Ces dix lépreux font penser à celui que Jésus a déjà guéri en Galilée. Mais d’un récit à l’autre les différences sont grandes. Ici, Jésus ne les trouve pas par hasard, ils viennent à sa rencontre. Ils ne tombent pas face contre terre en l’appelant Seigneur, mais ils élèvent la voix en l’appelant chef, voyant seulement en lui un homme revêtu d’autorité. Ils ne lui demandent pas d’être purifiés, mais se présentent seulement tels qu’ils sont dans leur situation de mis à l’écart. Ils ont entendu dire que Jésus fait des guérisons et ils disent simplement « Aie pitié de nous ! »
Aucun geste de guérison de la part de Jésus pas plus que le prophète Élisée pour Naaman le syrien. Un regard, une parole, c’est tout : « Faites route vers les prêtres ». Pour Jésus faire route, c’est aller vers Jérusalem, c’est affronter sa mort. Pour les lépreux, c’est aller se montrer aux prêtres en croyant à leur guérison. Ils ont donc eux aussi une épreuve à surmonter : croire cet homme. Jésus ne les guérit pas aussitôt comme il l’avait fait en Galilée. Il leur ouvre un chemin de foi très dépouillé : aller en s’appuyant sur sa seule parole, comme Pierre quand Jésus lui demande de jeter les filets. Ils s’y risquent et alors qu’ils sont en chemin, ils sont purifiés, restaurés dans tout leur être, rétablis dans l’alliance avec Dieu.
L’un d’eux, ayant vu qu’il était guéri, reconnait que cela vient de Dieu et le glorifie publiquement. Alors il revient vers Jésus et tombe à ses pieds en lui rendant grâce, lui qui était resté à distance au début. Il voit en Jésus bien plus qu’un chef, mais l’envoyé de Dieu, qui vient de le guérir. Or il est Samaritain, donc exclu de l’Alliance aux yeux des juifs. Mais désormais l’action de Dieu ne connait plus de frontières, sinon celles de la foi ou de son refus.
Ce sont les apôtres qui interviennent en faveur d’un supplément de foi. Les chapitres précédents traitaient des problèmes qui survenaient au sein de la communauté des disciples, les rivalités, le besoin d’être reconnu, les scandales mêmes, le besoin de patience de pardon. Tout ce groupe ne formait pas une communauté angélique !
Les apôtres dont nous parle S.Luc représentent les responsables des communautés chrétiennes. Ils sont particulièrement concernés par ce besoin de vigilance, de confiance : Ajoute-nous de la foi ! La foi ? Il n’est pas nécessaire d’en ajouter. Il suffirait d’une dose minuscule comme un grain de sénevé pour oser dire à un sycomore : « sois déraciné et va te planter dans la mer, et il obéirait ». L’image n’est pas à prendre au pied de la lettre bien sûr ! Elle veut dire que ce qui semble complètement impossible à nos yeux, Dieu peut le réaliser en eux. Telle est la foi de l’apôtre. Elle ouvre à l’action toute puissante de Dieu, maître de l’impossible.
En fond de tableau il y a l’amour des pharisiens pour l’argent. La parabole nous présente deux personnages principaux : le riche, qui s’habillait de pourpre et faisait la fête chaque jour, qui n’a pas de nom, comme si les richesses l’avaient étouffé, et un pauvre, sous son porche, qui ne peut même pas se rassasier de ce qui tombe de la table du riche. Les images sont fortes ; d’un côté la pourpre, le lin fin, de l’autre les chiens, les ulcères.
Le riche n’est pas présenté comme vraiment méchant. Il ne lui est pas d’abord reproché d’être riche, mais de ne pas voir la misère de Lazare à sa porte. Être riche en soi, n’est pas une faute, mais c’est une responsabilité. Il y a plusieurs façons d’être riche, les bonnes et les mauvaises. C’est dangereux, car cela incline à la suffisance plus qu’au partage. Le luxe, l’abondance, endorment les individus, les sociétés, les nations.
Arrive le moment de vérité :