Quelqu’un qui se tenait à la sortie de la messe dans une paroisse que je ne nommerai pas, me fit remarquer un jour combien certains étaient heureux de ne rien donner pour la quête. C’était assez vrai. Mais on peut dire qu’il y en a qui sont heureux de donner, comme cette femme dont Jésus relève le geste.
Une veuve, de celles qui étaient alors les plus démunies, seules, sans ressources. De tous temps, la veuve et l’orphelin ont été associés. Des personnages sans droit, qui dépendent de la bonne volonté des voisins.
Dans la première lecture, nous avons vu Élie venir trouver une veuve non pour lui donner mais pour lui demander, alors qu’elle a un enfant à nourrir, en temps de famine. S’il lui demande le peu qui lui reste, c’est pour qu’elle cesse de compter sur ses réserves et compte totalement sur la seule parole de Dieu que le prophète lui adresse : « N’aie pas peur ».
Elle doit cesser de voir la mort qui va suivre la perte de ses dernières réserves pour ouvrir les yeux vers une autre vie, une vie qui vient d’ailleurs. Toujours le même message : donner sa vie pour la sauver. C’est de cela que nous ne devons pas avoir peur. Donner de soi-même pour en faire vivre d’autres n’est-ce pas au principe de toute vie, de toute génération ? N’est-ce pas le propre de ces millions d’hommes dont nous célébrons la mémoire en ce 11 novembre ?
La loi de Moïse, selon les rabbins comportait 613 commandements qui, pour certains avaient tous une égale valeur. C’était une des règles d’interprétation : « que le commandement léger te soit aussi cher que le commandement grave ». Ce qui comptait pour eux c’était l’interprétation tout autant que le texte de la Loi. C’était une donnée importante, tout comme pour nous chrétiens, nous nous appuyons sur l’Ecriture et la Tradition. C’est toujours vrai, mais il restait que ces interprétations et ces traditions finissaient par emprisonner dans un véritable carcan contre lequel St Paul partira en guerre. Même si l’intention était bonne, cela pouvait aboutir à un légalisme pointilleux et à une déformation des consciences
On comprend donc pourquoi ce savant vient à Jésus pour avoir une interprétation sérieuse.
Dans l’histoire, on n’a pas toujours rendu service aux saints. Non seulement en martelant leurs visages aux portails des cathédrales, mais sans doute pire, en écrivant , avec les meilleures intentions du monde, leur vie en un style bien pensant, souvent affligeant de fadeur et de mollesse.
Ici il n’y a pas de statues de saints, à part celle, fort belle, de la Vierge Marie. On ne les voit pas affublés d’habits de parade qui les rendraient bien incapables de faire le ménage ou de scier une planche. Même St Benoit et Ste Scholastique n’ont droit qu’à un petit vitrail bien caché…
On leur a vissé sur la tête des couronnes de crainte qu’ils ne passent inaperçus.
Bref on les a souvent déshumanisés, oubliant qu’ils ont eu mal aux dents, des cors aux pieds, de l’arthrose comme tout le monde.
J’aime bien entendre Ste Thérèse déclarer : « quelle savate d’omelette on m’a servi dans ma vie. On croyait que je l’aimais ainsi, toute desséchée. Il faudra faire attention, après ma mort, à ne pas donner cette saleté aux pauvres sœurs » Ou bien entendre le Padre Pio, au début de la messe, s’en prendre aux femmes qui faisaient trop de bruit pour être au premier rang…
Les saints ne sont pas seulement des témoins et la mémoire de l’Église, ils en sont la substance. On a dit qu’ils sont la santé du monde. Ils assurent l’équilibre des fonctions de ce que St Paul a osé nommer le Corps du Christ, ce corps dont nous sommes les membres, et dont nous savons bien qu’il est parfois malade, fatigué, avec des articulations qui ne répondent plus bien à ce que demande la tête. Mais les saints apportent une poussée de vie, un sang nouveau. Ils sont la jeunesse du monde, le printemps de l’Église.