé »…
En réalité Jésus avait pris avec lui trois aveugles sourds et muets,
et il allait faire pour eux ce qu’ils lui avaient plusieurs fois vu faire :
guérir les yeux, les oreilles, la langue.
Aveugles, ils savaient beaucoup sur Jésus, tout ce qui les avait séduits, la nouveauté, la force de sa parole, tout ce qui les avait portés à le suivre, ce que nous aimerions mieux connaitre, la richesse de son humanité, mais ils ne le voyaient pas en lui la plénitude de la divinité, ce en quoi ils demeuraient des aveugles.
Sourds ils l’étaient quand il leur disait sa véritable identité, quand il remettait les fautes et muets quand ici même, comme Pierre ils ne savaient pas quoi dire, sinon de proposer la construction de trois tentes.
Et nous voyons Jésus faire avec eux ce qu’il faisait avec tous les infirmes de leur espèce, une longue entreprise de guérison, commencée au jour de leur appel, dans le compagnonnage quotidien. Aujourd’hui, à la veille d’une épreuve difficile, c’est une nouvelle étape du traitement, plus radicale, au cours de laquelle ils peuvent accueillir les prémices de la guérison. Si cet événement de la transfiguration ne concernait que Pierre, Jacques et Jean, ce serait déjà extraordinaire et aurait de quoi nous remplir d’admiration, mais il nous concerne au premier chef.
Pendant 40 jours Jésus va revivre l’épreuve vécue par son peuple pendant 40 ans.
Difficile de vivre au désert : Jésus va connaître la faim, la tentation comme nous de chercher la sécurité du pain quotidien par l’accumulation des richesses, l’illusion du pouvoir et de la toute-puissance dans la famille, le pays, l’entreprise, la tentation des « moyens courts ».
C’est d’ailleurs ce que le peuple lui demande, qu’il fasse des miracles, prenne la tête du peuple pour rétablir la souveraineté d’Israël.
Mais Jésus n’a utilisé sa puissance que pour guérir, nourrir, changer les cœurs.
Il refuse la publicité, une légion d’anges pour le défendre. Il a connu la fatigue et la soif au puits de Sichar, le chagrin à la mort de Lazare. Il a connu toutes nos ambitions classiques. Ses tentations sont les nôtres et aussi, par voie de conséquence, au long des siècles, celles de l’Église souvent tentée d’utiliser à son profit un pouvoir reçu d’un Autre.
Or c’est précisément dans sa manière de vivre son humanité que Jésus nous révèle sa divinité.
Une page d’évangile qui nous est offerte comme un beau bouquet avec plein d’images et de couleurs : regardez les oiseaux du ciel, la beauté de leurs plumages, la diversité des herbes, des semailles, les lys des champs…. A croire que Jésus avait lui-même cela sous les yeux, lors d’un beau printemps de Palestine. Regardez ce dont tout cela est le signe : le formidable souffle de vie qui anime la nature, cette nature dont nous sommes nous-mêmes partie prenante.
Si Jésus parle ainsi c’est pour nous conforter dans le choix initial de la foi, l’élan de la confiance. C’est déjà ce que disait le prophète Isaïe aux exilés de Babylone, alors que l’ensemble du peuple connaissait une terrible épreuve. Vous n’êtes pas abandonnés par Dieu. L’Alliance est là : « Une mère pourrait-elle abandonner son enfant ? »