En ces dimanches du temps pascal, nous revivons ce que les premiers disciples ont vécu au lendemain de la résurrection, l’événement qui bouleversait leur vie.
Les trois lectures que nous venons d’entendre nous en parlent.
La première, le discours de Pierre, reprend ce que Jésus dit aux disciples d’Emmaüs, quand après les avoir rejoint et écouté il les invite à relire ce qu’ils savaient peut-être par cœur, mais qu’ils n’avaient jamais compris, comment ces paroles d’Isaïe et des psaumes parlaient de ce qui venait de se passer.
Il est un point d’une grande importance que Pierre met en évidence. Nous entendons souvent dire que Dieu veut que le Christ meure sur la Croix pour payer nos dettes envers lui et subir le châtiment que nous méritons. Or ce n’est pas ce que dit Pierre : « Cet homme, livré selon le plan et la volonté de Dieu, vous l’avez fait mourir en le faisant clouer à la croix par la main des païens ». Attention aux mots. Certes Dieu a tant aimé le monde qu’il nous a donné son Fils, mais la question est : qu’avons-nous fait de lui ? Nous l’avons crucifié, éliminé de nos vies, de nos villes, de nos décisions importantes, nous ne pensons à lui que lors de grandes catastrophes ou pour meubler nos fêtes de famille. C’est ce drame que Jésus vient révéler au cœur de notre histoire.
La maladie, avec son cortège de souffrances, est l’un des thèmes récurrents des 150 psaumes. Faire siens les mots prononcés depuis des siècles dans la prière par des générations de croyants, et par le Christ lui-même, c’est s’engager sur un chemin de guérison, comme nous l’explique le frère François Cassingena-Trévedy, moine de l’abbaye Saint-Martin de Ligugé, en France.
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TROIS MILLIARDS DE MARINS
Anniversaire : voila vingt ans que j’accueille les marins de la marine marchande, à Marseille, puis à Casablanca. Vingt ans que je leur dis "Bienvenus à Marseille, bienvenus à Casablanca !" Et vingt ans qu’ils me regardent avec envie ou résignation, c’est selon ; parce que eux, les marins, ils passent neuf mois à bord de leur bateau, bien souvent sans avoir la possibilité de sortir, de mettre pied à terre ; avec juste un rien de connexion internet si vital, mais le plus souvent disponible seulement dans les ports. Enfermés dans leurs navires, comme dans une sorte de prison ; une prison qui flotte, qui fait le tour de la terre, ou plutôt de la mer, mais une prison quand même. Vous avez deviné ou je veux en venir : ils sont confinés ! Neuf mois de confinement chaque année, cela vous dit quelque chose ? Le confinement, c’est leur part de vie ordinaire, et marcher cent mètres sur un quai désert a pour eux une presque saveur de paradis.
Nous tous, aujourd'hui confinés, nous découvrons que dans leur vie invisible depuis la terre, ils nous précèdent ; ils ont quelques pandémies d’avance sur nous.
Ce matin, j’ai célébré une messe exceptionnelle, puisque nous sommes confinés, dans la communauté des sœurs franciscaines âgées ; une seule messe pour tout un mois de confinement. Je les ai traitées, non pas de tous les noms, mais d’un seul : je les ai traitées de marins. Parce que voila des années que je célèbre, quelquefois, la messe sur des bateaux en escale ; les conditions à réunir pour célébrer de telles messes relèvent de l’exceptionnel : que la durée de l’escale le permette, que le prêtre soit disponible, et les marins aussi… Et combien de fois la messe est annulée au dernier moment, le travail ou les conditions de l’escale primant sur l’office religieux. J’ai coutume d’expliquer aux chrétiens de terre que, quand je dis une messe à bord, je suis appelé à faire une année liturgique complète en quarante cinq minutes : Noël, Pâques et la Trinité d’un seul coup de messe. Et voila que, coronavirus et confinement obligent, nous sommes soudain dans le même bateau : bienvenus mes amis, bienvenus à bord ! Ce qui fait la vie quotidienne d’un grand million de marins de par le monde, trois milliards de terriens ne sauraient pas le vivre ?
Voilà vingt ans que je fais le même sermon, chaque fois que je dis la messe sur un bateau ; ce n’est pas par paresse, mais par essence. Ce que je leur dis, à ces pratiquants d’un seul jour : "Vous voulez être bons chrétiens ? La voie est limpide, à défaut d’être facile : chaque fois que vous faites au mieux votre boulot de marins, à la machine, sur le pont, à la passerelle, alors vous êtes les meilleurs chrétiens du monde, même à mille kilomètres de toute église. Il y va du salut de tous les marins du bateau (solidarité obligatoire à bord)".
Ce Jeudi Saint, fête de l’eucharistie, l’évangile de la messe ne parle pas d’eucharistie, mais de lavement des pieds, en lieu et place d’eucharistie. Ce n’est pas un hasard ni un oubli de Jean : le service des sœurs et des frères a pleine valeur eucharistique. Et aujourd'hui plus que jamais, le peu que nous faisons, les quelques signes d’amitié que nous donnons, dans le fond de notre confinement, depuis notre balcon ou grâce au téléphone, hors de toute église, ont pleine et totale valeur eucharistique.
Le coronavirus est une très mauvaise nouvelle. Mais découvrir que nous sommes trois milliards de marins sur terre, qui ont en partage l’humble service de leurs sœurs et de leur frères, je crois que c’est une bonne nouvelle.
Arnaud de Boissieu
Casablanca
Jeudi Saint de confinement
avril 2020