Mettons-nous un instant à la place des gens de Nazareth, réunis comme chaque samedi dans leur synagogue, comme nous le faisons ici chaque dimanche. L’un d’eux, qu’ils connaissent bien, un dénommé Jésus, est invité à faire la lecture comme nous le faisons ici. Quelqu’un qui sait lire. Il vient de lire un passage du prophète Isaïe, rend le livre au servant, s’assied, et observe un temps de silence.
Tout le monde réfléchit à partir de ce texte bien connu depuis au moins cinq siècles, écrit lors d’une période douloureuse, après l’exil, où il fallait reconstruire sur des bases plus solides qu’autrefois. On attendait, un peu comme chez tous les peuples en situation difficile, quelqu’un qui viendrait remettre les choses en ordre. On l’attendait comme un sauveur, un messie. Certains profitaient même de cette attente pour se présenter comme le messie. D’autres se demandaient pourquoi il mettait tant de temps à venir.
Alors survient l’événement, quand Jésus déclare brusquement :
« ce que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui que cela se réalise »,
autrement dit : « ce Messie c’est moi. ».
C’est la stupéfaction. Que vont-ils comprendre alors ?
Si vous montez jusqu’au deuxième étage de la tour de Jouarre, vous y découvrez quelques versets de la Bible offerts à votre lecture. Si vous prenez le temps de les lire, de les méditer, vous y trouverez peut-être le secret de ce qui se vit dans un monastère : la Parole de Dieu, non seulement lue avec les yeux, mais touchant le cœur, faisant revivre une Parole que vous connaissez peut-être depuis longtemps, mais qui prend tout à coup une intensité nouvelle.
Auparavant, au premier étage de la tour, vous aurez admiré la belle statue du Christ aux liens, une image qui dit tant de choses. C’est sa Parole que vous aurez lue, celle que nous venons d’entendre aujourd’hui. Nous venons d’entendre le récit de deux lectures publiques de cette Parole, l’une à Jérusalem, au retour de l’Exil par le scribe Esdras, l’autre par Jésus à Nazareth.
Ce que nous venons d’entendre se passe au cours d’un mariage. La première lecture nous le laissait pressentir. Isaïe nous invitait à penser aux noces de Dieu avec son peuple et, à travers ce peuple, avec toute l’humanité.
Nous sommes au début de l’évangile de Jean, avec un récit d’initiation. Pour la première fois chez Jean, Marie entre en scène, comme médiatrice. Elle établit la relation entre la situation et son Fils, mobilise les acteurs, puis s’efface pour ne plus apparaître, chez le même évangéliste, qu’au pied de la Croix.
On a dit que ce jour là elle a mis son fils au monde, non plus comme un enfant à Bethléem, mais comme un homme avant de donner naissance au pied de la Croix au disciple, le nouveau corps unique dont parle la seconde lecture.
Puis elle s’efface dans la contemplation de Celui qui se révèle. Dans cette démarche, elle visite les trois sens du verbe « assister » : elle se substitue, elle contribue, elle est présente, elle est un modèle pour nous.