Le Fils de l’homme, ainsi Jésus se désigne-t-il, en parlant de lui-même. Il laisse entendre qu’il est plus que lui-même, plus que ce que l’on voit en lui. De fait il entre dans la peau du personnage du Fils de l’homme, un personnage qui a un programme à suivre, des actes à poser, écrits dans le Livre, une Parole à accomplir. Il obéit à l’Écriture et la mène à son terme. Il vient exercer le jugement de la fin des temps, juger le monde. Mais lui va être jugé par le monde pour le sauver. Tel est le contexte de l’évangile du jour avec en particulier l’annonce de la Passion.
Il était riche de pas mal de choses, pas seulement matérielles, mais il sentait quand même un vide en lui, un manque, puisqu’il vient trouver Jésus.
Restons un moment sur ce verbe « manquer ». On s’est beaucoup servi de cet évangile pour distinguer entre des commandements nécessaires (tu ne tueras…) et des « conseils » facultatifs (vends ce que tu as). Dans cette perspective, ce qui manque est un supplément gratuit, une sorte d’option dont on peut se passer. Ce n’est pas ce que dit notre texte. Les derniers 1000 euros qui vous manquent pour acheter cette voiture, vous empêchent tout simplement de l’acheter. On pourrait multiplier les exemples : tu veux épouser une telle mais tu n’as pas son consentement. Tout projet peut être réduit à néant quand « une seule chose manque », si cette chose est essentielle, autrement dit : l’observation des commandements ne peut suffire à procurer la vie éternelle. Paul ne parle pas autrement : on ne peut pas être sauvé par les œuvres de la loi. Il reste que cet homme doit choisir entre conserver sa richesse et son statut social et tout quitter pour suivre Jésus.
Mais alors « qui peut être sauvé » ?. Il ne s’agit pas seulement, même après un long chemin, d’aller jusqu’à la porte et de s’en contenter. Les disciples parlent « d’être sauvé », donc une question de vie ou de mort et non seulement d’une sainteté facultative et ornementale, une question qui se pose à tout homme en dehors de toute perfection chrétienne.
Il est bon de se souvenir que dimanche dernier l’évangile nous appelait au dépouillement : « Si ta main te scandalise coupe là…etc ». C’est sans doute un détachement nécessaire pour comprendre ce qui va être dit aujourd’hui à propos du mariage et des enfants.
Les traditions qui ont donné naissance à la Bible se sont formées dans des civilisations dominées par l’homme. Or nous voyons nos écrits bibliques dépasser peu à peu ce point de départ.
Notre première lecture est le plus ancien des récits de création. Il fait surgir l’homme en premier. Celui-ci reçoit le don d’un univers végétal et animal dont il prend possession en le nommant. Mais cela ne suffit pas à l’arracher à sa solitude, Il a besoin d’un être semblable à lui. Faire sortir la femme du côté de l’homme endormi (tout près de son cœur, selon St Augustin) signifie qu’aucun des deux n’est complet sans l’autre et que l’être humain achevé nait de l’union des deux. « Chair de ma chair et os de mes os » s’écrie Adam. Chacun est pour l’autre ou plutôt peut l’être car il y faut tout l’apport de notre liberté au fil d’une histoire.