Un texte de Mr Olivier Becht. Député du Haut-Rhin (né en 1976)
Coronavirus : que nous enseigne l’Histoire ?
Pour ma génération, cette épidémie mondiale est un événement encore jamais connu, jamais vécu.
Pourtant, en discutant avec mes parents, il apparaît que le monde en a déjà connu et pas seulement dans les siècles passés.
Nul besoin de remonter à la peste, au choléra ou encore à la grippe espagnole de 1918.
D’autres épidémies, ressemblant fortement au Coronavirus ont frappé le monde en 1957 et en 1969.
En 1957, le monde connaît une pandémie nommée « grippe asiatique ». Mon père s’en souvient encore car toute sa famille (père, mère, 5 enfants) va alors rester couchée presque sans possibilité de se lever pendant plus de 15 jours. Cette « grippe asiatique » fera 100 000 morts rien qu’en France et plus de 2 millions de morts dans le monde.
En 1969, à nouveau venue d’Asie, la « grippe de Hong Kong » frappe le monde. Elle va faire 31 000 morts en France et 1 million de morts dans le monde.
J’ai retrouvé un article du Journal Libération qui comparaît en 2005 le traitement de la canicule de 2003 avec celui de la « grippe de Hong Kong ».
Voici ce que l’extrait de cet article disait de la situation en 1969 :
« On n'avait pas le temps de sortir les morts. On les entassait dans une salle au fond du service de réanimation. Et on les évacuait quand on pouvait, dans la journée, le soir.» Aujourd'hui chef du service d'infectiologie du centre hospitalo-universitaire de Nice, le professeur Dellamonica a gardé des images fulgurantes de cette grippe dite «de Hongkong» qui a balayé la France au tournant de l'hiver 1969-1970. Agé alors d'une vingtaine d'années, il travaillait comme externe dans le service de réanimation du professeur Jean Motin, à l'hôpital Edouard-Herriot de Lyon. «Les gens arrivaient en brancard, dans un état catastrophique. Ils mouraient d'hémorragie pulmonaire, les lèvres cyanosées, tout gris. Il y en avait de tous les âges, 20, 30, 40 ans et plus. Ça a duré dix à quinze jours, et puis ça s'est calmé. Et étrangement, on a oublié.» - Fin de l’extrait-
Ce n’était pas au Douzième Siècle, c’était il y a 50 ans ! Étrangement on a oublié.
Encore plus étrange furent les traitements politiques et médiatiques qui en furent faits.
Alors que l’hôpital fait face à une crise sanitaire majeure : afflux brutal de malades, impossibilité de les soigner, mortalité par dizaine de milliers, nul ou presque n’en parle.
La presse parle à l’époque de la mission Apollo sur la Lune, de la guerre du Vietnam, des suites de mai 1968... mais pas ou peu des dizaines de milliers de personnes qui meurent dans des hôpitaux surchargés. Pire, le monde continue de tourner, presque comme si de rien n’était.
Alors que nous enseigne l’Histoire ?
D’abord et c’est une bonne nouvelle, que nos sociétés en ont « connu d’autres » et qu’elles se remettent de ces épidémies. Malgré la mortalité de masse provoquée par elles, nous n’allons pas tous mourir et la vie gardera le dessus.
Ensuite, qu’en 50 ans, les progrès techniques ont profondément modifié notre société. En 1969 encore la mort de millions d’individus semblait une fatalité alors qu’aujourd’hui elle nous paraît juste inacceptable. Nous attendons de la science qu’elle puisse nous protéger de toutes ces maladies, les vaincre voire peut être un jour vaincre la mort elle-même. Je parle bien sûr pour nos sociétés occidentales car 100 000 morts nous paraissent un choc majeur et inacceptable en Europe ou en Amérique du Nord alors que personne ou presque ne semble hélas s’offusquer que le Palu puisse tuer chaque année un demi million de personnes en Afrique...
L’Histoire nous enseigne encore que nos exigences vis à vis de l’Etat ont beaucoup changé. Nous sommes désormais, et c’est le prix de l’Etat providence, dans une société qui « attend tout de l’Etat ». En 1969 personne n’attendait de Pompidou qu’il arrête la « grippe de Hong Kong » ou encore organise le confinement de la population pour sauver des vies. Aujourd’hui le moindre accident est nécessairement de la responsabilité d’une autorité publique et si l’on n’arrive pas à un résultat immédiat et satisfaisant, c’est forcément que les élites ont failli. Que l’on soit bien clair, je ne cherche à excuser personne et il est vrai que le niveau des impôts n’est pas le même qu’en 1969 donc le niveau d’exigence peut légitimement être plus élevé. Je pose juste des constats.
Enfin, l’Histoire nous enseigne que la sphère médiatique a beaucoup changé et influence terriblement le traitement des événements. En 1969 les médias étaient encore pour beaucoup sous le contrôle de l’Etat. Comme on ne pouvait pas arrêter la maladie on n’en parlait quasiment pas. Et la vie continuait tant bien que mal. A l’ère des chaînes d’info continue et des médias sociaux on ne parle plus que de la maladie, du traitement sanitaire, politique, économique. Tout devient très vite sujet à polémique et à scandale. Pire, on a l’impression que notre vision du monde se limite désormais à ce qui défile sur nos écrans. Et comme il n’y a plus que la maladie sur nos écrans on oublierait presque que la vie continue avec ce qu’elle a de plus merveilleux (l’amour par exemple, mais aussi la création, l’innovation...) mais aussi de pire (la haine, la violence, la criminalité, la bêtise...). Bref la saturation de l’info autour de la maladie fait qu’on a l’impression que le monde s’arrête et comme la conscience crée en partie la réalité, il semble vraiment s’arrêter.
Alors vous me direz « autres temps, autres traitements de la maladie et des événements ». Oui, vous avez raison et quelque part heureusement.
Ces enseignements de l’Histoire ne nous obligent pas à traiter les choses comme dans le passé. Bien au contraire.
Mais ces voix venues du passé nous disent néanmoins :
- que les épidémies ont toujours existé et existeront probablement toujours car elles ne sont pas issues de complots de savants fous manipulés par des militaires dans des labos secrets, mais simplement des virus qui font partie de la Nature, au même titre que nous.
- que l’on pourra déployer toute la science et posséder les meilleurs Gouvernements du Monde, il y aura toujours un événement naturel que nul n’avait prévu et que l’on ne pourra pas totalement éviter.
- qu’il faut toujours garder l’esprit positif car l’Humanité s’est toujours relevé de ces épidémies. La France s’en relèvera aussi et cela d’autant plus vite que nous saurons faire preuve de résilience et de fraternité dans l’épreuve.
Essayons donc de ne pas perdre nos nerfs et notre moral rivés sur le compteur des morts qui monopolise nos écrans, restons unis plutôt qu’à accuser déjà les uns et les autres, concentrons nous sur les vies que l’on peut sauver chacun dans son rôle et à sa place, continuons de vivre, d’aimer, d’inventer car ni le monde ni la vie ne se sont arrêtés et profitons peut être, pour ceux qui en ont, d’utiliser le temps pour imaginer le monde meilleur dans lequel nous voudrions vivre à la sortie de cette crise.
Regarder le passé, c’est parfois prendre le recul nécessaire qui permet de mieux construire l’avenir.
Courage et espoir !
« C’est l’absence traversée dans la foi qui conduit à Dieu », dit Michel Rondet. Ô combien cela sonne juste pour moi. Le Samedi saint – malheureusement trop souvent escamoté dans la liturgie catholique, tant il nous presse de fêter la résurrection – est, à mon sens, le point de jonction, le pont, le passage obligé entre la mort et la résurrection de Jésus. Sans ce temps suspendu – ce moment où Jésus a disparu du regard des hommes, où les espoirs mis sur lui, les projections diverses et variées dont il a été gratifié disparaissent, s’effondrent –, rien ne peut exister.
Je suis comme chacun de nous, les mains nues et l’âme vulnérable pour dire, à partir de ma seule expérience, la rencontre avec le plus humain dans l’Homme, Dieu lui-même. Chaque évangéliste est un témoin unique, porteur d’une rencontre unique avec le Christ. Pour chacun de nous, maintenant, il en est de même et nous témoignons de là où notre rencontre singulière, avec lui, se vit. Pour moi, aujourd’hui, le Dieu des abîmes est le seul que je connaisse finalement. Vertige de nouveau. Ce Dieu-là ne descend pas dans les entrailles du mal pour faire de l’effet sur une carte de visite. Difficile de prendre davantage de risques, de s’enfoncer plus loin dans l’ardente fournaise de nos géhennes. Il descend avec nous parce qu’en fait il y est déjà. Il connaît par cœur ces ruelles sombres et ces forêts touffues qui nous habitent. Il connaît et n’a de dégoût pour aucune parcelle de ces terres humaines.
Dieu est l’espérance, l’espérance est Dieu. L’être-là de Dieu est l’espérance.
Notre être-là dit cette espérance.
Extraits de « le Dieu des abimes, à l’écoute des âmes brisées », Isabelle Lebourgeois, Albin Michel 2020
N’allons pas croire que Jésus passe à travers les portes. Si ses disciples le voient tout à coup dans la pièce où ils étaient enfermés, c’est qu’il était déjà là, d’une présence invisible, mais non moins vraie. Peu à peu ils se souviendront de ce qu’il leur avait dit lors de leur dernier repas : « Moi en eux et Toi, le Père en moi, pour qu’ils soient parfaitement un » Jn 17/20.
Le Christ se trouve partout où nous sommes. Les portes sont fermées, non pour permettre d’entrer, mais pour que nous puissions sortir « Je vous envoie » dit Jésus. Il a dit qu’il ferait des croyants réunis sa demeure. Donc là où se trouve le disciple se trouve le Christ. C’est chacun de nous qui devient sa demeure, chacun de nous dans la mesure où il est comme Lui, tourné vers le Père et vers les autres.
Et Thomas, si proche de nous, patron des mauvais croyants que nous sommes, il n’était pas là quand Jésus est apparu. Deux d’entre eux sont repartis vers leur village, eux sont restés, peut être avec le secret espoir que quelque chose va se passer. Lui Thomas, ne les a pas abandonnés, puisque « huit jours plus tard » il est avec eux. Huit jours pendant lesquels ils ont pu parler des événements, essayer de comprendre, de croire, de se souvenir de telle ou telle parole de Jésus, de l’Écriture. Huit jours après c’est le signe qu’après les six jours de la création et le septième consacré au repos de Dieu, voici le jour d’une ère nouvelle, d’une nouvelle création.