Trêves
En Syrie, au Yemen au Cameroun des trêves se signent pour s'unir et lutter contre l'ennemi commun : LE virus...
serait-il donc en train de mettre tout le monde d'accord ?
Jean de la Fontaine (notre voisin de Château Thierry) déjà avait décrit cela dans " Le chat la belette et le petit lapin " !
Du palais d'un jeune Lapin
Dame Belette un beau matin
S'empara ; c'est une rusée.
Le Maître étant absent, ce lui fut chose aisée.
Elle porta chez lui ses pénates un jour
Qu'il était allé faire à l'Aurore sa cour,
Parmi le thym et la rosée.
Après qu'il eut brouté, trotté, fait tous ses tours,
Janot Lapin retourne aux souterrains séjours.
La Belette avait mis le nez à la fenêtre.
O Dieux hospitaliers, que vois-je ici paraître ?
Dit l'animal chassé du paternel logis :
O là, Madame la Belette,
Que l'on déloge sans trompette,
Ou je vais avertir tous les rats du pays.
La Dame au nez pointu répondit que la terre
Etait au premier occupant.
C'était un beau sujet de guerre
Qu'un logis où lui-même il n'entrait qu'en rampant.
Et quand ce serait un Royaume
Je voudrais bien savoir, dit-elle, quelle loi
En a pour toujours fait l'octroi
A Jean fils ou neveu de Pierre ou de Guillaume,
Plutôt qu'à Paul, plutôt qu'à moi.
Jean Lapin allégua la coutume et l'usage.
Ce sont, dit-il, leurs lois qui m'ont de ce logis
Rendu maître et seigneur, et qui de père en fils,
L'ont de Pierre à Simon, puis à moi Jean, transmis.
Le premier occupant est-ce une loi plus sage ?
- Or bien sans crier davantage,
Rapportons-nous, dit-elle, à Raminagrobis.
C'était un chat vivant comme un dévot ermite,
Un chat faisant la chattemite,
Un saint homme de chat, bien fourré, gros et gras,
Arbitre expert sur tous les cas.
Jean Lapin pour juge l'agrée.
Les voilà tous deux arrivés
Devant sa majesté fourrée.
Grippeminaud leur dit : Mes enfants, approchez,
Approchez, je suis sourd, les ans en sont la cause.
L'un et l'autre approcha ne craignant nulle chose.
Aussitôt qu'à portée il vit les contestants,
Grippeminaud le bon apôtre
Jetant des deux côtés la griffe en même temps,
Mit les plaideurs d'accord en croquant l'un et l'autre.
Ceci ressemble fort aux débats qu'ont parfois
Les petits souverains se rapportants aux Rois.
Puisse le Raminagrobis de cette année, "arbitre expert en tous les cas", ne pas nous croquer tous !
L’ENTREE DANS LA VILLE
Tout a commencé par un malentendu lors de cette entrée à Jérusalem ; C’est un drôle de roi qui est entré, sur une ânesse, une monture peu glorieuse, même quand il faut accomplir l’Ecriture, une monture qui ne lui appartient même pas, avec comme escorte une foule de Galiléens, ces gens mal vus de ceux de Jérusalem. Rien de bien triomphal, tout aussi déconcertant que la crèche de Bethléem.
Mais pour les apôtres c’est enfin l’accomplissement de ce qu’ils espéraient. Jésus prend possession de la ville royale, la cité de David, la ville sainte où il doit inaugurer le Règne de Dieu.
Mais on est en pleine méprise. Il en va souvent de même avec les foules qui poussent en avant un homme fort, un leader politique : combien d’exemples dans l’histoire à la naissance des dictatures ! Les faibles ont plus que d’autres besoin d’un pouvoir fort.
Ici la foule va devoir mettre sa foi en un Christ crucifié.
Tout au long du récit de la Passion, nous avons vu s’affronter comme deux logiques, celle du péché et de la mort et celle de la vie.
Lire la suite : Rameaux 2020 - Homélie et Prière universelle
+ Bonjour […],
Désolée d’avoir un peu tardé à vous répondre… Le temps (entre autres !) de laisser retentir votre question [« les moines, comment font-ils ? »] bien profond en moi… et de laisser remonter à ma mémoire/mon cœur ce qui, de St Benoit, me semblerait pouvoir parler d’en ce moment.
Oui, on est moines, alors vivre confinés ça nous connait… et en même temps…
Ce que je vous partage là est vraiment une parole en « je », un « je » qui a bien conscience que l’habit ne fait pas le moine – ni la moniale ! – et donc ne se sentirait pas crédible, ni honnête à répondre à la question : « les moines, comment font-ils ? ». C’est la parole de quelqu'un qui médite à cœur ouvert sur le sujet et qui trouve qu’il y a dans la Règle de St Benoit de savoureux trésors pour vivre en chrétien…
La Règle de St Benoit. Que dit-elle de la clôture ? Si je prends une concordance, en cherchant à « claustra », je trouve deux références :
* RB 4,78 : « Or l'atelier où nous devons travailler diligemment avec tous ces instruments, c'est le cloître du monastère avec la stabilité dans la communauté. »
* RB 67,7 : « De même celui qui se permettrait de sortir de l'enceinte du monastère, ou d'aller n'importe où, ou de faire quoi que ce soit, même de peu d'importance, sans l'autorisation de l'abbé. »
Maigre moisson… A en croire RB 4,78, cela a quand même un lien avec la stabilité… Alors essayons d’élargir la recherche à la « stabilité »:
* RB 1,11 : A propos d’un genre de moines qui s’appelle les gyrovagues : « Toujours en route, jamais stables, esclaves de leurs volontés propres et des plaisirs de la bouche, ils sont pires en tout que les sarabaïtes. » [Cela n’a pas l’air d’être très enviable… En tous cas, peut-être cela révèle que l’un des enjeux de la stabilité, un des ‘trucs’ à découvrir dans l’expérience, rejoint la liberté, le fait d’être non-esclaves…]
* RB 58,17 : « Avant d'être reçu, il [le profès] promettra donc publiquement, dans l'oratoire, stabilité, vie religieuse et obéissance »
Voilà…
Bon ce n’est pas tout ça, mais ça fait pas grand-chose à se mettre sous la dent…
Peut-être est-ce alors l’occasion – je m’interroge – de se dire que ce n’est pas forcément la clôture qui caractérise le moine. La clôture n’est probablement que là pour permettre une autre expérience. Et c’est peut-être sur cette autre expérience que Benoit développe plus. La clôture, la stabilité, le confinement ne nous mettrait-il pas tous face à cette expérience de nos limites ? Aujourd’hui, je suis limitée à l’espace de ma piaule pour les étudiants, de mon appartement pour les familles, de mon très grand monastère pour les moines. Aujourd’hui, je ne me déplace qu’après avoir rempli une attestation, c'est-à-dire avoir pris le temps d’interroger le pourquoi de mon action et de l’avoir – plus ou moins – ouvert à un autre que moi (que ce soit l’attestation de déplacement ou mon abbesse).
Et peut-être que ce dont la Règle témoigne, c’est qu’il y a là – dans cette acceptation de la limite, dans cette ouverture à l’altérité concernant mon agir – un chemin de vie possible… L’œuvre certes d’un combat (là les occurrences de ce champ lexical dans la Règle de St Benoit ne manquent pas !... ni dans le discours de notre président !), mais dans des mots qui me parlent plus, c’est aussi l’affaire d’une « école » (RB Pr, 45) ou d’un atelier comme dans la citation plus haut, avec ses outils, son labeur, son « artisanat monastique ».
Et alors un autre champ lexical s’ouvre, celui du chemin. Les moines, si stables soient-ils (quand ils le sont !), sont en chemin, en course même dirait St Benoit. C’est dire si la stabilité ne s’oppose en rien à la conversion, ou encore le confinement au déploiement de la vie. Le savoir donne déjà du courage. Mais à n’en pas douter, ce sera âpre par moments, St Benoit ne le nie pas. Alors il propose à ces moines : un horaire, de la prière, du travail manuel, des bonnes lectures, du soin à ce qu’ils lisent avant de se coucher, de la vigilance pour ne pas tomber dans l’excès, des pistes pour rabibocher les relations qui partent en vrille à longueur de journée sinon, et une bonne dose de ferme tendresse pour ce qui fait notre pâte humaine : il y a l’idéal mais il y a aussi, surtout le réel.
Je crois qu’en ces temps, ce que j’attendrai des moines, ce n’est pas tant qu’ils me conseillent un horaire (même si important le cadre pour structurer une journée…), ce n’est pas tant des conseils que bien d’autres pourraient donner parce que eux vivent vraiment l’isolement ou alors la promiscuité assortie ou pas de tensions familiales ; ce que j’attendrai des moines, c’est bien plutôt qu’ils disent/vivent une parole sur laquelle je puisse m’appuyer quand la confrontation trop grande à moi-même, à mes angoisses, à mes limites vient m’effrayer, qu’ils puissent témoigner que Dieu nous aime ainsi, et que si c’est vertigineux sous nos pas, il y en a Un qui nous soutient, qui est là, et qui ne craint pas. Qui plonge Son regard au fond du nôtre pour nous dire
« Tu as du prix à mes yeux ».
Au plus profond, le confinement me semble renvoyer beaucoup à cette expérience humaine impressionnante qui se joue au tréfonds quand la frénésie de paroles et d’actions s’arrête. Et dans ce tréfonds, j’ai juste envie de témoigner qu’Il y a Quelqu’un qui nous aime, Quelqu’un qui est là. Et c’est Sa Présence, Son Amour, qui va me donner le goût de structurer mon temps, de travailler même quand ça semble dérisoire, d’accueillir la peur de la mort, de m’ouvrir au discernement requis de moi en chaque geste.
Alors pour répondre à « comment font-ils ? », je dirai « ils – enfin je… essaie de rester face à la Croix. »
Dans notre chœur – et notre cœur –, elle est lumineuse…