Il y a dans ce que nous venons d’entendre toute l’histoire de l’humanité, une humanité aveugle, la nôtre. Jean la raconte à partir d’une remarque assez fréquente dans son évangile : « Jésus passait ».
Notre Dieu n’est pas un personnage installé, insensible, immobile. Il passe et nous fait tourner nos regards à l’avance vers le grand passage de Pâques, celui du baptême.
Jean campe dans cette scène toutes les attitudes que les hommes vont prendre par rapport à Jésus :
Les frontières de la France ne sont plus guère contestées. Il n’en est pas de même pour bien des nations dont l’unité est fragilisée par des divisions entre des clans, des tribus, ou par des frontières mal établies. Il en fut ainsi pour Israël. Le royaume de David éclata à la mort de son fils Salomon. Dix tribus sur les douze se séparèrent pour former le royaume du nord, en Samarie. Les juifs à proprement parler ne sont plus que les membres de la tribu de Juda et ceux de la tribu de Lévi qui se tiennent autour de Jérusalem. La Galilée est au nord de la Samarie, ce qui explique l’hostilité entre juifs et samaritains.
Jésus va annoncer une réconciliation, que nous voyons s’opérer à la fin de cet évangile. Il met de côté la question de savoir s’il faut adorer à Jérusalem ou sur le mont Garizim où se dressait le temple rival des samaritains. Dieu est partout, là où il agit. Le lieu de l’adoration c’est celui de la rencontre de Jésus Christ, ce puits auprès duquel, fatigué, il vient demander à boire à une femme.
Jeudi 02 février 2017.
Fête de la Présentation du Seigneur – Journée de la vie consacrée.
Homélie de la messe.
Accueillir la fragilité…
L’Évangile que nous venons d’écouter attire notre attention sur la fragilité.
Fragilité d’un enfant, âgé seulement de 40 jours, que ses parents portent au temple de Jérusalem pour le présenter au Seigneur. Un geste qui est aussi un acte de foi en reconnaissant ainsi que toute vie est un don de Dieu.
Fragilité, ensuite, de deux personnes âgées. L’une d’entre elles se prénomme Syméon, un homme juste et religieux. Poussé par l’Esprit Saint il se rend au temple et reconnaît dans la fragilité de l’enfant le « salut attendu », la « lumière qui éclaire les nations » et la « gloire du peuple d’Israël ».
L’autre personne âgée se prénomme Anne. Cette fois l’Évangile nous précise son âge : 84 ans ! La souffrance n’a pas épargné cette femme qui a perdu son mari après seulement sept ans de mariage. Mais, malgré cette épreuve, elle est demeurée fidèle à Dieu, ne s’éloignant par du temple et servant Dieu dans le jeûne et la prière. Elle reconnaîtra dans la fragilité de l’enfant un libérateur… Et toute la suite de l’Evangile montrera comment cet enfant libérera l’homme de son péché et de ses peurs en lui ouvrant les chemins de la vie éternelle.
Dans cet évangile se croisent ces grands moments de fragilité de la vie que sont les premiers mois et la vieillesse.
Et puis, dans cet évangile, il y a aussi Marie et Joseph. Marie et Joseph accueillent ceux et celles dont la vie est marquée par la fragilité. Ils portent l’enfant qui vient de naître et, loin de chasser Anne et Syméon, ils écoutent avec foi et étonnement le message qui sort de leur bouche.
Aujourd’hui, nous sommes dans une société qui remet en question l’existence même de ceux et celles dont la vie est marquée par des fragilités. Une société où retentissent dans la vie de nos contemporains, et parfois dans notre propre vie, des questions redoutables. Des questions qui deviennent écrasantes lorsqu’elles laissent supposer qu’une seule réponse soit possible. Faut-il garder un enfant dont la vie est marquée par un handicap physique ou mental ? Faut-il maintenir en vie des personnes dont les capacités physiques et intellectuelles sont amoindries par l’âge, la maladie ou encore par un accident ?
Ces questions en appellent d’autres :
La fragilité humaine n’aurait-elle plus le droit d’exister dans notre société ? Douterions-nous à ce point de l’amour humain pour penser qu’il ne pourrait plus accompagner et porter les plus fragiles ? Serions-nous à ce point habités par la certitude que les plus fragiles n’auraient rien à donner et à offrir ?
La vie religieuse apporte, pour sa part, une réponse à ces questions. La réponse est donnée dans les trois vœux traditionnels que prononcent les personnes consacrées : pauvreté, chasteté, obéissance. Trois vœux qui refusent la toute puissance pour entrer dans une dépendance féconde avec Dieu et des frères et sœurs non choisis.
Dans l’évangile de ce jour, l’enfant dans sa fragilité est déjà lumière des nations. Dans l’évangile de ce jour ce sont des personnes âgées qui révèlent à tous le mystère du Christ. Aujourd’hui, croyons-nous que la fragilité puisse dire ou révéler le Christ lumière ?
En ce jour de fête, ne cherchons pas les signes de la présence de Dieu dans ce qui est parfait et puissant. Sachons accueillir, comme Marie et Joseph, les signes de la présence de Dieu dans la fragilité humaine car c’est de là que, souvent, jaillissent la lumière et le salut ! Amen !
+ Pascal Delannoy
Evêque de Saint-Denis en France