Il était sur le bord du chemin, un aveugle, mais pas n’importe lequel. St Luc nous donne son nom : Bartimée. Jusqu’alors nous ne connaissons aucun d’entre eux par leur nom. Cette rencontre doit donc offrir quelque chose de particulier.
Le long du chemin, il est plus ou moins marginal, dépendant des autres pour exister, mais il y a en lui un extraordinaire désir de vie qui éclate d’abord dans un cri : « Fils de David Jésus, aie pitié de moi ! » un cri qui rejoint celui de tous les opprimés de la terre, des malades dans les hôpitaux, des captifs dans les prisons.
Son cri touche Jésus, il le reconnait comme Messie, Envoyé de Dieu parmi les hommes. On a beau le menacer, il crie de plus belle. Rien ne peut l’arrêter.
Jésus lui, s’arrête. C’est comme dans un film, arrêt sur image, un moment exceptionnel que cette rencontre de Jésus venu pour donner sa vie, et de cet homme démuni qui s’offre à lui en criant vers lui. Tout le mystère de Jésus Sauveur est là, il est venu pour chercher et sauver ce qui était perdu. Nous sommes déjà dans la Passion !
Le Fils de l’homme, ainsi Jésus se désigne-t-il, en parlant de lui-même. Il laisse entendre qu’il est plus que lui-même, plus que ce que l’on voit en lui. De fait il entre dans la peau du personnage du Fils de l’homme, un personnage qui a un programme à suivre, des actes à poser, écrits dans le Livre, une Parole à accomplir. Il obéit à l’Écriture et la mène à son terme. Il vient exercer le jugement de la fin des temps, juger le monde. Mais lui va être jugé par le monde pour le sauver. Tel est le contexte de l’évangile du jour avec en particulier l’annonce de la Passion.
Il était riche de pas mal de choses, pas seulement matérielles, mais il sentait quand même un vide en lui, un manque, puisqu’il vient trouver Jésus.
Restons un moment sur ce verbe « manquer ». On s’est beaucoup servi de cet évangile pour distinguer entre des commandements nécessaires (tu ne tueras…) et des « conseils » facultatifs (vends ce que tu as). Dans cette perspective, ce qui manque est un supplément gratuit, une sorte d’option dont on peut se passer. Ce n’est pas ce que dit notre texte. Les derniers 1000 euros qui vous manquent pour acheter cette voiture, vous empêchent tout simplement de l’acheter. On pourrait multiplier les exemples : tu veux épouser une telle mais tu n’as pas son consentement. Tout projet peut être réduit à néant quand « une seule chose manque », si cette chose est essentielle, autrement dit : l’observation des commandements ne peut suffire à procurer la vie éternelle. Paul ne parle pas autrement : on ne peut pas être sauvé par les œuvres de la loi. Il reste que cet homme doit choisir entre conserver sa richesse et son statut social et tout quitter pour suivre Jésus.
Mais alors « qui peut être sauvé » ?. Il ne s’agit pas seulement, même après un long chemin, d’aller jusqu’à la porte et de s’en contenter. Les disciples parlent « d’être sauvé », donc une question de vie ou de mort et non seulement d’une sainteté facultative et ornementale, une question qui se pose à tout homme en dehors de toute perfection chrétienne.