Homélie du P. Désiré
Frères et sœurs,
Le récit de l’évangile que nous venons d’entendre fait suite à la profession de foi de Pierre dans laquelle il reconnaît Jésus comme, Christ et Fils du Dieu vivant (cf. Mt 16, 16) ; cette profession lui a valu des compliments de la part de Jésus « Heureux es-tu, Simon fils de Jonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. » (Mt 16, 17).
L’histoire nous dit que Jésus aussitôt avait dévoilé à ses disciples le sort qui l’attendait : la Passion, la croix, la mort et la résurrection. Un tel programme, frères et sœurs, était loin de correspondre aux attentes des disciples qui espéraient, comme tous leurs concitoyens juifs, un Messie-roi et non un roi sans armes ni privilèges encore moins, comme le laissait entendre Jésus, un Messie qui allait souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes et être mis à mort (cf. Mt 16, 21) de façon apparemment consentante. Cela ne pouvait être ni envisageable ni acceptable. Pour ces hommes-là, Pierre en tête, les explications de Jésus sur le sort qui l’attend sont peu convaincantes et insuffisantes pour effacer leur compréhension du messianisme ; d’où la réaction de Pierre : « Dieu t’en garde, Seigneur ! cela ne t’arrivera pas. » (Mt 16, 22). Lui et ses amis n’étaient quand même pas sortis de chez eux pour suivre un suicidaire. La réponse de Jésus ne se fait pas attendre. « Passe derrière moi, Satan ! Tu es pour moi une occasion de chute … » (Mt 16, 23a).
Cette réponse, frères et sœurs, vient nous révéler que nos manières de voir sont spontanément « humaines » (cf. Mt 16, 23b). Il convient donc, comme le suggère Paul dans la 2ème lecture, de laisser l’Esprit les transformer et même parfois les bouleverser complètement, si nous voulons rester fidèles au plan de Dieu.
Homélie du P. Désiré
Dans la vie quotidienne, il y a un instrument indispensable que nous portons toujours avec nous : la clef. Elle est si importante que dans certaines traditions, pour l’installation d’un gouverneur, délégué ou maire d’une ville, il y a en bonne place la cérémonie de la remise symbolique de la clef de la ville. Par cet acte, on voudrait signifier que désormais cette personne a le pouvoir d’allées et venues sur cette ville. Empruntant aux paroles de Jésus que nous lisons dans l’évangile d’aujourd’hui : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ; et la puissance de la mort ne l'emportera pas sur elle » (Mt 16, 18), depuis le 16ème siècle, les insignes officiels du Saint Siège sont représentés justement aussi par les clés, en l’occurrence deux : une en or placée à droite et faisant allusion au pouvoir sur le royaume des cieux, et l’autre en argent, à gauche, indiquant l’autorité spirituelle de la papauté sur la terre. Tout un symbole qu’on a nommé « le pouvoir des clefs » pour signifier et justifier l’autorité qu’aurait le Pape, en tant que successeur légitime de Pierre. Cette posture a suscité beaucoup de controverses au temps de la Réforme notamment avec Luther qui soutenait que ce pouvoir ne concernait que le pardon ou non des péchés.
Frères et sœurs, sans entrer dans ces querelles qui ne nous intéressent plus aujourd’hui, le message de la parole de Dieu de ce dimanche nous permet de nous arrêter sur le « pouvoir des clefs ».
Homélie du P. Désiré
Frères et sœurs, la semaine dernière, le Seigneur Jésus nous invitais à chasser nos fantômes pour écouter sa voix inimitable qui nous dit, « c’est moi », « confiance », « n’ayez pas peur » et qui nous souffle toujours la direction à prendre afin qu’autour de nous, « amour et vérité se rencontrent » et que « justice et paix s’embrassent ». Aujourd’hui, la « logique de l’élection » est au centre de la parole de ce dimanche. Cette logique veut que Dieu ait choisi le peuple d’Israël pour se révéler à lui ; et qu’il revient au peuple élu de relayer cette révélation auprès des autres peuples.
En ce sens, saint Paul que nous avons lu dans la deuxième lecture s’était d’abord adressé prioritairement aux Juifs. Et, c’est seulement dans un deuxième temps, après son échec auprès de la majorité des Juifs, que Paul s’est tourné vers les païens. Jésus, dans l’évangile, se situe également dans cette logique de l’élection. En effet, c’est « aux brebis perdues de la maison d’Israël » (Mt 15, 24), dit-il, qu’il a été envoyé pour annoncer la venue du royaume de Dieu et en donner des signes par sa parole et par ses actes. Il va même plus loin en justifiant son refus d’intervenir pour les non-juifs représentés ici par une Cananéenne : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens » (Mt 15, 26).
Derrière cette « logique d’élection » se cache un problème de fond qui demeure encore aujourd’hui dans nos sociétés. Ce problème, c’est le rapport à l’étranger. Concrètement, il s’agit de savoir jusqu’où les communautés dites nationales ou locales doivent-elles aller pour accepter de s’ouvrir à ceux qui ne leur ressemblent pas ? Ceci nous amène alors à nous demander si Dieu a des préférences ou s’il aime tous les hommes ?